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L’engraissement italien de plus en plus intégré

La filière viande bovine italienne, prise en étau entre exigences de la distribution et faible rentabilité de l’engraissement, se concentre. Le nombre d'ateliers d'engraissement diminue et la production devient de plus en plus intégrée par les acteurs de l'aval.

« Les dernières données de la filière bovine confirment la persistance de l’état de crise, mais elles offrent une vision plus optimiste, avec un infléchissement de la courbe descendante du marché », souligne l’Institut italien des marchés agricoles et alimentaires (ISMEA) dans sa dernière note de conjoncture. Et les experts d’entrevoir « la stabilisation du système. Les acteurs sont moins nombreux qu’il y a quelques années, mais ce sont ceux qui resteront probablement sur le marché à l’avenir ». La tendance est enclenchée depuis de nombreuses années, mais la crise a précipité la restructuration et la concentration de la filière. La plus emblématique est la reprise de l’abatteur Unipeg par Inalca (voir page 20), qui lui a permis d’asseoir sa puissance dans l’abattage (27 % de parts de marché) et surtout d’accélérer la programmation et l’intégration verticale de la production, y compris l’achat des broutards en France, avec sa filiale Parma France. Les abattoirs de taille moyenne se sont engouffrés dans cette tendance au contrôle de la production, poussés par la grande distribution, qui demande une régularité de l’approvisionnement.

Les femelles tirent leur épingle du jeu

Dans ce contexte de crise et de concentration, la production italienne de viande bovine reste solide : en 2016, les abattages ont progressé de 3 %, indique le GEB - Institut de l’élevage. Mais de façon différenciée : « Les abattages de génisses (21 %) ont bondi de +11 % après une hausse de +18 % en 2015. Ceux de taurillons (45 % des volumes) ont légèrement progressé (+1 %)" . " La hiérarchie des prix continue de se modifier, poursuivent les experts français. Les femelles tirent leur épingle du jeu grâce à leur petit gabarit et à la garantie de tendreté qu’elles apportent. [...] Les JB nés en Italie sont quant à eux recherchés pour leur origine nationale et leurs carcasses légères. »

Pourtant, à l’autre bout de la chaîne, la consommation a atteint son point le plus bas (moins de 18 kg par an et par habitant). S’est-elle stabilisée ou continue-t-elle à chuter ? Les chiffres divergent selon les sources. Les ajustements entre consommation atone et production en hausse se sont opérés sur les importations de viande fraîche, qui ont nettement régressé (-4 %). Seule la viande polonaise est en progression, signe d’une descente en gamme des importations.

Les exportations de broutards ont fortement rebondi

Ce regain d’activité a profité au maigre français. « Avec environ 820 000 têtes, les exportations vers l’Italie ont fortement rebondi en 2016 (+10% par rapport à 2015) », indique l’Institut de l’élevage dans son bilan annuel. Les autres provenances restent marginales (95 % des achats sont effectués en France) : les pays de l’Est expédient leurs animaux en Turquie et les broutards irlandais sont trop chers. Les chiffres de 2016 confirment l’intérêt croissant pour les femelles (+15 %). Le raccourcissement du délai d’obtention de la prime qualité, avec des animaux qui doivent avoir séjourné six mois en Italie au lieu de sept, a accéléré les rotations dans les ateliers. Début 2017, « la demande en animaux français est restée bonne, avec des exportations équivalentes à celles de 2016 sur les quatre premiers mois », affirme l’Institut de l’élevage dans sa dernière note de conjoncture. Les femelles ont toujours le vent en poupe. En revanche, « les exportations françaises d’animaux de plus de 300 kilos sont à la peine (-11 % sur les quatre premiers mois/2016). [...] Le rapprochement des prix entre jeunes bovins italiens et français bien conformés freine la motivation de certains engraisseurs italiens ». Les animaux plus légers « font face à la concurrence croissante des animaux nés en Italie, même si les effectifs sont encore relativement faibles ».

À moins d’une crise imprévue, tous les opérateurs, français et italiens, restent confiants pour l’avenir et voient les exportations de broutards vers l’Italie se stabiliser autour de ce palier de 800 000 têtes. Les importateurs italiens sont en revanche inquiets de la déstabilisation du marché provoquée par les exportations en dents de scie des broutards français vers les pays tiers. Si personne ne croit au vieux serpent de mer de la contractualisation, ils appellent à un resserrement des liens entre la France et l’Italie. Dans une activité d’engraissement à la rentabilité très faible, la stabilité est le maître-mot.

