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L’aubrac prend le gène Bulldog par les cornes

La présence du gène Bulldog se traduit pour l’espèce bovine par la naissance de veaux mal formés non viables. La race aubrac est concernée. Des mesures ont été prises pour réduire progressivement le nombre d’animaux porteurs.

Le gène Bulldog ou achondroplasie bovine a été mis en évidence il y a une dizaine d’années pour la race aubrac. Les veaux atteints de cette anomalie génétique ne sont pas viables. Et quand ils ne sont pas mort-nés, ils meurent de toute façon très rapidement après leur naissance. Ils présentent une déformation caractéristique de la tête, similaires à celle de certaines races canines avec d’autres malformations du squelette et en particulier des membres et du tronc, expliquant leur non-viabilité. Cette anomalie est également présente dans d’autres races bovines.

Lire aussi : Connaitre et éradiquer les anomalies génétiques

Le gène Bulldog est un gène récessif. Il ne s’exprime donc que pour des animaux homozygotes pour ce caractère, lequel leur aura été transmis à la fois par leur père et leur mère. Par conséquent quand un éleveur constate la naissance dans son cheptel d’un veau présentant cette anomalie, cela signifie que le père et la mère de ce veau sont forcément tous les deux porteurs hétérozygotes de ce gène, même s’ils présentent une morphologie parfaitement normale. Ils « n’expriment » pas le caractère, mais le transmettent à une partie de leur descendance.

Possibles confusions avec Schmallenberg

« Au départ de possibles confusions ont pu avoir lieu avec des veaux mort-nés mal formés car atteint par le virus de Schmallenberg », précise Marion Vernoux, chargée de communication à l’OS aubrac. « C’est l’Onab (Observatoire national des anomalies bovines) qui travaille sur toutes les races qui nous a alertés puis confirmé la présence de ce gène récessif sur des aubracs. » Les recherches sur ces veaux mort-nés ont permis de déterminer après analyse du patrimoine génétique des animaux, si ce phénomène était d’origine génétique, puis tenter de localiser les régions génomiques pouvant être à l’origine de cette anomalie. La collaboration entre Union aubrac et Onab a permis de mettre rapidement en place un test sur happlotype. La transmission de matériel biologique des animaux mort-nés et de leurs ascendants devrait permettre d’arriver très prochainement à un test sur mutation. D’un point de vue pratique, l’OS race aubrac a souhaité agir rapidement et a proposé à ses adhérents une possibilité d’analyse des reproducteurs présents sur les cheptels. À ce jour, 2 326 animaux mâles et femelles ont mis en évidence une proportion d’animaux porteurs proche de 10 %. Un pourcentage suffisamment important pour travailler rapidement sur cette problématique, avant de prendre le risque de la voir prendre de l’ampleur au sein de la population.

Lire aussi : Un test pour gérer l’ataxie en race Charolaise

L’urgence était de connaître le statut des animaux susceptible de transmettre ce gène sans se contenter des seuls vaches et taureaux déjà connus pour avoir fait naître des veaux atteints de cette malformation. C’est pourquoi dès l’automne 2020, un travail de dépistage a été entrepris sur tous les taureaux pressentis pour être évalués en station, permettant ainsi une communication forte sur la volonté de gestion de gène à partir de l’outil central du programme de sélection. Dans le même temps, l’entreprise de sélection Auriva a éliminé la totalité du stock de paillettes de certains taureaux qui avaient été retenus pour l’IA.

Les éleveurs ont joué le jeu

« Pour les taureaux adultes en activité dans les élevages faisant partie de la base de sélection, on a proposé aux éleveurs de faire analyser leurs taureaux de façon volontaire. Et ils ont parfaitement joué le jeu. Ils ont compris tout l’intérêt de ce travail tant pour leur cheptel que plus largement pour l’ensemble de la population. » Cela a permis de connaître le statut pour ce gène pour une très forte proportion de mâles reproducteurs en activité. D’autres prélèvements ont été réalisés sur certains grands-parents, voir arrière-grands-parents encore vivants de veaux nés mal formés permettant ainsi de connaître ceux qui avaient pu transmettre ce gène aux parents des veaux atteints.

Ces analyses visant à détecter la présence de ce gène sont couplées aux analyses relatives au contrôle de filiation et à la détection du gène mh. Elles sont désormais systématiquement réalisées pour tous les jeunes taureaux inscrits au livre généalogique de façon à permettre aux acheteurs de connaître le statut de leur futur reproducteur. Ce travail est ciblé sur les jeunes taureaux avant qu’ils aient été mis à la reproduction. Il permet de s’assurer que ce gène ne pourra plus être transmis par la voie mâle en diminuant de ce fait progressivement sa présence au sein de la population.

En revanche, ce travail n’est pas fait systématiquement pour les vaches et génisses en dehors de celles ayant une proche parenté avec la mère ou le père d’un veau atteint. « Il y a 44 000 femelles inscrites au livre généalogique et chaque analyse proposée par la SAS Genobrac comprenant génotypage + filiation + mh + Bulldog coûte 55 euros pour les adhérents », rappelle Marion Vernoux. Il n’était donc pas envisageable de faire ce travail à l’échelle de l’ensemble des femelles inscrites, cependant à titre individuel, les éleveurs peuvent faire le choix de faire analyser leurs génisses.

Maîtriser cette problématique

Quand les analyses mettent en évidence qu’un taureau est porteur, il est évidemment conseillé de l’éliminer au plus tôt ou de l’utiliser avec parcimonie. Il n’est en revanche pas nécessaire d’envoyer dans un bref délai toutes ses filles à l’abattoir. « Certaines peuvent tout à fait ne pas avoir hérité de ce gène provenant du patrimoine génétique de leur père (une sur deux sur le plan statistique). Au pire, les filles de ces taureaux seront hétérozygotes et accouplées avec un taureau non porteur, l’éleveur ne risque rien. »

En procédant ainsi la fréquence de ce gène doit pouvoir être rapidement réduite. « On espère bien arriver à maîtriser assez rapidement cette problématique. »

Mise en place de la SAS Genobrac

Pour la race aubrac, les travaux sur la génomique n’en sont qu’aux prémices. Pour préparer l’avenir, l’Union aubrac (herd-book regroupant les détenteurs de cheptel engagés dans une démarche de sélection) s’est associée à l’entreprise de sélection Auriva, son partenaire « historique » sur le volet insémination pour constituer une SAS dont les statuts ont été déposés et signés en juin dernier en retenant le choix de travailler avec un laboratoire d’analyse local : Aveyron labo. Ce sera une présidence tournante avec un mandat de deux ans, d’abord confiée à Yves Chassany, président de l’Union aubrac, puis au président d’Auriva. La mise en place de cette SAS pour laquelle 60 % du capital social sont apportés par l’Union aubrac correspond à la volonté des éleveurs de garder la main sur ce volet de la génomique. « Je ne voudrais pas que nos enfants ou petits-enfants soient dans l’obligation de racheter des informations qui ont été générées par des données qu’ils ont eux-mêmes contribué à collecter sur leurs troupeaux », précise Yves Chassany.

Rédaction Réussir

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