Élevage bovins viande : « l’efficacité pour allier rentabilité et équilibre de vie »
L’Earl de Ladon, dans les Landes, a mis en place diverses mesures pour concilier élevage et grandes cultures d’une part, et d’autre part vie professionnelle et vie de famille.
L’Earl de Ladon, dans les Landes, a mis en place diverses mesures pour concilier élevage et grandes cultures d’une part, et d’autre part vie professionnelle et vie de famille.





« Pourquoi faire compliqué et fatigant, quand on peut faire simple », annonce un brin provocateur Pierre Dufau. Avec Romain, son frère, ils ont fait des choix avant-gardistes pour les Landes et la race blonde d’Aquitaine, dans l’objectif de rendre leurs ateliers bovins viande et grandes cultures, efficaces.

« Nous nous limitons aux deux cultures propices au territoire », déclare Romain Dufau, 32 ans, en charge des 130 hectares de maïs et des 17 hectares de tournesol. Son frère Pierre Dufau, 38 ans, est responsable des 85 hectares de prairies, dont 30 hectares pâturés. En effet, ce dernier est l’éleveur de la famille.
Herbe enrubannée et maïs humide
Pendant que son frère s’occupe des semis de maïs, Pierre Dufau est seul en charge de la récolte des fourrages (fauche, fanage et andainage). C’est pourquoi, les éleveurs privilégient la récolte en enrubannage en prestation afin de dégager du temps sur l’atelier maïs. Cela leur permet de récolter des fourrages plus tôt avec une meilleure valeur alimentaire sur les parcelles peu portantes, non accessibles à l’ensileuse. Il peut ainsi intervenir sur des fenêtres météo plus restreintes et garantir la haute valeur alimentaire de ses fourrages.
Les coupes suivantes sont faites six à sept semaines plus tard, en sec, puis de nouveau en humide à l’automne pour atteindre 7 à 8 tMS/ha. Certaines années, il arrive à faire une quatrième coupe, de foin, durant l’été.
Suite aux analyses de fourrage, il les classe en trois catégories : les meilleures (15 à 20 % de MAT) pour l’engraissement et génisses de renouvellement, les intermédiaires (12-14 % MAT) pour les suitées et les moins bonnes pour les gestantes.
Ces valeurs nutritionnelles sont atteintes grâce à l’implantation d’un mélange multiespèces à plus de 50 % de légumineuses. Ce mélange est composé de ray-grass anglais tétraploïde (6 % en nombre de graines), fétuque élevée (19 %), dactyle (25 %), trèfle violet diploïde (10 %), trèfle hybride (14 %) et trèfle blanc intermédiaire (26 %). « Ce mélange permet d’étaler la production au long de l’année grâce au décalage du cycle de croissance entre graminées et légumineuses et de stabiliser la valeur du fourrage toute la saison grâce aux différents trèfles », explique Élise Jocou, conseillère Bovins croissance 640.
Les prairies sont maintenues durant cinq ans, puis du tournesol est semé dans le but de créer une rotation avant de réimplanter une prairie l’année suivante.
Les vaches engraissées sans correcteur azoté
Ce travail sur la qualité des fourrages, réalisé ces dernières campagnes, a permis d’augmenter fortement le taux d’autonomie en concentrés. Après un premier essai très concluant d’introduction d’enrubanné dans la ration des vaches de réformes en 2024, l’EARL de Ladon a réduit sa consommation de maïs et a pu supprimer totalement le correcteur acheté de sa ration. Sur l’année 2024, c’est une économie qui se chiffre à plus de 16 000 euros, « une économie de 230 euros par vache », constate Pierre Dufau. Sans parler des 130 euros par hectare de l’aide couplée légumineuses fourragères gagnés l’année du semis.
Cette année, il va plus loin, en tentant le pâturage de stocks sur pied. Élise Jocou y voit de nombreux avantages : une durée de pâturage prolongée qui évite d’affourager les animaux en bâtiment et une réduction des charges de mécanisation, « auxquels s’ajoute un gain de temps », renchérit Pierre Dufau. La pluviométrie moyenne est de 1 100 mm.
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Distribution de la ration hivernale tous les cinq jours
Au niveau du lot d’engraissement, le maître mot est l’efficacité. La quantité de ration distribuée (13,5 kg d’enrubannage de prairie, 10 kg de maïs grain humide et 1,5 kg foin) correspond au volume maximum que la mélangeuse peut fournir. « Je n’allume la mélangeuse (NDLR 16 m3) qu’une fois par semaine. La ration ne chauffe pas. L’été, je privilégie quand même du fourrage sec et j’espace de 5 jours », explique-t-il. Et il ne repousse qu’une fois par jour.
Quant aux broutards, un mash fibreux est réalisé pour eux. Il se compose de 10 % de foin, 63 % de maïs sec et 27 % de correcteur azoté mélangés pour l’équivalent d’un mois de ration.
Les animaux profitent tout autant qu’avec une distribution quotidienne. En effet, le suivi des pesées réalisées par l’éleveur avec Bovins croissance montre des performances inchangées à la hauteur des attentes du label IGP bœuf de Chalosse auquel Pierre adhère. Au final, Pierre a optimisé au mieux le temps de travail sur son troupeau sans pénaliser sa productivité. « L’hiver, je ne soigne que le matin et encore, en dehors des vêlages, je commence rarement avant 8 heures », affirme-t-il.
D’ailleurs, son étable est agencée de façon que les veaux soient alimentés par le même couloir que les mères : « pas de seaux à trimbaler à l’arrière », fait-il remarquer.
Vêlages groupés afin de se libérer du temps
Comme dans la majorité des élevages landais, les vêlages sont étalés à l’EARL de Ladon. Le troupeau affiche d’excellents résultats de productivité (374 jours d’IVV en 2024) grâce à un suivi rigoureux de la reproduction : échographie tous les 50 jours, pose de spirales sur les vaches vides à 80 jours, puis mise à l’engraissement au-delà de 120 jours (taux de renouvellement : 40 %).

