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Disséquer la carcasse et les marges

Connaître la proportion du poids des différents muscles dans une carcasse tout en pratiquant des prix de vente cohérents sont les deux conditions pour dégager une plus-value intéressante en vente directe.

Carcasse marge

Avant de faire de la vente directe, il est important de savoir précisément quels sont les différents muscles présents sur une carcasse, leur poids et leur répartition selon qu’il s’agit de muscles de première, seconde ou troisième catégorie. Il est également important d’avoir quelques chiffres en tête pour déterminer le prix de vente afin d’être en mesure de dégager une marge suffisante, comparativement aux autres circuits de commercialisation. « J’avais régulièrement des demandes sur ce volet de la part d’éleveurs allaitants, qui écoulaient déjà une partie de leurs animaux en vente directe ou qui s’interrogeaient pour savoir s’ils devaient envisager de se lancer. Ils se demandaient si cela leur permettrait de mieux valoriser leurs animaux et surtout quelle était la marge supplémentaire qu’il leur était possible d’escompter par rapport aux circuits habituels », explique Marc Fabre, spécialiste de ces sujets à la chambre d’agriculture de Lozère et rattaché à l’équipe Sud de France Montagne élevage.

Des données concrètes et pratiques

Comme les éleveurs attendaient des données concrètes et pratiques à ce sujet, il leur a proposé de travailler à partir d’un animal que l’un d’entre eux s’apprêtait à commercialiser en vente directe. L’animal retenu a été une génisse croisée aubrac, abattue et découpée à Marvejols, en Lozère. Un animal correspondant à ce qui est classiquement élevé sur cette zone de production. Cette génisse a été abattue à 25 mois. En ferme, elle pesait 603 kg vifs, juste avant d’être chargée dans le camion qui allait l’amener à l’abattoir. Quelques heures plus tard, elle pesait 582 kg, juste avant d’être abattue. Son poids de carcasse chaud était de 330 kg, soit 252 kg pour le cinquième quartier et les déchets. Au cours de son passage dans le frigo de ressuyage, elle a perdu 6 kg, correspondant à l’eau évaporée. Ce qui ramène le poids de carcasse froide correspondant à la pesée commerciale de référence à 324 kg. La carcasse a été classé R3. Elle a ensuite encore perdu 3 kg (eau évaporée) pendant les dix jours qui ont suivi, lesquels correspondaient à la phase de maturation en frigo. À signaler que le prestataire qui a réalisé l’abattage n’a pas fourni foie, cœur, langue et joues, dans la mesure où ces organes ou muscles composent une partie du cinquième quartier mais n’auraient pas pu attendre les dix jours de maturation. « En revanche, avec une organisation différente, ces parties auraient pu être valorisées, par exemple dans un colis « spécial abats », d’une valeur commerciale d’environ 100 € », précise Marc Fabre.

Des poids de pièces adaptés aux usages

La formation à proprement parler a été réalisée avec un boucher formateur. Pour les éleveurs, l’objectif n’était pas, bien entendu, d’apprendre en un temps record à désosser et préparer les muscles dans les règles de l’art, mais à mieux connaître les différents chiffres clés et ratios relatifs à la valorisation d’une carcasse. À partir des 321 kg en sortie de frigo, il a été obtenu un total de 231 kg de viande nette désossée et parée, soit 71% du poids de la carcasse. Proportion assez banale pour une génisse allaitante extériorisant cette conformation et ce niveau de finition. « Ce pourcentage varie classiquement de 56 à 75%, selon les races, la conformation et l’état d’engraissement. L’importance du poids des déchets a surpris bien des éleveurs participants », souligne Marc Fabre. Les différents muscles ont ensuite été piécés puis emballés sous vide avec un poids par unité de vente adapté : 0,2 à 0,3 kg pour les pièces à griller, 1,5 kg pour les côtes et 0,7 à 1 kg pour les pièces à braiser ou à bouillir. Ils ont ensuite été répartis en huit colis de 12,2 kg et 22 colis de 5,7 kg. Le filet, la queue et quelques steaks, pour un total de 7,8 kg, ont été conservés par le propriétaire pour sa consommation personnelle (voir tableau 1).

