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À l’EARL du Phare, un système adapté aux herbages côtiers

Stéphane Levasseur a toujours été passionné par la viande. Aujourd’hui, il cherche à faire évoluer son système naisseur-engraisseur de bœufs charolais vers un système sans maïs ensilage.

« J’ai toujours été passionné par la viande. Alors, à la reprise de l’exploitation familiale en 2008, je n’ai pas souhaité poursuivre l’activité laitière. J’ai débuté comme double actif, jusqu’à la retraite de ma mère en 2013. Mes parents m’ont soutenu dès le départ dans mon projet en achetant, dès 2005, six petites génisses charolaises puis, six autres en 2006. L’année suivante, on a eu l’opportunité d’acquérir 14 vaches pleines dans l’Allier, l’éleveur prenant sa retraite. Enfin en 2008, sept génisses pleines ont complété le troupeau, ce qui m’a permis de commencer mon activité avec 30 mères charolaises sur 82 hectares. Aujourd’hui, ma femme, conjointe collaboratrice travaille pour 20 % de son temps sur l’exploitation et gère la comptabilité et la gestion de la ferme », explique Stéphane Levasseur, installé à La Poterie-Cap-d’Antifer en Seine-Maritime. Les bâtiments destinés aux vaches laitières (40) ont été réaménagés pour accueillir les allaitantes et leur suite. Une extension a été réalisée dans la stabulation des mères et de leurs veaux.

Le cheptel compte en rythme de croisière 40 mères sur 93 hectares. « En 2016, je n’avais pas suffisamment de génisses pour le renouvellement. Pour cette campagne, je n’ai donc eu que 36 veaux. J’ai donc un peu modifié mes pratiques de mise à la reproduction en 2017. Pour obtenir le compte nécessaire de femelles au renouvellement, les génisses sont inséminées avec de la semence sexée femelle », observe l’éleveur. Si une deuxième insémination est requise, elle est en semence classique. Une dizaine de multipares sont également inséminées une fois. Ensuite et pour le reste du troupeau, la monte naturelle est privilégiée avec un taureau issu d’insémination.

Gabarit et lait sont recherchés

« Pour mes génisses de renouvellement, je m’attache à utiliser un taureau qui ramène du gabarit et du lait. En monte naturelle, j’ai plutôt opté pour un taureau typé viande. » Un suivi de reproduction est effectué. Les femelles mettent bas de début novembre à fin février. L’âge et les vêlages tardifs sont les deux principales causes de réforme sur l’exploitation. « En mars, les travaux des plaines reprennent. Je veux être présent pour les vêlages et pouvoir partir serein dans les champs. Les boiteries ne sont pas un problème sur l’élevage. Toutes les femelles passent au parage chaque année. »

En stabulation, les veaux disposent d’un parc et d’une auge. Du maïs floconné leur est distribué tous les jours. Cet hiver, des granulés anticoccidiens sont prévus. « Depuis deux ans, je rencontre quelques soucis de coccidiose. Je vais également mettre en place leur vaccination. Depuis 5-6 ans, je les vaccine contre la grippe en intranasal. Un hiver, je me suis rendu compte qu’il y avait une grosse amplitude thermique entre le matin et l’après-midi. La vaccination a un coût mais je m’y retrouve par la suite. Les vaches sont par ailleurs vaccinées deux mois avant vêlage contre les rotavirus. » Le sevrage intervient entre 6 et 8 mois.

Des bœufs pour valoriser les herbages côtiers

Pour simplifier le travail, les rations des génisses et des vaches sont identiques. Seules, les quantités changent. « J’aime que mes bêtes soient en état et ce, toute l’année. » Le matin, les femelles disposent d’un enrubannage de ray-grass anglais (60 %) avec un mélange de trèfle Alexandrie/violet (40 %). Le soir, elles ont du maïs ensilage avec de l’enrubannage de prairie, un kilo de pulpe déshydratée et des minéraux. La quantité de maïs s’élève à 10 kilos bruts pour les mères et 2 à 3 kilos bruts pour les génisses.

Avec la coopérative, j’effectue un échange orge contre concentré. Je livre 6 tonnes d’orge et récupère en contrepartie pour l’année 12 tonnes de concentré à 200  euros la tonne, contenant pour moitié de l’orge et pour l’autre, des drêches de blé, du son de blé, du tourteau de colza, de la pulpe de betterave, de la luzerne déshydratée et des graines de lin, ainsi que minéraux, vitamines et oligoéléments. Ce concentré est distribué aux génisses après sevrage avec du foin et de la paille à volonté puis, avec du foin à volonté et du maïs ensilage, le premier hiver.

L’exploitation a pour particularité de se situer à proximité du littoral, non loin des falaises d’Étretat. L’éleveur dispose ainsi de nombreux herbages en bord de côte, argileux et en pente. Afin de les valoriser, la production de bœufs a été mise en place dès l’installation. « J’avais en tête d’arrêter cette production pour vendre les broutards au sevrage. Mais après réflexion, j’ai décidé de poursuivre ainsi. » Au sevrage, les mâles rentrent en bâtiment et bénéficient d’une ration à base d’ensilage de maïs, d’un peu d’enrubannage de prairie (recoupe de septembre) et d’un kilo de concentré. Sa quantité augmente jusqu’à 10 mois pour atteindre 3 kilos puis redescend à 1 kilo avec l’incorporation du maïs dans la ration, à laquelle s’ajoutent de la paille et du foin.

