Viande bovine : la marque Herriko Haragia a développé une filière locale
La marque « Herriko Haragia, né, élevé, engraissé et abattu au Pays basque » a été créée en 2013, dans le but de mieux valoriser des gros bovins et des veaux, en mettant en avant une filière locale. La filière bovine basque se bat contre la conjoncture pour maintenir une offre en viande locale.
La marque « Herriko Haragia, né, élevé, engraissé et abattu au Pays basque » a été créée en 2013, dans le but de mieux valoriser des gros bovins et des veaux, en mettant en avant une filière locale. La filière bovine basque se bat contre la conjoncture pour maintenir une offre en viande locale.
« L’initiative est partie du constat que l’élevage bovin était une activité incontournable de notre territoire riche en prairies. Et pourtant, la plupart des animaux sont engraissés en dehors du territoire, alors que la majorité de la viande consommée localement est importée », explique Benoît Jean, animateur de la filière.
Les objectifs que s’est fixés cette filière sont : relocaliser l’alimentation, préserver les paysages pâturés, soutenir l’économie locale et valoriser le produit. « Globalement, tous ces objectifs ont été remplis », annonce fièrement Alain Lasserre, président d’Herriko Haragia. Quant au dernier objectif, « valoriser » en traçant la production locale pour y apporter une plus-value, la filière n’échappe pas à la conjoncture actuelle.
Jusqu’en 2020, les opérateurs de la marque proposaient au moins 0,20 €/kg de plus que les prix constatés au niveau départemental pour les vaches de boucheries. « Cette meilleure rémunération s’observe surtout pour les vaches Herriko de plus de 10 ans, notamment parce qu’Herriko permet de valoriser ses vaches jusqu’à 14 ans, alors que d’autres labels s’arrêtent à 9 ans », détaille Benoît Jean. En 2025, cet écart de prix a disparu, la filière n’arrivant pas à rivaliser avec les cours du marché.
« La logique de marché est plus forte que la logique de coût de revient, dans l’esprit des éleveurs », analyse Manuel Berasateguy, gérant de Pascal Massonde, boucher-charcutier.
Le nombre d’éleveurs engagés n’a cessé de croître au fil des ans, pour atteindre 345 en 2024, ce qui prouve son intérêt. Cependant, le nombre de tonnes commercialisées sous la marque par les trois abatteurs – Arcadie viandes repris par Bigard, la coopérative Axuria et le conserveur Pascal Massonde – baisse : 138 tonnes vendues en 2024, contre 161 en 2022, 249 en 2020. « Toutefois, depuis mi-2024, la filière Herriko se stabilise, dans une filière bovine française qui est plutôt en baisse, affectée par des problèmes sanitaires (MHE, FCO, tuberculose) et la décapitalisation du cheptel national » résume, confiant, Battitta Baqué, directeur d’Axuria. La coopérative a d’ailleurs augmenté, sa zone de collecte à tout le département des Pyrénées-Atlantiques et ses tarifs d’achat et de vente en février et mai 2025 pour faire entrer de nouveaux éleveurs et inciter ses 150 associés coopérateurs éleveurs bovins à engraisser.
Manuel Berasateguy, gérant du plus petit abatteur de la filière, fait, lui, 75 % de son chiffre d’affaires dans les 25 km autour de son siège social, situé à Souraïde. Il résume ainsi la situation : « la marque a pleinement joué son rôle au moment où les éleveurs en avaient besoin quand la conjoncture leur était défavorable. Maintenant qu’elle leur est favorable, c’est à nous, les maillons intermédiaires, d’amortir la fluctuation de marché, dans ce type de petite filière ».
Maintien au-dessus des prix de marché
Sans contractualisation, ni EGalim, ni organisation de producteurs, les éleveurs et les abatteurs ont conclu un pacte moral de « décence commerciale » consistant à maintenir un prix plancher. Cette stratégie a attiré des éleveurs et convaincu des acheteurs, comme la restauration collective qui y a trouvé un approvisionnement local. « On a ainsi pu décrocher des appels d’offre de cantines scolaires. Quand bien même il ne s’agit pas de viande sous label officiel, nous étions dans l’esprit de la loi (ndlr : 50 % de produits sous signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO), bio et HVE) », raconte Battitta Baqué. « Cependant, la pénurie actuelle en veau risque de faire disparaitre tout le travail de sensibilisation de nos commerciaux auprès de nos nouveaux clients, collectivités publiques », regrette Manuel Berasateguy.
Il est moins inquiet concernant les consommateurs locaux, plus fidèles aux valeurs véhiculées par la marque, malgré un pouvoir d’achat en baisse.
Rapprocher les maillons de la filière
En effet, sur la centaine de distributeurs, seuls ceux attachés à l’image locale de la marque lui restent fidèles, comme les boucheries artisanales et la GMS, qui écoulent 70 % des volumes.
C’est pourquoi, la filière a dépensé, en décembre dernier, près de 3 000 euros (soit 20 % de son budget annuel de 15 000 €) dans une campagne de communication simultanément en restauration collective, le midi, et restauration commerciale, au dîner. Des visites de la filière par des apprentis bouchers et du personnel de cantine de la ville de Bayonne ont été organisées en 2024 afin de leur faire découvrir la filière.
Herriko Haragia travaille aussi à fidéliser ses propres producteurs. S’agissant d’une filière courte, dans un territoire restreint, il est possible de montrer aux éleveurs leur produit final : son goût, sa couleur, sa texture. Par exemple, le restaurant étoilé, La Maison de Pierre à Hasparren, mentionne sur sa carte, le nom de la ferme fournisseur. Une fierté qui n’a pas de prix.
Un pacte moral de «décence commerciale»
Alain Lasserre, éleveur et président de la coopérative d’Axuria : « J’ai adhéré à cette filière pour sauvegarder l’abattoir de proximité »
« Comme beaucoup d’éleveurs basques, j’élève des brebis laitières destinées à l’AOP Ossau-Iraty et des blondes d’Aquitaine. Ce type d’élevage mixte est complémentaire, car les vaches valorisent des prairies éloignées de la salle de traite, les premiers foins et les parcelles exposées au nord, à cause de parasitisme. De décembre à mars, les bovins restent à l’étable. Les veaux sont vendus en mars, avril, mai.
Avec 28 vêlages par an environ, 12 mâles sont destinés à l’exportation et 10 femelles à la coopérative Axuria pour être commercialisées sous la marque Herriko Haragia. Par ailleurs, 4 ou 5 vaches de réforme engraissées sont également écoulées sous la marque. Sans Herriko Haragia, je ne me serais pas impliqué dans un cahier des charges de type label de qualité pour ces bovins (NDLR : IGP Bœuf de Chalosse par exemple), car les vaches sont une production secondaire sur mon exploitation. Ce qui a été déterminant dans mon engagement, c’est qu’ainsi je contribue à la pérennité de l’abattoir de proximité de Mauléon-Licharre, indispensable au maintien de l’élevage dans ce territoire. »
Des animaux de race à viande nés, élevés et abattus au Pays basque
Le cahier des charges gros bovins porte sur des animaux de race à viande nés, élevés et abattus au Pays basque. L’alimentation est sans OGM. La conformation est E, U ou R, avec une note d’état minimum de 3 pour les gros bovins, 2 pour les veaux. L'âge maximum pour les vaches est 14 ans. Les veaux sont de race à viande ou croisés viande.
L’association gestionnaire est financée pour moitié par des subventions publiques (région, département, agglomération) et les cotisations des adhérents, proportionnelles aux volumes écoulés, soit 0,12€/kg valorisé. Son budget est globalement de 35 000 euros par an.