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En viande bovine, une installation bien pensée et bien vécue

Installé depuis trois ans en Loire-Atlantique, Charlie Peltier a choisi de conduire un système naisseur économe et autonome en bio. Avec un faible niveau de chargement, il vend des broutards au sevrage non complémentés et des femelles lourdes, bien finies et bien valorisées.

Charlie Peltier est installé à La Roche-Blanche, en Loire-Atlantique, depuis novembre 2020. Après un bac pro, il a travaillé pendant une campagne pour une ETA, et aussi deux ans avec sa mère et son frère sur l’élevage familial de limousines. « Je voulais un système plus tranquille que celui de ma famille, et nous n’étions pas d’accord sur tout, explique Charlie Peltier. J’ai décidé de construire mon projet en individuel. » Il a rapidement rencontré par le biais du répertoire départemental à l’installation Philippe Mortier, éleveur de limousines situé à quatre kilomètres seulement de l’exploitation familiale. La proximité était un bon point car elle permet de partager des investissements et de s’entraider. « Et pouvoir échanger avec le Gaec familial sur des chiffres sans tabou aide dans la prise de décision et la gestion de l’entreprise. »

L’élevage était déjà dimensionné pour une unité de main-d’œuvre, en système naisseur, avec de bons acquis sur les qualités maternelles du troupeau et beaucoup de travail en Cuma. Il y avait davantage de cultures que ce que voulait faire Charlie, mais le changement de trajectoire a été fluide. Philippe Mortier avait trois contacts pour la reprise de son exploitation, mais financièrement ça coinçait pour certains. 

Philippe Mortier a pu prendre sa retraite pour ses 60 ans.
Philippe Mortier a pu prendre sa retraite à 60 ans.

Avec Charlie, un terrain d’entente a été trouvé impliquant un léger ajustement à la baisse de la valeur du cheptel et la sortie de la transmission d’un tracteur assez récent, qui a été vendu à part. « J’ai repris soixante vaches et leur suite, les bâtiments, très peu de matériel, et des stocks », présente Charlie Peltier. Durant les six mois de stage de parrainage, la conversion en bio a pu être entamée.

Un chargement de 0,9 UGB/ha SFT

Le parcellaire est constitué de 75 hectares autour des bâtiments, et d’un autre bloc de 35 ha (dont 25 sont clôturés). Le plus éloigné concerne un bloc de 12 ha situé à 3 kilomètres du siège. « Dans le Pays d’Ancenis, les sols sont hétérogènes, avec des parcelles ultraséchantes en été et d’autres saturées d’eau en hiver », observe Charlie. Il fait vêler au pré entre fin août et fin octobre/début novembre, avec un premier vêlage à 36 mois. Le niveau de chargement apparent s’établit à 0,9 UGB/ha SFT. Ces options l’ont gardé jusqu’à présent à l’abri des tensions fourragères. Le troupeau ne déclare pas beaucoup de pépins de santé, et présente une bonne productivité numérique. En 2022, l’intervalle vêlage vêlage moyen affiche 378 jours et le taux de mortalité des veaux atteint 5 %.

« Les animaux peuvent sortir de bonne heure. Début mars, tout le troupeau est à l’herbe. Le pâturage est tournant jusqu’au sevrage des veaux en mai », explique Charlie. « À ce moment, les vaches ne tournent plus. Les mâles sont vendus comme broutards le jour du sevrage. Les génisses continuent, après une à deux semaines en bâtiment au moment du sevrage, de pâturer en tournant jusqu’à l’automne, même si elles doivent aussi être affouragées par moment. Cet automne est très humide mais les dix-huit génisses de 2 ans passeront l’hiver dehors comme d’habitude, sur 13,5 hectares avec du foin. »

tableau résultats économiques
Note : l’année est spécifique, principalement du fait d’une baisse de l’effectif de génisses et du versement de la DJA. 

Les prairies multiespèces support du système fourrager

Les prairies multiespèces - 35 hectares en place dont 19 semés sous couvert de méteil ensilage cet automne - sont le support du système fourrager. Les paddocks débrayés sont enrubannés (15 ha). Les 65 hectares de prairies naturelles sur les coteaux et de prairies longue durée sont récoltés en foin et pâturées. « Le fourrage de qualité est produit à partir des prairies multiespèces et seul le méteil est ensilé avec la prairie dans son pied dans le but d’avoir du volume de stock », décrit Charlie. Pour équilibrer les rations, cinq à sept hectares de méteil grain tout simple - triticale pois - suffisent.

tableau résultats économiques

Les vaches reçoivent avant vêlage au pré du foin et des minéraux en seau à lécher. Une fois en bâtiment, elles reçoivent une ration composée pour moitié d’ensilage de méteil et de foin le matin, et du foin encore le soir. Les primipares sont complémentées avec un kilo de pois triticale broyé et les multipares avec 500 g. Les génisses mises à la saillie ont du foin à volonté et un quart d’ensilage de méteil. Le sel est à disposition pour tout le troupeau. L’éleveur ne distribue pas de minéraux pendant l’hiver, mais leur apporte du magnésium à la mise à l’herbe.

Les vaches engraissées en trois à quatre mois

Les broutards partent le jour de leur sevrage, après n’avoir consommé qu’environ 500 kg au total de triticale pois au nourrisseur. Charlie Peltier engraisse l’hiver les quelques femelles qui ne sont pas gestantes ou ont perdu leur veau (cet hiver il n’a eu qu’un seul veau mort et un retournement de matrice) ainsi que quelques génisses de 24 mois. L’hiver, l’engraissement ne dure pas plus de trois à quatre mois avec de l’enrubannage de prairie multiespèce contenant beaucoup de trèfles, du foin à volonté, et 1,5 à 3 kg de triticale pois.

