Cinq scénarios volontairement contrastés
Pour les cinq scénarios retenus, les niveaux de consommation en France et en Europe jouent un rôle déterminant. D’autres paramètres ont été pris en compte pour au final se traduire par des évolutions très contrastées.
Pour les cinq scénarios retenus, les niveaux de consommation en France et en Europe jouent un rôle déterminant. D’autres paramètres ont été pris en compte pour au final se traduire par des évolutions très contrastées.
Ce premier scénario dit de l’« excellence », envisage une diminution de 60 % de la consommation de viande, pour partie remplacée par d’autres sources de protéines. Cette dégringolade pour les produits carnés est associée à un rejet des méthodes de production les plus intensives en lien avec la progression du nombre d’adeptes des régimes végétariens ou végans.
Pour satisfaire aux nouvelles attentes des consommateurs, les acteurs des filières viandes du Massif central développent des démarches visant à mieux mettre en avant l’impact positif de l’élevage des ruminants par la valorisation des surfaces en herbe. La clé de la réussite de ce scénario repose sur des productions appuyées par une marque commerciale forte valorisant la naturalité de viandes principalement issues de bouvillons et génisses. Elle favorise le développement de l’exportation grâce à une image de marque mieux connue et partagée. Ces exportations visent en particulier les pays qui ont connu un fort développement économique et où la gastronomie française bénéficie d’une bonne réputation. L’herbe a une place de choix pour la finition. Elle apporte une belle image à la production. Cela conforte l’activité d’abattage et de transformation et favorise dans la région un maintien des emplois induits.
Sur le plan territorial, les systèmes de production évoluent vers des structures plus extensives, mais la proportion d’animaux finis est plus importante qu’actuellement. La production de bétail maigre affiche un net recul. Idem pour élevages laitiers. Seule se maintient la production laitière orientée sur des démarches fromagères permettant des niveaux de rémunération du lait plus statisfaisants que les seuls produits de grande consommation. Dans ce scénario, la surface agricole affectée aux ruminants s’étend d’environ 15%. Le nombre de vaches allaitantes est en légère diminution, avec une baisse marquée du nombre de brebis allaitantes.
Le scénario dit de « libéralisation » se caractérise par une diminution de 30 % de la consommation de viande (baisse tendancielle) et par une baisse des soutiens publics, générée par une libéralisation et une internationalisation des marchés. Le prosélytisme végétarien demeure très actif. Les importations en provenance des Amériques progressent. Pour s’adapter à ce contexte, le maître mot est la réduction des coûts de production. Il accentue le recentrage des systèmes allaitants sur l’élevage extensif et la production de bétail maigre. Les fermes s’agrandissent, mais le nombre d’UGB recule. Nombre d’éleveurs abandonnent. Le foncier devient plus aisément disponible. Cela favorise une forte restructuration du parcellaire et permet la constitution de grandes unités d’un seul tenant. Les systèmes d’élevages classiquement rencontrés évoluent vers des exploitations utilisant en moyenne autour de 600 ha et faisant travailler 3 UTH. Les espaces où les productions animales ne sont plus compétitives sont libérés pour d’autres usages. Cela se traduit par une « céréalisation » accrue de toutes les zones les plus favorables et le boisement ou l’abandon à la friche des parcelles les moins intéressantes. La production de biomasse à des fins énergétiques prend de l’importance. La production de viande finie demeure centrée sur les femelles dans les zones où le contexte pédo-climatique est le plus favorable. Dans ce scénario, rares sont les filières laitières à même de se maintenir comparativement à celles de bassins d’élevage où les coûts de production sont bien inférieurs. L’élevage ovin s’affiche lui aussi en net recul, pénalisé par l’omniprésence des loups. Dans certaines zones, le paysage se referme et fait décliner le tourisme rural. Dans ce scénario, peu d’organisation collective, chacun essaye de tirer son épingle du jeu. Les innovations sont plutôt techniques et destinées à faciliter la gestion de grands troupeaux en faisant appel à toujours davantage de robotisation et d’automatisation des tâches générant de moins en moins d’emplois induits. Sans atteindre la dimension des ranchs, certaines exploitations s’en approchent.