Supprimer le maïs des rations

Les bœufs sont castrés à la pince par un spécialiste. Au printemps, ils repartent à l’herbe. Ils rentrent à nouveau en bâtiment à deux ans. « Leur alimentation se compose de maïs ensilage à volonté avec un kilo de tourteau top mash (drêches de blé, blé, luzerne déshydratée, graines de lin, tourteau de germe de maïs, tourteau de colza…). Les bœufs sont finis à l’herbe, les années où la production d’herbe est suffisante. Ils sont abattus à un poids carcasse maximum de 500 kilos. Au-delà, l’aval n’en veut plus. Selon les années, j’engraisse 12 à 20 bœufs. » Avec le manque d’herbe de 2019, les bœufs seront finis avec du maïs ensilage et 3 à 4 kilos de top mash. Les premiers bœufs partent en septembre, les autres en fin d’année. Les plus jeunes ont 2 ans et 8 mois, les plus vieux trois ans. Les femelles de réforme ou les génisses non mises à la reproduction sont également engraissées sur le même principe que les bœufs.

« À l’avenir, je veux remplacer le maïs dans les rations par de l’herbe. » L’éleveur achète en prévision 3,5 hectares d’herbe sur pied. Il implante également des dérobés avant le maïs, un RGA. Le but est de diminuer les surfaces en maïs pour les remplacer par des cultures de ventes. Avant le lin, l’éleveur implante aussi un mélange avoine/vesce pour les génisses.

Toutes les bêtes de la ferme sont commercialisées auprès du même marchand de bestiaux. « Je lui fais confiance. Mes animaux partent sans que j’en connaisse le prix et je ne suis jamais déçu. »

Une bonne autonomie fourragère

Chiffres clés

1,2 UMO
93 ha dont 38,5 de prairies permanentes, 22 de blé, 11 de maïs ensilage, 9,5 d’orge, 8 de lin, 4 de colza
40 mères
2 UGB/ha de SFP
371 jours d’IVV
2 % de mortalité des veaux

Cuma et entraide

« Lorsque j’étais double actif, je travaillais en ETA. J’apprécie l’esprit de groupe. C’était donc naturel de travailler en Cuma. Aujourd’hui j’en suis le président », souligne Stéphane Levasseur. La Cuma dispose du matériel de fenaison, roundballer, enrubanneuse, épandeur et du nécessaire pour déchaumer. Sur l’exploitation, « je possède trois tracteurs, une remorque, un roundballer à lin, un pulvérisateur et tout le matériel d’élevage. Autrement, le matériel de semis et la moissonneuse sont en copropriété avec un voisin laitier qui dispose à quelque chose près des mêmes surfaces. On réalise ainsi tous les travaux des champs ensemble et on s’entraide au besoin, sans regarder le temps passé chez l’autre. Et c’est très appréciable. »

Avis d’experte : Marie Douteau, conseillère bovins viande, chambre d’agriculture de Normandie

« Une très bonne cohérence du système »

« L’élevage de Stéphane Levasseur fonctionne déjà très bien. Cela n’empêche pas pour autant l’éleveur de rester ouvert à la mise en place de nouvelles pratiques dans l’optique d’être toujours plus performant. Cette année, le calcul de la marge brute a permis de mettre en évidence la bonne maîtrise des charges opérationnelles. Les surfaces fourragères représentent la moitié de la SAU, ce qui permet un bon niveau d’autonomie. L’hiver dernier, des analyses de fourrages ont été effectuées afin de retravailler les rations avec en tête la réduction de la part de maïs ensilage dans l’alimentation du troupeau et la maîtrise du coût alimentaire. Cet hiver, le même travail va être réalisé. L’IVV se situe dans les objectifs fixés pour qu’un élevage soit performant. La mortalité des veaux est très bien maîtrisée et l’éleveur utilise des médecines complémentaires sur son troupeau (huile de foie de morue, pierre à lécher à l’ail et au thym). Et pour être encore plus précis en engraissement, la perspective est de peser les animaux de la naissance au sevrage. »

Des prairies avec le conservatoire du littoral

« Mes parents possèdent quelques hectares en bord de côte et j’ai repris 11 hectares de prairies attribuées par la Safer, dont le conservatoire du littoral est propriétaire », note Stéphane Levasseur. Depuis quelques années, lorsque des terres sont mises en vente, le conservatoire est prioritaire pour les acheter. Il propose ensuite à des éleveurs de les exploiter tout en privilégiant ceux de la commune. En contrepartie, les agriculteurs passent une convention dans laquelle ils s’engagent entre autres à ne pas utiliser d’engrais, ni de produits phytosanitaires. Le pâturage est autorisé du 15 avril au 15 novembre avec un chargement compris entre 0,8 et 1,3 UGB/ha/an et un chargement en instantané de 3 UGB maximum.

« Tous les ans, on réalise un état des lieux des prairies avec le gardien du littoral. Récemment, j’ai repris1,3 hectare de friche. J’ai par exemple été autorisé à apporter un amendement calcaire et 50 unités d’azote pendant trois ans pour permettre à l’herbe de repartir. »

Le conservatoire met les clôtures, charge à l’éleveur ensuite d’en réaliser l’entretien après avoir défriché la parcelle. L’éleveur a mis des génisses de 16 à 18 mois.

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