Charlie Peltier réforme d’autres vaches au printemps pour atteindre l’effectif de dix-huit ventes au total par an. « Quand elles ont leur veau, elles pâturent avec lui autour de la stabulation avec, dès le début, un peu d’enrubannage de prairie multiespèce en plus. Sinon l’engraissement est trop long par rapport aux dates de sortie que je vise. Plus vite elles démarrent, mieux elles se couvrent et la durée de l’engraissement est plus courte. Leur veau est sevré début mai, un mois avant les autres et elles partent fin juillet. »

Les alliances locales de Leclerc et label rouge Bœuf fermier

L’éleveur vend tous ses animaux via Elvea 44 au même négociant, la SARL Richard à Nozay. Cette année, les broutards avaient été vaccinés contre la fièvre catarrhale ovine (FCO), ce qui leur a procuré une plus-value. Pour les femelles, depuis son installation qui a coïncidé avec le retournement du marché, pratiquement aucune n’a pu être vendue en filière bio.

Charlie Peltier vend cinq à huit vaches par an en filière Les alliances locales du Leclerc d’Ancenis. Ce créneau colle pour ses vaches les plus formées, et fonctionne sur contrat avec un prix d’achat indexé sur l’ipampa et le prix de marché (6,09 euros/kg de carcasse (kgc) pour les U = en novembre 2023). L’exploitant vend toutes les autres en filière label rouge Bœuf fermier porté par Vendée qualité qui, depuis deux ans, a élargi son périmètre géographique pour le développement du segment. Ces deux débouchés sont compatibles avec le bio. Il n’y a pas de condition requise sur l’aliment de finition que ne puisse assurer Charlie.

Côté génétique, aujourd’hui, il cherche à maintenir la production laitière et avancer vers le type viande. L’éleveur se fixe un objectif de 450 kgc pour les vaches, et de 320 à 340 kg pour des broutards de 8 mois en moyenne. Quatre taureaux assurent la reproduction, dont deux sont détenus en copropriété avec son frère et sa mère. « Les périodes de reproduction sont décalées, ça s’organise facilement. On teste avec le kit intro du GDS les taureaux à chaque mouvement. » L’éleveur compte quinze à dix-huit saillies par taureau sur une courte durée pour assurer le groupement des vêlages.

Des vacances et du confort de travail

La paille est achetée à des voisins. « D’habitude j’en trouve facilement mais cette année, je vais peut-être acheter un camion au fur et à mesure qu’il y a de la place dans le bâtiment. » Le fumier est réparti à l’automne sur les prairies qui ont été fauchées. Charlie achète 100 tonnes de fientes de poules pondeuses à un voisin qu’il épand sur prairies en fin d’été. « J’aimerais bien avoir un atelier complémentaire pour enrichir les sols », lance l’éleveur.

Mais pour l’heure, il reste sur sa trajectoire d’installation. Trois ans après, le plan de financement est tenu, et les résultats économiques sont au rendez-vous. Charlie Peltier a déjà pu reprendre un peu de matériel pour gagner en confort de travail : une faucheuse de 4 mètres à plat et une désileuse plus performante. Il a aussi décidé de déléguer tout le travail du sol sauf les semis. Avec son frère et sa mère, ils se remplacent mutuellement pour prendre des congés. Charlie part une semaine début janvier, une semaine sur la période des vacances scolaires d’hiver et une semaine début août.

Travail, matériel et taureaux partagés avec sa famille

Chiffres clés

La ferme du haut coteau

107 ha de SAU dont 7 de triticale pois, 35 de prairies multiespèces (dont 19 ha semés sous couvert de méteil ensilage), 65 de prairies naturelles et longue durée
65 vêlages de limousines
1 unité de main-d’œuvre

Un groupe d’éleveurs en début de carrière autour de l’herbe

Charlie Peltier participe au GIEE Maxherbe, animé par la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique. Ce groupe rassemble une dizaine d’éleveurs qui sont tous en début de carrière mais avec des systèmes très différents, et partagent l’optique de maximiser le lien à l’herbe de leur production de viande bovine. Ils travaillent sur la réduction de l’utilisation de stocks et sur le rapport feed/food (alimentation animale/alimentation humaine). Ils réfléchissent sur ce que la profession peut construire en termes de communication et de valorisation de la viande. L’objectif autour de ces cinq journées par an est d’échanger entre éleveurs, de rester en veille et de se projeter.

 

« Une transmission bien pesée et une stratégie claire »

Vincent Lambrecht, chargé de mission viande bovine à la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique
Vincent Lambrecht, chargé de mission viande bovine à la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique

 

 

« La transmission est réussie, car elle a été réalisée au juste potentiel de l’exploitation et avec une stratégie claire. Il faut en effet essayer de s’entendre au plus près de la valeur économique du capital pour ne pas être contraint de faire dix vêlages de plus pour payer une installation trop chère, ce qui ferait déraper le niveau d’autonomie alimentaire. Ayant travaillé avant de s’installer, Charlie Peltier sait ce qu’il veut dans le métier. Il a été attentif à faire en sorte que le système soit vivable, et la charge mentale raisonnable.

Charlie est un éleveur très rigoureux, qui obtient de très bons résultats techniques (par exemple sur la qualité des semis de prairies multiespèces). Il donne la priorité à la qualité des fourrages, et le groupement des vêlages permet d’avoir des lots homogènes et un rationnement précis. »

 

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