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Des pistes pour s’adapter aux évolutions du climat

Le climat change. Le fonctionnement des exploitations va devoir faire de même pour s’adapter à ce nouveau contexte. Des éleveurs ont déjà commencé à faire évoluer leurs systèmes d’exploitation.

© F.Alteroche

Les scénarios prospectifs réalisés par bien des climatologues depuis plus de 20 ans semblent bel et bien en train de se réaliser. Selon Météo France, après 1976 puis 2003, 2019 aura connu le troisième été le plus chaud jamais enregistré depuis un siècle. Certes, tous les départements n’ont pas été confrontés avec la même intensité à ces aléas, mais après un été 2018 déjà éprouvant, 2019 laissera des traces dans bien des comptes d’exploitation dans la mesure où les conséquences des évolutions du climat ont largement contribué à aggraver les difficultés économiques des éleveurs allaitants.

« Au cours des épisodes de canicule de 2019, de nombreuses stations météo ont enregistré des records absolus, le plus important étant à Cambrai pour passer de 38 °C à 41 °C, soit un saut de 3 °C. C’est considérable ! », expliquait Franck Baraer, climatologue à Météo France, lors d’une conférence sur l’adaptation des élevages aux changements climatiques organisée par l’Association française des journalistes agricoles (Afja) en septembre à Rennes. Ces évolutions se traduisent par un avancement des dates de récolte. Météo France a travaillé avec la chambre régionale d’agriculture de Bretagne pour mettre en place un observatoire. « Notre objectif est de déterminer les bons indicateurs du changement », a expliqué Laurence Ligneau de la chambre d’agriculture de Bretagne. Dans cette région, pour l’instant une des moins affectées par ces évolutions, les dates des ensilages de maïs se sont nettement avancées. Pour un maïs semé au 1er mai, la date correspondant à la somme de température pour arriver à la récolte en fourrage (1 425 degrés jours base 6) est atteinte 40 jours plus tôt aujourd’hui que dans les années soixante.

Prédire ce qui nous attend

Pour mieux analyser les évolutions en cours et surtout prévoir ce qui nous attend à l’horizon 2050, le programme AP3C (Adaptation des pratiques culturales au changement climatique) réalise un travail prospectif à l’échelle d’un large Massif central. « L’évolution moyenne annuelle entre 2000 et 2050, c’est autour de + 2 °C, soit + 0,4 °C par décennie. Soit + 4 °C par siècle. C’est la trajectoire que l’on suit actuellement », précisait Vincent Caillez, climatologue à la chambre d’agriculture de la Creuse lors d’un colloque à ce sujet organisé fin novembre à Clermont-Ferrand. Et de préciser que les évolutions sont et seront loin d’être parfaitement homogènes. Il y aura des effets « années » et il y aura aussi des effets liés au relief et à l’orientation de certaines vallées qui font qu’à l’intérieur d’un même département, les hausses de température n’auront pas partout la même intensité.

Passer directement de l’hiver à l’été

« Cette hausse des températures sera plus marquée au printemps », expliquait Marie Tissot, agronome en charge de la coordination du projet AP3C. L’été climatique tendra à commencer plus tôt que l’été du calendrier. Le printemps plus chaud pourra même parfois donner l’impression de passer directement de l’hiver à l’été. « Mais ce n’est pas pour autant que le risque de gelée tardive au printemps pourra être écarté. » Côté précipitations, le cumul pluviométrique annuel serait maintenu avec quelques nuances selon les petites régions agricoles. Par contre, la répartition saisonnière évolue. « Globalement, il pleuvra à peu près autant sur l’année, mais avec une modification de la répartition annuelle. Le cumul des pluies sera moins abondant au printemps mais tendra à l’être davantage sur la fin de l’été et l’automne. » Et surtout le bilan hydrique sera dégradé compte tenu de l’évapotranspiration plus importante. « De l’ordre de 100 mm en cinquante ans sur le Nord-Ouest du Massif central et jusqu’à 250 millimètres sur le Sud. » La répartition annuelle des précipitations tendra aussi à devenir plus aléatoire avec la tendance à une remontée vers le Nord des épisodes cévenols, lesquels se caractérisent à compter de la fin de l’été par des précipitations orageuses pouvant être de très forte intensité.

Autre caractéristique des prochaines années : la fréquence accrue des phénomènes météo atypiques avec une plus forte variabilité interannuelle et des aléas (canicule, sécheresse, précipitation…) dont l’intensité et la durée tendront à être plus importantes. Si on veut faire une synthèse, l’année climatique 2019 telle qu’elle a été ressentie dans un large Massif central et dans le grand quart Nord-Est de la France ressemble fort à ce que les climatologues prédisent comme de plus en plus fréquent pour ne pas dire ordinaire au cours des décennies à venir.

L’affouragement estival deviendrait donc indispensable même dans des zones où il n’était jusqu’à présent pas utile impliquant la nécessité de réaliser des stocks plus conséquents. La période sèche estivale tendrait à ressembler à « un second hiver » compte tenu volumes nécessaires. Rien de forcément systématique en raison du côté aléatoire de ces événements. Une année donnée ne ressemblera pas forcément à la précédente ou à la suivante.

