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« Les évolutions du climat nous confortent dans nos objectifs de sélection de la race Aubrac »

La race Aubrac devait être à l’honneur au Sommet de l’élevage. Cela lui aurait permis de mettre en avant ses particularités en termes d’objectifs de sélection où l’ambition n’est pas de faire la course au toujours plus lourd et plus développé. Explications avec Yves Chassany, éleveur dans le Sud-Est du Cantal et président de l’OS Aubrac.

Yves Chassany. « On doit rester vigilant sur le maintien de l’aptitude de nos animaux à être finis facilement sans avoir recours à des rations coûteuses incluant une forte proportion de céréales et concentrés. » © F. d'Alteroche
Yves Chassany. « On doit rester vigilant sur le maintien de l’aptitude de nos animaux à être finis facilement sans avoir recours à des rations coûteuses incluant une forte proportion de céréales et concentrés. »
© F. d'Alteroche

Dans les concours aubrac, il y a une forte proportion de jeunes parmi les participants. Est-elle représentative de l’ensemble de la population des éleveurs détenant des cheptels aubrac ?

Yves Chassany - Des travaux ont été réalisés à ce sujet sur la zone du Parc naturel régional de l’Aubrac mais se limiter à ce territoire serait trop restrictif. Mais oui, nous avons beaucoup de jeunes éleveurs passionnés. Bien des éleveurs d’Aubrac ont un côté « résistant » qui se transmet de génération en génération. Une forte proportion des cheptels aubrac sont élevés sur des zones inconvertibles où il n’y a de toute façon pas d’autres alternatives que l’élevage d’herbivores. Pour beaucoup d’entre nous, l’Aubrac est une passion, presque un art de vivre ! Mais la passion ne fait pas tout ! On ne peut occulter les réalités économiques. Comme partout, nos systèmes d’exploitation ont évolué, avec une tendance marquée à l’agrandissement. Comme dans les autres régions d’élevage, si les difficultés deviennent trop lourdes à porter et si de nouvelles viennent s’y rajouter (loups, vautours…), elles peuvent finir par décourager des jeunes pourtant tenaces et accrochés à leur terroir. L’actuel discours ambiant antiélevage et antiviande est forcément très mal vécu dans nos rangs. Il est d’autant plus difficile à entendre compte tenu des caractéristiques de nos élevages basés sur l’herbe et valorisant des territoires difficiles.

La progression des effectifs ne risque-t-elle pas de se traduire par une banalisation de la viande aubrac ?

Y. C. - Nos effectifs ont progressé mais sont bien inférieurs à ceux des grandes races. Si on applique à l’effectif global le taux de renouvellement classiquement pratiqué dans la plupart de nos élevages soit 18 à 20 %, cela représente 40 000 à 50 000 vaches de boucherie par an sachant que toutes ne sont pas non plus finies.

Le label rouge bœuf fermier Aubrac a concerné l’an dernier 2 215 carcasses labellisées pour 2 614 bovins labellisables avec un prix moyen de 4,69 euros du kilo de carcasse et un poids moyen de 408 kg. Il a un réel effet « locomotive » pour stimuler les tarifs des autres femelles finies. C’est appréciable, mais toutes nos vaches sont loin d’être vendues à ces tarifs ! L’arrivée du Covid n’a pas eu d’impact défavorable pour nos démarches officielles de qualité avec au contraire une progression de la demande depuis ce printemps. La crainte est pour les mois à venir. La crise économique annoncée risque d’avoir un impact sur le pouvoir d’achat des Français. Si ce dernier est en berne, au moins une partie d’entre eux s’orienteront vers des produits plus basiques et surtout moins chers.

La progression des effectifs dans les zones extérieures où le contexte pédoclimatique est souvent plus favorable que dans le berceau ne présente-t-elle pas, à terme, un risque de perte de rusticité ?

Y. C. - Des animaux élevés dans des zones plus propices à la production fourragère peuvent acquérir des formats adultes un peu plus importants comparativement à ceux élevés dans des zones plus difficiles. Cela dépend aussi beaucoup des conduites d’élevages. Nous avons pour notre race un projet bien cadré qui intègre la nécessaire maîtrise des formats. Il est partagé par les éleveurs y compris ceux qui ont adopté notre race récemment. Si on prend l’exemple des animaux mis en avant sur nos concours, on est sur une fourchette de 650 à 750 kg pour les vaches adultes et 950 à 1 150 kg pour les taureaux. Il y a forcément quelques petites variations selon les élevages, mais cette fourchette est pour nous un optimum. Dans le cadre du label rouge, la plupart des carcasses ont des poids compris entre 380 et 420 kg. Inutile d’aller au-delà. La France dispose de suffisamment de races allaitantes spécialisées d’un format plus conséquent. Pas la peine de chercher à rivaliser avec elles sur ce créneau.

