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Au Gaec des Jets, rigueur agronomique et zootechnique

Au Gaec des Jets, aux confins du Cher et de l’Indre, la règle est la complémentarité entre les céréales et les bovins avec un système associant polyculture et élevage naisseur-engraisseur avec à la clé une bonne fertilité et durabilité des sols et une bonne autonomie alimentaire.

Au Gaec des Jets à Beddes dans le Boischaut-Marche, les surfaces sont presque équitablement réparties entre prairies et cultures. Cyril, Pierre et Christophe Cassonnet les trois associés sont secondés par un salarié. S’ils sont polyvalents pour le travail quotidien d’astreinte, chaque atelier a son spécialiste : Christophe (51 ans) pour le troupeau allaitant, Cyril (48 ans) son frère pour les grandes cultures. Quant à Pierre (20 ans), leur fils et neveu, il est installé depuis 1 an.

Comme le disait son grand-père, « un agriculteur est en apprentissage… jusqu’à sa retraite ! Car on évolue et on s’adapte en permanence ! » Visionnaire aussi ce grand-père. Il fut précurseur de la finition de tous les animaux nés sur l’exploitation selon un principe tout simple : pourquoi envoyer les céréales à Rouen et les broutards en Italie quand on peut tout valoriser sur place de façon complémentaire !

Maîtrise agronomique

Cyril a la fibre du végétal et des sols. Il connaît sur le bout du doigt tout de son parcellaire groupé sur six îlots et trois communes : depuis le sous-sol de qualité disparate de chacune des parcelles (parties sableuses, argilo calcaires, limoneuse ou argileuse) jusqu’à leurs réserves hydriques en passant par les assolements et rotations culturales. Les principales grandes cultures sont le blé avec en moyenne sur les dernières campagnes 70 ha à 65 qx, l’orge d’hiver (46 ha à 60 qx) et de printemps (9 ha), le colza (13 ha à 33 qx) - dont la paille comme celle des céréales est utilisée en litière - et le maïs entièrement destiné à l’alimentation des bovins avec 15 ha en ensilage à 16 t de MS et 2 ha de maïs grain à 70 qx.

Les vaches étant présentes en stabulation pour les vêlages d’automne, la paille produite ne suffit pas d’où des achats extérieurs sur pied. Le semis sur 24 ha en dérobé derrière le ray-grass d’un moha dont les graines sont destinées à être commercialisées en oiselleries permet de gagner un peu plus de paille. Côté fourragères, une cinquantaine d’hectares de ray-grass italien sont semés chaque année pour une utilisation en ensilage ou enrubannage. L’autre graminée clé côté fourragère est la fétuque qui occupe 10 ha.

« Le fumier est destiné prioritairement aux parcelles (cultures et prairies de fauche) qui exportent le plus ainsi qu’aux plus pauvres à raison de 10-12 tonnes par hectares de fumier décomposé amené en été et 15-20 tonnes de fumier frais épandu avant les semis de maïs. Côté fertilisation, ces apports réguliers de fumier couvrent pratiquement la totalité des besoins en potasse. Il nous faut toutefois acheter 10 tonnes de super 45 pour le phosphore et surtout 80 tonnes d’engrais azoté. Mis à part la paille achetée, le système est donc en complète autonomie fourragère », souligne Cyril.

Une bonne partie des travaux sont réalisés avec du matériel de Cuma (épandage du fumier, travail du sol, enrubannage…) ainsi que l’entretien régulier par broyage des haies de bordures. Une partie des élagages sont valorisés en plaquettes pour chauffer les logements des associés. Ceci concourt à minimiser la charge du poste matériel. Pour les récoltes, plus dépendantes de la météo, le Gaec a son propre matériel. À signaler qu’une réserve d’eau sécurise la production de taurillons en permettant l’irrigation prioritaire du maïs ensilage. Cette infrastructure, créée il y a quelques décennies, est un plus évident dans la stabilité du système compte tenu de la fréquence accrue du manque de précipitation en été.

