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Fermiers du Bas Rouergue, dans l’Aveyron
Les pionniers du circuit court

Depuis 1974, une soixantaine de producteurs, regroupés dans une petite coopérative, commercialisent de la viande directement auprès de bouchers et dans leur propre boucherie.

Localement, on les appelle tout simplement « les fermiers », tant ils sont insérés dans le paysage. On ne risque guère de se tromper en disant qu’ils font partie des pionniers, en France, de la vente directe de viande et des circuits courts. La coopérative des Fermiers du Bas Rouergue, dans l’Aveyron, a été créée en 1974 par une poignée d’éleveurs qui ne voulaient plus voir leurs veaux lourds bradés en Italie. C’est la même réflexion qui présida, près de vingt ans plus tard, au lancement de la démarche Label rouge veau d’Aveyron et du Ségala. Ils en sont les précurseurs. « Ça s’est décidé à la sortie de la messe, au moment de l’apéro », se souvient Jean-Claude Vernhes, premier boucher embauché par la coopérative et, pour quelques mois encore, responsable de l’équipe actuelle. Leur première idée fut de vendre, par le bouche-à-oreille, des colis de 25 kg de viande (pas moins !) aux nombreux Aveyronnais « expatriés » à Paris ou ailleurs. Puis, des bouchers commencèrent à demander des carcasses et, de la vente directe, la coopérative s’est orientée vers un circuit court, abandonnant les colis. Lors de la création de l’atelier de découpe actuel (500 m2), dans la zone industrielle de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), elle y a adjoint une boucherie d’éleveurs pour la vente au détail.

Du veau label avec un « cahier des charges plus strict »

Aujourd’hui, la coopérative regroupe une soixantaine de producteurs, de viande bovine principalement, mais aussi quelques producteurs d’agneaux, de porcs élevés en plein air et de volailles. En 2014, elle a commercialisé 280 à 300 tonnes de viande. Les animaux sont abattus deux fois par semaine dans l’abattoir situé dans la même zone industrielle : 30 à 35 veaux et 15 vaches par mois, 10 porcs et 12 agneaux par semaine. Elle vend aussi une cinquantaine de volailles grasses par semaine dans son magasin. Une activité qui génère un chiffre d’affaires de 2,2 millions d’euros.

Les veaux sont produits sous label Veau d’Aveyron et du Ségala mais avec un cahier des charges plus strict : « Les veaux sont plus jeunes — 9 mois maxi —, plus légers — la grille de prix favorise les veaux de moins de 210 kg —, et un peu plus gras pour répondre à la demande de la boucherie traditionnelle », explique Jean-Luc Authesserre, président de la coopérative. Les 20 éleveurs qui fournissent des veaux, commercialisent la moitié de la production (mais jusqu’à 80 % pour certains), en moyenne, via la coopérative. En 2015, les veaux ont été payés au producteur à un prix moyen de 5,65 euros/kg carcasse. Nettement au-dessus de la grille interprofessionnelle.

Pour les vaches, « le critère numéro un, c’est l’engraissement »

Même exigence pour les vaches. « Le critère numéro un, c’est l’engraissement. Les bouchers veulent des vaches grasses à très grasses pour pouvoir faire maturer la viande », précise le président. La grille de prix comprend un critère d’âge avec trois seuils (7, 10 et 13 ans) et un critère de classement propre à la coopérative qui synthétise conformation et état d’engraissement. La Limousine représente 90 % des vaches abattues ; c’est la préférée des clients de la coopérative pour sa capacité à bien se finir, indique le président. Le tri des vaches est effectué en vif, par l’éleveur responsable de la production, puis à l’abattoir. Elles sont payées, en moyenne, autour de 4,90 euros/kg carcasse. Le cahier des charges de production interdit l’ensilage pendant l’engraissement. Si, pour les vaches, il n’y a pas de contrôle officiel du cahier des charges, contrairement aux veaux Label rouge, le respect des règles n’en est pas moins une préoccupation permanente. Les fermes sont visitées à l’improviste par les responsables de production. Quant à la traçabilité, elle est dans les gènes de la coopérative : « Nous l’avons mise en place vingt ans avant que la législation ne l’impose », explique Jean-Luc Authesserre. Une photocopie du passeport suit la carcasse pour affichage sur le point de vente.

