Génomique en élevage bovins viande : déjà dix ans de recul pour la charolaise, la limousine et la blonde d’Aquitaine
La sélection génomique a démarré en 2015 en élevage bovins viande pour les trois races à plus grand effectif. L’expérience des races laitières permet de situer les intérêts et les points d’attention de cette méthode d’indexation génétique.
La sélection génomique a démarré en 2015 en élevage bovins viande pour les trois races à plus grand effectif. L’expérience des races laitières permet de situer les intérêts et les points d’attention de cette méthode d’indexation génétique.
La sélection génomique a commencé à être déployée sur le terrain en 2015 pour les races charolaise, limousine et blonde d’Aquitaine. Neuf ans plus tard, environ 15 000 génotypages sont réalisés chaque année. C’est beaucoup moins qu’en races laitières. Celles-ci ont démarré dès 2009 et environ 400 000 génotypages ont été vendus pour les quatre races laitières à plus grand effectif sur l’année 2024.
« Pour la sélection génomique, la recherche et le développement se sont faits en partenariat entre le public et le privé et de manière collective entre les races », a expliqué Mathieu Diribarne, directeur scientifique de Apis-Gene lors d’un webinaire en mars. La valorisation se poursuit dans cette ligne : les conditions d’exploitation des données sont décidées avec leurs différents propriétaires. Les redevances de propriété intellectuelle perçues à la commercialisation de la sélection génomique continuent à être entièrement réinvesties dans la recherche et le développement.
En 2009, le prix d’un génotypage était d’environ 120 euros. Aujourd’hui, il est variable, mais on peut le situer autour de 35 euros pour les races bovines laitières. La sélection génomique s’est largement perfectionnée en quinze ans au travers notamment des technologies avec l’évolution des puces. On utilise quasi exclusivement maintenant les puces moyenne densité. À partir du typage ont été développés des services associés : pour un même typage on dispose des index génomiques de l’animal sur un certain nombre de caractères, mais on peut aussi disposer du service de contrôle de filiation et des tests des gènes d’intérêt que sont le culard, le sans cornes, et les anomalies génétiques. Par exemple en race charolaise, un test sur l’ataxie a été mis à disposition en 2016, et la fréquence génotypique des animaux porteurs est passée de 22 % à 11 % en 2022. Le nombre d’animaux atteints a fondu de 0,9 % à 0,07 % en 2022. Les tests des gènes d’intérêt sont devenus le numéro un des valorisations du génotypage.
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Dans un premier temps, la sélection génomique a été mise en place dans chaque race sur des caractères déjà sélectionnés. Elle s’est concentrée sur des caractères de production, morphologie, facilités de naissance, croissance, fertilité. À partir de 2015 et grâce à la massification des données, de nombreux projets ont cherché à développer les populations de référence sur de nouveaux caractères et s’autoriser des objectifs de sélection vers des animaux plus efficients et plus résilients.
Diversification des caractères sélectionnés en génomique
« Les enjeux de l’utilisation de la sélection génomique se situent principalement au niveau de la gestion de la variabilité génétique : il ne faut pas trop réduire le nombre de taureaux diffusés et surtout il faut les diffuser de façon homogène », résume Sébastien Fritz d’Eliance.
« En bovins allaitants, la situation est différente de celle des races laitières. Avec l’importance de la monte naturelle, les intervalles de génération sont peu ou pas impactés par le passage en sélection génomique. Les taux de consanguinité sont beaucoup plus faibles, et leurs pentes se sont très peu accentuées sur la période de 2015 à 2024 », analyse Stéphanie Minéry de l’Institut de l’élevage. En charolaise sur cette période, la pente de consanguinité est passée de 0,02 à 0,03. En blonde d’Aquitaine, elle a augmenté 0,03 à 0,04. En limousine, elle a même ralenti, la pente passant de 0,02 à 0,01 depuis le lancement de la génomique. « Le génotypage permet de calculer d’autres indicateurs de suivi de la variabilité génétique plus performants, comme l’indicateur d’originalité génétique, qui s’intègrent dans un logiciel pour la gestion des accouplements », explique aussi Stéphanie Minéry.
Des simulations avaient montré que la génomique permettrait de doubler le progrès génétique, du fait principalement de la réduction de l’intervalle de génération et de la possibilité de créer du progrès sur la voie femelle. « La stratégie a plutôt été de maintenir la pression du progrès génétique sur les caractères déjà sélectionnés, et de réduire leur poids dans les objectifs de sélection pour laisser de la place à de nouveaux caractères dans les objectifs de sélection. » Par exemple en holstein aujourd’hui, sont indexés la production, la morphologie, la santé de la mamelle, la reproduction, la longévité, la vitesse de traite et depuis plus récemment la santé des pieds et la sensibilité à la paratuberculose.
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La diversification de caractères dans les objectifs de sélection est, en effet, rendue possible grâce à la sélection génomique. Elle permet de réaliser du progrès, en particulier sur des caractères faiblement héritables, y compris quand les caractères sont opposés génétiquement, comme la production laitière et la fertilité.
Renouveler les populations de référence pour la génomique
« Il est très important de renouveler les populations de référence », a rappelé Didier Boichard de l’Inrae lors d’un webinaire en mars. Autrement dit, continuer à génotyper de jeunes animaux. Leurs informations génétiques entretiennent le lien avec leurs contemporains. « Les marqueurs génomiques sont des « proxys » des variants causaux. Ce n’est pas une mesure biologique, mais statistique. L’estimation des effets de marqueurs perd théoriquement en précision lorsque la distance entre les jeunes animaux candidats et la population de référence augmente. »