Maîtrise zootechnique

Christophe, lui, cultive sa fibre des animaux. La conduite du troupeau est impressionnante de rigueur avec deux périodes de vêlages équilibrées. Pour ceux d’automne, la période de reproduction dure sept semaines et l’étalement des vêlages de 50 à 55 jours. Pour ceux d’hiver, la période de reproduction dure de huit à neuf semaines (car la mise à l’herbe perturbe les retours après IA) et les vêlages ont lieu sur 70 jours. Les génisses sont conduites pour une part en vêlage 28 mois et une autre part en vêlage 36 mois ce qui fait bon an mal an une moyenne de 33 mois 28 jours avec cible à 32 mois. L’objectif prioritaire de cette conduite où le poids de mise à la saillie est un facteur de tri (500 kg) est d’avoir le même taux de renouvellement sur les deux périodes de vêlage.

Cette scission en deux périodes remonte à 1994. Elle répondait à la volonté de mieux répartir les pointes de temps de travail (vêlages, semis, préparation du sol… avec d’importants pics d’activités à gérer entre associés), étaler les ventes (avec des taurillons pour partie vendus en hiver) associée à la volonté de réduire les risques sanitaires sur les veaux.

Christophe réalise toutes les rations à la mélangeuse en s’appuyant sur les analyses des fourrages. « J’utilise très peu de concentré sur les vaches. Les rations sont optimisées avec l’ensilage ou l’enrubannage, le foin, la paille et l’ensilage de maïs en fonction des stocks, des valeurs et des besoins. Les vaches n’ont pas de concentré sauf les primipares et les mères de jumeaux qui sont complémentées pour assurer leur reproduction, leur croissance et celle des veaux. Il y a deux grands types de rations : une avant vêlage-début lactation et une mise à la reproduction. Je surveille très étroitement la qualité des colostrums qui me donne une indication précieuse sur le niveau protéique des rations. »

Les veaux d’hiver ne sont pas complémentés au pré mais le sevrage est adapté à la pousse de l’herbe, les mâles ayant une croissance compensatrice à l’engraissement. Les vaches sont complémentées avec de l’enrubannage dès que l’herbe vient à manquer.

Les chaleurs sont surveillées avec des colliers de détection Heatime. Ce système a une fiabilité de détection de 90 %. Il permet l’insémination dans des conditions optimales de réussite. Un plan d’accouplement est raisonné vache par vache. La politique de choix des taureaux a évolué : « avant je n’utilisais que des taureaux aux valeurs sûres, mais confronté à des problèmes de consanguinité et avec l’arrivée de taureaux génotypés, je réalise des accouplements avec des taureaux Génétique avenir de Charolais univers sur 15 à 20 % des femelles pour tester de nouvelles origines. C’est notre contribution à la génétique future », précise Christophe.

Se motiver pour évoluer

Pour Christophe, la motivation pour développer l’exploitation passe par la progression génétique du cheptel en valorisant davantage certains très bons sujets en reproducteurs via les stations d’évaluation. Cyril, lui, recherche des techniques de désherbage plus vertueuses. Le Gaec réfléchit à un engagement dans le label HVE (Haute valeur environnementale) sur la partie végétale et va travailler prochainement le bilan carbone pour maîtriser davantage le volet sociétal, énergétique et écologique de l’exploitation. Le Gaec des Jets illustre la complémentarité et l’harmonie de deux ateliers par une recherche constante de nouvelles pratiques adaptées à l’évolution de l’environnement climatique et économique.