Plus que de grandes évolutions tendancielles, l’objectif donné au collectif AP3C est de travailler dans le sens d’une adaptation des systèmes d’élevages présents sur cette zone en cherchant à donner des données fines localisées à une microrégion. « Soyons dans l’anticipation et dans la prospective !, soulignait Olivier Tourand, éleveur dans la Creuse et référent de ce collectif. Mais il n’y a pas de solution toute faite. Les solutions mises en œuvre dans une exploitation ne pourront pas forcément être applicables dans une autre. »

Revoir les systèmes de production

Il faut donc revoir et adapter les systèmes de production. Malheureusement, toutes les pistes d’adaptation imaginées se traduisent par une diminution de l’EBE. Les adaptations envisagées atténuent la dégradation, mais elle est bien réelle pour les différents cas types envisagés. « Ce n’est donc pas satisfaisant d’autant qu’il s’agit d’élevages d’herbivores pour lesquels les résultats économiques sont déjà bien modestes », soulignait Olivier Tourand en indiquant qu’il y a tout un travail à mener en amont avec les fournisseurs du secteur agricole (constructeurs de bâtiment d’élevages, semenciers…). Il s’agit de mieux orienter la recherche et les innovations pour tenir compte des évolutions climatiques en cours.

Tout un travail doit être également mené avec l’aval. Les évolutions du climat pourront se traduire par des évolutions des systèmes avec en bovin allaitant de possibles changements dans les dates de vêlages et, les conditions d’engraissement par un raccourcissement des itinéraires techniques de production avec quelques évolutions dans les types d’animaux produits.

Adaptation des pratiques culturales au changement climatique

Le projet de recherche et développement AP3C (Adaptation des pratiques culturales au changement climatique) a été lancé en septembre 2015. Son ambition : obtenir des informations localisées permettant une analyse fine des impacts du changement climatique sur le territoire, en vue d’adapter les systèmes de production du Massif central et de sensibiliser l’ensemble des acteurs.

Ce projet est animé par le Sidam avec la participation des chambres départementales d’agriculture du Massif central (Allier, Aveyron, Cantal, Corrèze, Creuse, Haute-Loire, Haute-Vienne, Loire, Lot, Lozère et Puy-de-Dôme) et de l’Institut de l’élevage.

sidam-massifcentral.fr

 

 

 

 

Leviers de sécurisation par rapport à la sécheresse

schéma élaboré par Inosys réseaux d'élevage du Grand Est

 

 

 

 

 

Frédéric Valette : éleveur allaitant dans le nord Lozère et vice-président de la chambre d’agriculture

« Une réflexion sur les bâtiments d’élevage »

« Dans mon département situé en zone d’altitude, on ressent de plus en plus les influences méditerranéennes. La succession des saisons tendrait presque à se résumer à l’hiver puis l’été, sans véritable transition entre les deux. 2019 a été marquée par plusieurs épisodes de canicule et une sécheresse à la fois intense et très longue. Puis un véritable déluge en novembre avec par endroits plus de 200 mm en quelques jours. Le fonctionnement de mon exploitation a été remis à plat. Depuis trois ans, le cycle de production des mâles a été progressivement raccourci en passant du broutard alourdi au veau sous la mère. En été, cela nous permet d’avoir des estives moins chargées que par le passé et un réajustement entre les surfaces en céréales et en cultures fourragères. Dans toutes les zones d’altitude, il est impératif d’avoir une réflexion sur les bâtiments d’élevage. Les litières 100 % paillées plombent les trésoreries et c’est encore plus vrai cette année. Un camion de paille rendu cour de ferme sur une exploitation de la Margeride c’est, cet hiver, 130 à 140 euros la tonne. Le gros problème est que pour les investissements dans les bâtiments, les banques ne veulent pas suivre quand cela concerne la construction de stabulations adaptées à une faible consommation en paille (logettes + couloir raclé ou logettes + caillebotis ou même caillebotis + aire paillée). Certes l’investissement initial est nettement plus conséquent, mais le coût de fonctionnement est ensuite sans commune mesure si on le compare à un système 100 % paillé, surtout sur une exploitation ne produisant pas ou trop peu de céréales ! »

Des voies d’adaptation envisageables

Dans le cadre du programme AP3C, les ingénieurs et techniciens en charge des aspects fourrages et viande bovine des onze chambres d’agriculture partenaires ont listé différentes possibilités d’adaptation. Elles portent tant sur la gestion du cheptel pour limiter les besoins du troupeau que sur le volet de la conduite du système fourrager de façon à optimiser les ressources.

Pour limiter les besoins du troupeau :

• Réduire la part des UGB improductifs (diagnostic précoce de gestation…)
• Réduction de la durée des cycles de production pour certaines catégories (passage de la génisse de 30 à 36 mois à la babynette…)
• Modification de la répartition des périodes de vêlage et réduction de l’âge au premier vêlage
• Réduction du cheptel

Pour conforter la disponibilité en fourrages :

• Augmentation des surfaces
• Achat de fourrages
• Mise en place de dérobées en intercultures courtes (moha, sorgho, colza…) ou longues (méteil)
• Développement de la part des légumineuses (luzerne, trèfle violet…)
• Renouvellement accru des prairies temporaires
• Optimisation de la fertilisation
• Optimisation du pâturage (tournant ou tournant dynamique)
• Renforcer la réserve utile des sols (fertilisation calcique et organique, limiter le travail du sol…)
• Irrigation
• Favoriser les fauches précoces
• Conforter la part de la SFP en réduisant celle consacrée aux cultures de vente.

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