Comment vous est venue l’idée de cette école de dégustateurs de bœuf conseillers ?
« Le marché du bœuf devrait suivre une trajectoire similaire à celle du vin. En Argentine, il y a peu, seul existait du rouge de qualité médiocre, du vin de table, alors qu’aujourd’hui, une centaine de caves offrent leur Malbec aux prix du marché international… La reconnaissance de la qualité du bœuf par les clients bénéficiera in fine à tous les acteurs de la filière, en premier lieu aux éleveurs. Nous y travaillons avec la conduite de notre école de sommeliers de bœuf, qui est unique au monde », résume Luis Barcos, qui a concrétisé ce rêve au sein de la Faculté de sciences vétérinaires de Buenos Aires.
Cette idée est née en France à la suite d’une soirée garnie avec mon ami Bernard Vallat qui fut directeur de l’Organisation mondiale de la santé animale. « Pourquoi ce terme de sommelier, m’avait-il répondu en bon Français soucieux de la précision de l’usage de la langue. Sur ce dernier point, j’ai eu le dessus, car seuls les experts en café ont un terme différent… »
Est-ce qu’il en existe des modèles équivalents ailleurs dans le monde ?
« En Autriche, il existait bien une école de dégustateurs de bœuf, mais son contenu pédagogique est basique. J’ai donc cherché à identifier ce qui permet de caractériser le mieux les morceaux de bœuf selon des critères scientifiques, comme la tendreté, le jus, l’arôme et la saveur. Et je me suis rendu compte qu’au niveau des analyses sensorielles, via des outils ou des humains, de nombreuses recherches scientifiques ont été faites, mais leurs résultats ne sont pas encore sortis du laboratoire… »
Quel est le cursus d’enseignement qui a été imaginé ?
« Ayant été à trois reprises juge de l’École supérieure des bouchers au prix du concours agricole de Paris du meilleur bœuf, j’ai conçu le contenu pédagogique de mon école autour de 20 cours théoriques et 240 heures de pratiques sensorielles. J’ai noué un partenariat entre l’Inta (équivalent argentin de l’Inrae) et la Faculté de sciences vétérinaires de Buenos Aires. Le premier cours a été donné en 2019. Nous nous dédions au bœuf sans nous y restreindre. Les viandes de poulet et de porc sont si standardisées, de nos jours, qu’il est difficile de les insérer dans un projet tel que le nôtre. La France à cet égard est une exception. »
Combien d’étudiants ont intégré le parcours ?
« À ce jour, 75 sommeliers ont reçu leur diplôme de notre école et ils seront 100 d’ici à la fin de l’année 2024. La provenance de nos élèves est très variée, étant soit étudiants, soit restaurateurs, bouchers, ou cadres d’entreprises, etc., des origines toutes aussi variées que leur parcours après notre formation : certains ont ouvert un bar à viande dans un quartier chic du Nord de Buenos Aires, un autre est devenu l’ambassadeur attitré du bœuf japonais Wagyu après avoir posté un certain nombre de vidéos… », témoigne Luis Barcos.
« Quels requis pour entrer dans notre école ? Savoir lire et écrire. C’est un cours de 3 heures, deux fois par semaine. Nos élèves sont Brésiliens, Colombiens, Chiliens, Uruguayens,… Le premier Européen, un Espagnol, est arrivé cette année. La formation leur coûte 3 000 dollars US. Cette valeur s’explique en partie par le coût en viande de bœuf qu’il leur faudra goûter tout au long de la formation, des morceaux premium cuits sous feuille d’aluminium à 71 °C », nous explique son directeur.