Mathilde Minard, conseillère Bovins croissance chambre d’agriculture du Cher

Un savoir-faire complet et une forte technicité

Au Gaec des Jets : Rigueur agronomique et zootechnique

« Le Gaec des Jets est attentif à la maîtrise de toutes les composantes participant à la réussite d’un élevage bovin allaitant, que ce soit au plan alimentation, ambiance dans les bâtiments, reproduction et amélioration génétique. Dans cet élevage, un des points remarquables est la spectaculaire maîtrise de la reproduction avec 368 j d’IVV moyen et un taux de productivité de 111 %. Un tel résultat s’appuie sur une gamme de décisions rigoureuses. La conduite en deux périodes strictes de vêlage, les échographies systématiques à 45 jours et l’utilisation de colliers détecteurs de chaleur. Il repose aussi à l’évidence sur la qualité de la conduite globale du troupeau : taux de renouvellement atteignant 37 %, niveau sanitaire, gestion du pâturage et des stocks. D’un point de vue amélioration génétique, le Gaec réfléchit et agit en parfaite synergie avec Bovins croissance. La valorisation des données recueillies depuis près de vingt ans a permis d’atteindre un niveau d’IVMat de 107 sur les vaches. 90 % des veaux nés sont issus d’IA et les taureaux utilisés ont un IVMat moyen de 114. Cette année un veau a été admis en station de testage et cette belle récompense traduit les efforts réalisés sur l’amélioration génétique. Le contrôle de performances prend tout son sens dans le contexte évoqué. L’analyse constante du BGTA et l’expertise du pointage, réalisées dans d’excellentes conditions d’échanges avec l’éleveur, contribuent pleinement à la réussite de cet élevage. »

Chiffres clés

Au Gaec des Jets

364 ha dont 170 ha de grandes cultures (colza, blé, orge d’hiver et de printemps, maïs grain et ensilage)

194 de SFP dont 179 d’herbe

210 m et précipitations annuelles : 720 mm

180 charolaises en inscription progressive au herd-book charolais. Atelier de 100 places de taurillons.

1,6 UGB/ha SFP

3,5 UMO dont 1 grandes cultures et 2,5 atelier viande.

Les systèmes polyculture élevage : une évolution inéluctable vers l’agroécologie ?

Le cercle vertueux paille-bouse-fumier présente un regain d’intérêt après une période récente où la spécialisation des ateliers vers toujours plus de cultures s’est traduite par un recours plus conséquent aux intrants. Malgré cela, pour alléger les charges de travail, l’élevage continue inexorablement à diminuer dans les départements comme le Cher, l’Indre, la Vendée… où la charrue peut encore labourer. Sur des sols au potentiel modeste, le fumier, véritable « or brun » est pourtant un plus évident pour maintenir les taux de matière organique tandis que la paille devient un bien précieux que ce soit en utilisation alimentaire ou paillage. Dans ces systèmes de polyculture élevage, tous les ateliers sont complémentaires et le grand gagnant est l’entretien de la fertilité des sols.

L’alternance prairies temporaires et cultures sur des rotations longues et des assolements diversifiés (cultures de printemps/automne, légumineuses/graminées/maïs, racines courtes/profondes) permettent d’améliorer la qualité des sols et l’autonomie fourragère. Un moindre recours aux intrants (engrais, phytosanitaires, concentrés, fuel…) et des techniques culturales nouvelles ou redécouvertes (binage mécanique, semis direct, sous couvert, pâturage dynamique…) améliorent le bilan carbone : un plus nécessaire pour l’environnement mais aussi pour le bilan économique des exploitations. Le nouveau contexte lié à la guerre en Ukraine tend d’ailleurs à conforter ces systèmes de polyculture élevage bien conduits visant l’autonomie complète sur la fumure et l’alimentation animale.

Sully, ministre des Finances d’Henri IV avec sa célèbre formule « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », voyait dans la production agricole la clé de la puissance française. Les systèmes polyculture élevage sont aujourd’hui la transposition moderne de cet adage. Il est probable qu’ils évolueront vers des formats plus agroécologiques. Et cette évolution se fera plus par les praticiens de terrain que par les théoriciens urbains !

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