Chiffres clés

En 2016

794 000 téc abattues (dont animaux importés vifs), dont 21 % de génisses et 45 % de taurillons (veaux et vaches pour le reste)
435 000 téc de viandes bovines fraîches et congelées importées
821 000 têtes françaises de gros bovins maigres exportées vers l’Italie

Investir ou prendre un petit salaire

L’engraissement italien poursuit sa concentration et sa professionnalisation, particulièrement au niveau des moyennes et grosses structures, tandis que les plus petites abandonnent souvent la partie. « Le nombre de grosses structures s’est réduit, parce que celles qui faisaient de la spéculation financière ont abandonné l’engraissement pour investir dans des activités plus rentables ou moins risquées, explique Daniele Bonfante, directeur commercial de la coopérative Azove. Mais celles qui restent ont augmenté leur volume de production, autour de 3 000-5 000 places. À partir des années 2008-2010, elles se sont développés en créant de grosses unités de biogaz. Elles ont continué à développer en parallèle l’engraissement jusqu’à aujourd’hui. Souvent, le biogaz paye les pertes de l’engraissement. Il garantit la pérennité de l’activité. » Son développement est  aujourd’hui freiné par un prix de rachat de l’électricité moins favorable.

Les éleveurs de taille moyenne ont eu deux alternatives. Soit ils se sont développés en renouvelant les bâtiments et en augmentant la production. « C’est le cas de la plupart de nos associés qui sont passés de 200-400 à 700-800 places. C’est la taille optimale pour une gestion familiale, qui est le modèle de nos adhérents », affirme le Daniele Bonfante. Les autres, qui n’ont pas voulu investir ou prendre des risques, sont passés en soccida, une formule d’intégration dans laquelle l’abattoir est propriétaire des animaux et l’éleveur rémunéré au kilo de viande produite.

La soccida se développe mais « n’a pas d’avenir »

Ce système s’est beaucoup développé ces dernières années, surtout chez les petits et moyens engraisseurs. Depuis 2010, les marges de l’engraissement se sont érodées et la volatilité des prix a rendu l’activité beaucoup plus risquée. « C’est une forme de contractualisation qui va continuer à augmenter à cause de la situation de l’engraissement, mais elle n’a pas d’avenir, estime le directeur commercial d’Azove. Les éleveur en soccida touchent un salaire pour vivre et leurs installations sont amorties. Mais dans dix ans, ce sera fini parce qu’ils sont dans l’incapacité de renouveler leurs structures et leurs équipements, qui vont rapidement devenir obsolètes. » Ils ont tous une autre production : fruits, vigne, etc. Azove a toujours refusé de rentrer dans ce système : « nous préférons aider nos adhérents à devenir plus grands en finançant les animaux et l’aliment, et en regroupant les demandes de financement des structures d’élevage auprès des banques ».

Trouver le meilleur mix entre catégories d’animaux

La faible rentabilité de l’engraissement est souvent mise en avant comme une des fragilités de la filière italienne. « Les résultats économiques sont différents selon le type de jeune bovin engraissé, précise Daniele Bonfante. Les mâles charolais sont pénalisés par la volatilité des prix, aussi bien des bêtes grasses que du bétail maigre. Les lots qui sortent l’été perdent une fortune. Les broutards limousins de 300 kilos sont chers mais les prix sont plus stables qu’en Charolais, tout comme les prix de vente du baby. C’est la volatilité qui détruit les marges. » Donc, selon le mix entre races, JB et génisses et maigre nés en Italie ou en France, les résultats économiques sont très différents. « Les élevages qui étaient à 100 % en mâles charolais diversifient souvent la production parce que les résultats économiques sont rarement positifs », ajoute-t-il. Une récente étude de l’institut ISMEA et du ministère de l’Agriculture, compilant les données 2015 de vingt élevages engraissant principalement des mâles charolais (près de 1 000 places en moyenne), confirme cet état de fait. La marge par animal est négative sans les primes (couplées et qualité) et atteint 12 centimes d’euro par kilo vif (733 kg en moyenne) avec les aides.

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