La coopérative est en recherche de nouveaux bouchers

Si les Fermiers du Bas Rouergue bénéficient d’une belle notoriété et d’une image flatteuse, la coopérative n’en est pas moins à un tournant. Les générations se succèdent mais pas forcément à l’identique. En 2015, les ventes ont baissé assez sensiblement. Elle a perdu quelques boucheries ou des volumes à l’occasion de départs en retraite, avec des successeurs qui changent de stratégie en visant un créneau de « viandes plus basiques ». « Nous nous sommes un peu endormis sur nos lauriers, reconnaît Jean-Claude Verhnes. Nous n’avons pas rebondi assez rapidement quand les bouchers prenaient la retraite. » Un peu de relâchement aussi sur la publicité, dans la presse professionnelle, et sur le travail commercial. Et, bien sûr, comme dans beaucoup de secteurs d’activité, les effets de la crise économique.

Proposer des colis de viande aux comités d’entreprise

Mais, depuis quelque temps, la coopérative a repris les choses en main. Un jeune boucher est formé au commercial. Il fait du démarchage téléphonique dans des régions ciblées, pour étoffer le réseau actuel, et va voir les bouchers intéressés. Ils apprécient d’avoir un interlocuteur qui connaît le métier. « Nous sommes très bien reçus, affirme le responsable de l’atelier de découpe. Certains viennent voir comment nous travaillons. Nous leur proposons des animations en magasin avec des éleveurs pour lancer l’activité. Des essais sont en cours avec certains d’entre eux. »

La coopérative envisage de proposer de nouveau des colis de viande en ciblant prioritairement des comités d’entreprise de sa région, où le magasin génère un bouche-à-oreille qui peut être mieux valorisé. Par rapport à un producteur individuel, la coopérative possède un atout important, la capacité à jouer sur les conditionnements : colis multiviandes, colis de saison… Jean-Claude Verhnes se dit confiant : « Je ne me tracasse pas pour l’avenir de l’entreprise. Elle a tous les atouts pour rebondir : un atelier de découpe amorti, peu de charges d’emprunts, une excellente notoriété, une traçabilité parfaite… Mais, comme toute entreprise, elle doit bouger en permanence. »

Développer le service de découpe

Les Fermiers du Bas Rouergue servent une vingtaine de boucheries, dans toute la France, et 30 à 40 restaurateurs de la région. Dans les années 1990, faute de service adéquat, ils ont développé une tournée de livraison, avec leur propre camion, qui va des Pays de la Loire jusqu’à Bordeaux. Aujourd’hui, « c’est à peine rentable », reconnaissent-ils. D’où l’idée d’étoffer prioritairement cette tournée avec de nouveaux bouchers. Ils livrent aussi leurs clients locaux dans un rayon de 40 kilomètres. La coopérative propose plusieurs prestations à ses clients : carcasses entières, quartiers, demi-carcasses désossées, prêt à découper, barquettes sous vide… « Comme il y a pénurie de bouchers ou que certains ne peuvent pas embaucher, la coopérative devrait développer davantage ce service de découpe. Tout comme pour la barquette, il y aurait de nouvelles technologies à adopter en termes de conditionnement », estime Jean-Claude Verhnes. La coopérative fabrique aussi des charcuteries et des plats cuisinés en conserve pour son magasin. Elle emploie dix salariés.

Un nouvel avenir pour l’abattoir de Villefranche-de-Rouergue

L’un des atouts des Fermiers du Bas Rouergue est de disposer d’un abattoir dans la même zone industrielle. Avec des producteurs dans un rayon de 20 kilomètres et un abattoir sur place, on peut difficilement faire mieux en matière de proximité. Mais, cet atout a bien failli s’évaporer. L’abattoir municipal de Villefranche-de-Rouergue, dans l’Aveyron, fut menacé de fermeture il y a quelques années, à la suite d’un incident technique qui a révélé son obsolescence. « Une société d’économie mixte a été créée avec engagement financier des utilisateurs, selon leur volume, et des collectivités territoriales, pour le relancer, expliquent Jean-Luc Authesserre et Jean-Claude Verhnes. Les Fermiers du Bas Rouergue ont beaucoup poussé pour le maintien de l’abattoir. Ça tenait à un fil. Au moment le plus difficile, nous étions les seuls à continuer à abattre. Il y a eu aussi une réelle volonté politique de le sauver. » Des travaux, pour un total de 5,3 millions d’euros (dont 2,2 millions d’aides), vont démarrer prochainement pour le mettre aux normes, avec un objectif d’activité de 6 000 tonnes par an. Celle-ci sera maintenue pendant les travaux qui devraient durer jusqu’à fin 2017 ou début 2018.

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