Néanmoins, cette gestion s’est révélée très chronophage. Pour maîtriser son temps de travail, Pierre Dufau a décidé en 2024 de grouper les vêlages à l’automne et au printemps. Ainsi, il souhaite pouvoir planifier les interventions sur le troupeau sur des périodes choisies (vêlages, vaccination, reproduction…). La gestion de la reproduction est stricte. Si une vache est vide hors période, elle part à l’engraissement.

Élise Jocou rappelle que le groupement des vêlages est aussi un gain de productivité, car l’allotement permet des interventions groupées, une valorisation des parcelles éloignées, un IVV contrôlé, des rations plus adaptées, etc., bref un produit/vache plus élevé associé à des charges maîtrisées. En résumé : « optimiser la gestion du troupeau, c’est aussi du temps pour soi », affirme-t-elle.
S’il y a bien une charge sur laquelle Pierre ne lésine pas, ce sont les frais sanitaires et vétérinaires. Pour garder le contrôle, il est partisan de la vaccination (diarrhées, grippe, MHE, FCO…), « Un veau malade, c’est du temps subi. Avec la vaccination, c’est du temps choisi », affirme-t-il. À l’image de sa génération, il ne conçoit pas son métier d’éleveur, comme une astreinte, mais « comme un travail technique passionnant qui me laisse du temps pour ma famille », déclare-t-il.
Les trois facteurs de réussite de l’enrubannage
« Le premier facteur de réussite de l’enrubannage repose sur la composition du mélange. Pour aller plus loin, à l’automne 2025, j’ai prévu d’intégrer à l’assolement un nouveau mélange RGH, festulolium, trèfle violet et trèfle blanc », explique Pierre Dufau.
Le second facteur déterminant concerne la récolte du fourrage. Je fauche dès la levée de la rosée, suivie immédiatement par le fanage, assuré par une seconde personne afin de maximiser le taux de matière sèche. Mon objectif est d’atteindre 50 % MS. L’andainage est effectué le surlendemain, par nos soins. Par contre, la récolte est confiée à un entrepreneur. Enfin, le rapatriement des boules d’enrubanné sur l’exploitation est assuré par moi-même en autonomie, un avantage indéniable comparé à l’ensilage, ou beaucoup plus de main-d’œuvre est nécessaire.
Le dernier facteur repose sur la valorisation optimale de l’enrubanné. Chaque coupe est analysée, ce qui permet d’ajuster la distribution aux différentes catégories d’animaux et d’économiser du concentré.
Fichier excel de la valeur de toutes les coupes
L’enrubannage permet à Pierre Dufau d’organiser des chantiers en autonomie, ce qui permet de ne pas solliciter son frère, occupé aux travaux de cultures. Il permet de trier les coupes et de réserver chaque lot en fonction des besoins spécifiques des animaux.
La gestion des stocks est facilitée, grâce à une mise à jour rigoureuse d’un tableur Excel recensant toutes les coupes.
« De plus c’est une véritable satisfaction de parvenir à engraisser mes vaches de réformes en totale autonomie, uniquement grâce au fourrage produit sur l’exploitation. C’est une forme de récompense de mon travail. »
Elise Jocou, conseillère Bovins Croissance 640 : « une mise à la reproduction plus précoce est possible en blonde d’Aquitaine »

Un intervalle vêlage-vêlage performant
Fiche élevage
220 ha de SAU dont 130 ha de maïs et tournesol, 84 ha de prairies, 6 ha de jachère
70 mères blondes d’Aquitaine
2 unités de main-d’oeuvre