Dans le scénario « agroécologie », la consommation de viande est également en retrait de 30 %. Les attentes sociétales et les différentes catastrophes consécutives aux évolutions du climat qui ont eu lieu un peu partout sur la planète déplacent les curseurs. Elles achèvent de faire évoluer les mentalités en mettant fin au « modèle pétrole » et à la consommation en masse des énergies fossiles. Le consommateur devient un « consommacteur », bien conscient qu’il a les moyens de faire évoluer certaines pratiques agricoles par ses actes d’achat. Le recours aux pratiques agroécologiques devient la norme et l’agriculture biologique tend à se généraliser. Ceci est rendu possible grâce à des politiques agricoles qui soutiennent et protègent le marché. L’un des faits marquant est le (re) développement des races mixtes à double fin (lait + viande). Il se fait au détriment du cheptel allaitant qui affiche un net recul. L’herbe occupe une place de première importance dans l’alimentation des troupeaux et sert de socle pour avoir des systèmes fourragers les plus autonomes possible, associés à une véritable culture de l’herbe et à son optimisation qualitative par un pâturage finement raisonné. Les coûts de production supérieurs renchérissent le prix de revient des produits laitiers et carnés liés aux ruminants. Ils sont en partie supportés par les consommateurs et par des politiques agricoles qui soutiennent et protègent les marchés. Les consommateurs boudent les viandes de monogastriques produits à partir de productions végétales intensives (hors sol) et privilégient les viandes de ruminants dans la mesure où ces dernières sont essentiellement produites avec de l’herbe et consomment donc peu d’énergie fossile. Au niveau du territoire, la surface mobilisée par ces élevages herbagers s’étend. Elle s’accompagne d’une diversité accrue des paysages avec une mosaïque de champs, de prairies et de pâturages qui renforce leur attrait touristique, lequel conforte la création d’emplois induits. C’est ce scénario qui permettrait de maintenir le plus d’emplois dans les zones rurales.
Dans le scénario « partenariat » la consommation de viande ne diminue que de 5 %. Le projet européen d’équilibre économique et social passe par des actions locales, la région étant le niveau pertinent de leur mise en œuvre. Les différentes régions composant le Massif central interviennent donc activement pour appuyer un partenariat constructif, équitable et reconnu entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Les consommateurs deviennent des connaisseurs et sont dans des proportions croissantes sensibles à la qualité organoleptique du produit. C’est un scénario assez politique avec transfert de certaines décisions liées à l’agriculture et à l’élevage vers les régions. Elles auraient un rôle d’initiateur dans ces démarches de partenariat. Lesquelles reposent sur davantage de contractualisation, amenant la transparence dans l’élaboration et le partage de la valeur ajoutée. Cette politique favorise l’élevage bovin allaitant et tend à accroître ses effectifs, pour la production de viandes dont la qualité est reconnue et recherchée.
La baisse des niveaux de consommation est très modérée et globalement compensée par l’augmentation de la population. Le recours à une utilisation optimale de l’herbe est un atout comme composant de la qualité organoleptique des viandes de ruminants. Dans ce scénario, les espaces herbagers seraient utilisés de façon plutôt intensive pour couvrir au mieux les besoins des animaux.
Dans le scénario « géopolitique », la consommation de viande en Europe est en retrait de 30 %. En revanche, la dépendance alimentaire des pays du sud méditerranéen s’accentue, en lien avec leur démographie associée aux évolutions du climat. Ce dernier est de plus en plus aride. Il pénalise la productivité de l’agriculture, en particulier dans les pays des rives sud de la Méditerranée où les dunes du Sahara s’approchent dangereusement du rivage.
Dans ces pays à forte natalité, la population va croissante. Ses besoins alimentaires progressent alors que l’agriculture locale est pénalisée par les sècheresses récurrentes. Le prix des denrées agricoles progresse. Cela génère des tensions telles que l’Europe est amenée à intervenir en passant des accords avec cette région du monde pour maintenir son équilibre géopolitique. Dans ce contexte, le Massif central renforce sa capacité à produire des bovins maigres pour participer à ces échanges. L’engraissement, réalisé ailleurs pour des questions de rentabilité et de prix de revient de la ration, provoque une diminution de l’emploi dans le Massif central et défavorise son dynamisme économique. Cela se traduit par une spécialisation des élevages et un fort niveau d’intégration. La poignée d’opérateurs qui pilotent la production et l’engraissement gèrent les accords avec les importateurs du bassin méditerranéen. Ce scénario a des conséquences plutôt négatives pour le Massif central en termes d’emplois et de dynamisme économique dans la mesure où la valeur ajoutée captée par la finition et la transformation des animaux est déplacée hors de la zone. En revanche, cela contribue à faire augmenter les effectifs allaitants, avec un bon niveau d’utilisation des surfaces en herbe disponibles.