Les évolutions du climat, une fois encore cruellement ressenties cet été, pourraient-elles vous amener à faire évoluer vos objectifs de sélection ?

Y. C. - Elles nous confortent déjà sur les orientations morphologiques qu’il convient de donner à nos animaux et qui ont d’ailleurs toujours été les nôtres. À savoir cette volonté de privilégier des formats modérés sur des animaux très profonds avec de fortes capacités d’ingestion. On est de plus en plus fréquemment confrontés à des périodes de pâturage au cours desquelles les animaux ne disposent que de surfaces dont le couvert végétal a été grillé par les incidents climatiques avec par conséquent la nécessité de privilégier un type d’animaux à même de tirer parti de ces couverts desséchés. C’est aussi dans cet objectif qu’il convient d’être vigilant sur la maîtrise des gabarits. Des animaux à fort développement ont forcément des besoins d’entretien plus élevés et nécessitent également des rations plus conséquentes, donc plus coûteuses, pour être finis dans de bonnes conditions. C’est important dans l’actuel contexte de changement climatique mais cela l’est également pour développer la part de la finition sur nos exploitations.

Même si les chiffres sont modestes, comment analysez-vous la progression des effectifs français d’une race comme l’Angus dont certaines aptitudes (format, qualité d’élevage…) sont proches de l’Aubrac ?

Y. C. - C’est probablement lié à la période troublée et compliquée que traverse actuellement l’élevage français. Plutôt que trouver des solutions chez soi, certains pensent qu’il est plus opportun d’aller les chercher hors de nos frontières. Je l’analyse aussi comme un phénomène de mode en particulier chez des éleveurs commercialisant en vente directe l’essentiel de leur production et qui souhaitent se démarquer de ce qui se pratique dans leur voisinage. Dans ce dernier cas, cela correspond à des marchés de niche et à des volumes limités. Pour le bétail maigre, l’Angus et ses croisements ne correspondent pas à la demande de nos habituels clients italiens et algériens.

En revanche la volonté de certains éleveurs de s’orienter sur des races de ce type doit nous inciter à rester vigilants sur les capacités de nos animaux à se finir facilement sans avoir recours à d’importantes quantités de céréales et concentrés. L’aptitude d’une Aubrac à reprendre facilement et rapidement de l’état dès qu’elle bénéficie de conditions alimentaires plus favorables que ce soit par le pâturage ou le contenu de son auge est un atout qu’il convient évidemment de conserver et de conforter. Mais une race est également riche de la diversité de ses souches. On a besoin de cette diversité pour mener à bien notre schéma de sélection.

Ces dernières années se sont traduites par un net recul du croisement. Comment l’expliquer ?

Y. C. - Certains éleveurs évoquent la difficulté à trouver des taureaux charolais possédant les bonnes aptitudes. Mais la principale raison est liée à une différence de prix au kilo insuffisamment attractive entre broutards purs et croisés. Cette différence est actuellement de l’ordre de 15 à 20 centimes d’euro du kilo et a eu tendance à se réduire dans la mesure où nos broutards aubrac sont appréciés par les importateurs algériens. Tant que l’on restera sur ces chiffres, les éleveurs ne reviendront pas massivement au croisement. Il faudrait pour les mâles une différence de 45 centimes du kilo pour que ce soit vraiment incitatif. C’est en revanche à quelque chose près l’écart que nous avons entre femelles pures et croisées pour des broutardes maigres destinées à l’exportation.

Quelques chiffres sur l’Aubrac

• Il y avait en juin dernier, 239 000 vaches mères contre 56 000 en 1979, année où ce chiffre était au plus bas, d’après les statistiques de la BDNI. La progression est voisine de + 5 %/an et quasi linéaire ces dernières années. Les effectifs débordent largement du berceau de race (Aveyron, Cantal, Lozère) et s’étirent principalement depuis les zones méditerranéennes en direction du quart Nord-Est.
• En 2019, 26 % des veaux nés de mère aubrac étaient issus d’un père d’une autre race contre 32 % en 2015. Une proportion nettement plus faible pour les élevages faisant partie de la base de sélection. Ce moindre attrait du croisement est pour partie lié à la plus grande facilité de conduite d’un cheptel en race pure, un argument de poids dans un contexte d’augmentation du nombre de vêlages par UTH. Le Charolais est de loin la race la plus utilisée en croisement. Blanc Bleu et Piémontaise ont aussi ponctuellement leurs adeptes.

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