Compte tenu du prix de vente des caissettes (10,5 €/kg TTC) et des frais inhérents à l’abattage, à la découpe et à la livraison, la marge nette a été d’un peu moins de 300 € pour cette génisse (voir tableau 2). Mais ce sont des chiffres qui datent de 2013. Ils gagneraient évidemment à être réactualisés.

Ajuster le prix des colis

Ramené au temps passé par l’éleveur pour commercialiser son animal, ce niveau de marge est somme toute modeste. « On se rend surtout compte que si les éleveurs ajustent mal le prix de vente de leurs caissettes comparativement au prix auquel ils auraient pu vendre leur animal sur pied, ils ne gagnent rien, ou du moins pas grand-chose ! », précise Marc Fabre. Ceci étant, s’il était encore possible d’acheter des caissettes à 10,5 € du kilo en 2013, les tarifs ont heureusement bien évolué. « De nos jours, on ne voit plus beaucoup d’éleveurs qui vendent si bon marché, du moins sur notre zone. Désormais, les tarifs démarrent autour de 11 à 12 € du kilo et montent classiquement jusqu’à 14 €. »

À partir de la génisse dont la carcasse a été utilisée au cours de la formation, il a été possible d’établir un petit tableau (voir tableau 3) comparant la marge nette pour une même carcasse valorisée en vente directe ou vendue dans les circuits habituels. « Certains éleveurs me disaient régulièrement : « la vente directe, j’ai arrêté, je n’y gagnais rien », tandis que d’autres estimaient doubler pratiquement le prix de leur animal », note Marc Fabre. Deux évidences gagnent à être rappelées : plus l’animal peut être vendu cher dans les circuits habituels et moins la marge sera importante en vente directe ; et plus le prix de vente au kilo de la caissette est élevé, plus la marge pour l’éleveur sera élevée.

Le choix de l’animal à engraisser et découper est donc déterminant. Si c’est la meilleure génisse de l’étable avec la possibilité de bien la valoriser dans le commerce, les possibilités de réelle plus-value sont assez minces. C’est assez différent pour des animaux qui, tout en étant corrects côté conformation et qualité de finition, demeurent dans le « milieu de gamme ». Ce sont globalement ceux-là qui sont les mieux valorisés via la vente directe, ou du moins qui laissent les plus jolies marges.

Service irréprochable et « personnalisation » des caissettes

La vente directe semble continuer à se développer en région Occitanie, même s’il n’existe pas de statistiques à ce sujet. Mais elle s’est surtout nettement professionnalisée. Dans les années qui ont suivi les grandes crise (ESB...), ce mode de commercialisation s’était développé de façon un peu anarchique, avec des éleveurs qui ne faisaient pas forcément du bon travail côté qualitatif. Cela a bien changé depuis.

Dans les départements du Sud du Massif Central, une bonne partie de la clientèle se situe dans les villes du pourtour méditerranéen. « Dans certains quartiers aisés de Montpellier, il est possible de vendre assez cher. Mais il ne faut pas 'se rater' sur la qualité du produit si on souhaite conserver ces clients qui ne regardent pas trop à la dépense. Pas d’emballage sous vide qui ait coulé, pas de fond de carton humide. La livraison doit également pouvoir être réalisée dans un véhicule parfaitement propre avec un service et une ponctualité irréprochables », insiste Marc Fabre. 

Il estime également qu’il est important de pouvoir « personnaliser » la composition des caissettes en fonction des attentes du client. Le colis de 10 kg conditionné en muscles sous vide avec autant de muscles issus d’avant que d’arrière s’essoufle. Il faut pouvoir l’adapter aux besoins de la clientèle. Les personnes âgées n’ont pas les mêmes attentes qu’un couple de jeunes parents travaillant tous deux à l’extérieur. Et Marc Fabre de conseiller également d’adapter le prix de vente selon la taille des colis : par exemple 13,5 €/kg pour des colis de 5 kg et 12,5 €/kg pour des colis de 10 kg. 

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