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Vidéo dans les abattoirs
Après le choc, les mesures

La viande n'avait pas besoin de ces images choquantes filmées dans trois abattoirs municipaux du sud de la France. Les professionnels et le ministère se mobilisent pour mettre en avant les bonnes pratiques et développer la nouvelle stratégie française pour le bien-être animal.

Après la diffusion des vidéos montrant des actes de cruauté envers les animaux à l'abattoir, la confiance des consommateurs est mise à mal et c'est l'ensemble de la filière qui souffre.
© S. Leitenberger
La responsablité de tous doit être engagée

Alès, Le Vigan, Mauléon-Licharre… depuis le 14 octobre, les noms de ces abattoirs reviennent en boucle dans l’actualité. Au cours des six derniers mois, ils ont successivement fait la une des journaux suite à la diffusion par l’association L214 de vidéos montrant des actes de cruauté envers les animaux. Ces images, tournées en caméra cachée, ont suscité l’émoi dans la filière et auprès des consommateurs. Si les effets sur la consommation de viande sont encore bien difficiles à quantifier, ces pratiques isolées viennent jeter le doute sur l’ensemble de la filière. Les réactions ont été rapides, la FNB a porté plainte contre X, Interbev s’est portée partie civile et le ministère a pris un ensemble de mesures rapides pour s’assurer du respect de la réglementation sur le bien-être animal dans l’ensemble des abattoirs de France et a présenté sa stratégie bien-être animal pour les quatre prochaines années.

« Ces vidéos reflètent une image qui n’est pas celle de la réalité, regrette Dominique Langlois, président d’Interbev. Dans la situation dramatique de la filière, on ne peut accepter des images comme celles-ci qui sèment le trouble chez les consommateurs. La filière se doit de ne pas être victime de dérives, qui sont le reflet d’une très faible minorité. Dans cette situation, notre position est systématique : dénoncer et nous constituer partie civile. Nous voulons montrer que la filière ne cautionne pas ces pratiques. Nous l’avions déjà fait à plusieurs reprises et nous le referons chaque fois que ce sera nécessaire. »

Responsabilité, transparence et protection au cœur de la stratégie

Au ministère, Stéphane Le Foll a pris des mesures fortes et rapides. « Il y a une responsabilité de l’État, c’est indéniable. Nous allons suivre de près ce qui se passe. J’ai demandé aux préfets une inspection de tous les abattoirs d’ici la fin du mois d’avril. Si des manquements du côté de l’État sont identifiés, il y aura des sanctions. » Par ailleurs, le ministre a généralisé la désignation dans tous les établissements, quelle que soit leur taille, d’un référent bien-être animal, décision saluée par Interbev. Ces salariés seront protégés afin de garantir leur liberté et leur indépendance. « S'ils dénoncent des manquements, ils n’encourent aucun risque pour leur emploi. Leur nomination fera partie de l’agrément des abattoirs et leur nom sera enregistré en préfecture » a précisé Stéphane Le Foll.

Un délit de maltraitance, avec des sanctions pénales, va être créé dans la loi Sapin. «  Si on veut quelque chose qui fonctionne, la responsabilité de tous doit être engagée, » a affirmé le ministre pour qui la réponse à ces dérives n’est pas la présence d’un vétérinaire et d’un fonctionnaire par abattoir. « Je veux éviter la suspicion qui pèse sur les salariés. Ils exercent un travail particulièrement pénible, si on peut éviter de leur imposer toute la journée une caméra de surveillance, ce sera mieux pour tous. Il y a des choses à faire en termes de formation et d’accompagnement pour les salariés. On ne peut pas les laisser tout seuls comme ça. Ils peuvent perdre les pédales et ça peut se comprendre. » Le ministre s’est dit favorable à un travail avec le ministère du Travail pour prendre en compte les spécificités de l’activité d’abattage dans l’accompagnement des salariés. 

« Il fallait prendre des mesures fortes et rapides, rappelle Dominique Langlois. Le plan du ministre va dans le bon sans. Doter du statut de lanceur d’alerte le référent bien-être animal en abattoir est une très bonne chose. Le doute peut exister sur la liberté du référent. C’est une protection qui lui donne une indépendance et complète les services vétérinaires de l’État. Avec la sanction pénale des dirigeants, la boucle est bouclée. »

Ouvrir les abattoirs pour rassurer

En complément de ces mesures, une commission d’enquête parlementaire composée de 30 députés et présidée par Olivier Falorni, député de Charente-Maritime, a été créée. Cette commission d’enquête veut « faire des propositions concrètes ». Son président est revenu sur le manque de transparence et l’« omerta » qui règne sur les abattoirs. « Il est presque plus facile de visiter un sous-marin nucléaire qu’un abattoir français ! », s’est-il exclamé. « Ce qui nous intéresse, c’est la question de la maltraitance animale, pas de manger ou non de la viande », a-t-il spécifié.

Pour Dominique Langlois, les professionnels doivent travailler de concert avec l’administration pour faire appliquer les règles et rappeler ce qui existe, notamment le guide de bonnes pratiques d’hygiène en abattoir validé par l’administration en 2014. « À Interbev, le bien-être animal est traité depuis plusieurs années comme une priorité. Avec le groupe de travail bien-être animal, rattaché à la commission enjeux sociétaux créée début 2016, nous effectuons une veille réglementaire, travaillons à faire évoluer le guide des bonnes pratiques d’hygiène et cherchons à répondre aux attentes sociétales. » C’est aussi l’esprit des rencontres made in Viande, dont la seconde édition à lieu ce mois-ci. « Ouvrir les portes de la filière viande et notamment des abattoirs est importants. Ils n’ont rien à cacher. Lors de la première édition en 2014, beaucoup de consommateurs et citoyens ont pu échanger avec des professionnels. Les gens sont souvent surpris du niveau des installations. C’est important de montrer l’ensemble de la chaîne. Ces journées vont être importantes aussi pour les personnels des abattoirs. Ils sont eux aussi choqués par les  images diffusées et victimes des amalgames qui sont faits. »

Avec une nouvelle action de communication de la SPA afin « que cessent les cruautés infligées aux animaux en France » et réclamant la mise en place de la vidéosurveillance en abattoir, les professionnels vont avoir fort à faire.

Une stratégie bien-être animal en quatre axes

Fruit d’un an et demi de travail en concertation avec les professionnels, les consommateurs et les associations de protection des animaux, la stratégie pour le bien-être des animaux dévoilée le 5 avril dernier vise à aborder le sujet dans sa globalité et prendre des mesures qui s’appliquent sur les quatre ans qui viennent. La stratégie bien-être animal a été élaborée sur trois principes : la responsabilité partagée de l’État et des acteurs de la filière, la transparence et la protection. 

« L’objectif est de changer la culture et le rapport au bien-être animal au-delà de l’actualité » a affirmé Stéphane Le Foll lors de sa présentation. Décliné en quatre axes, 20 actions prioritaires concrètes ont déjà été définies. Le premier axe vise à partager le savoir et promouvoir l’innovation. Il comprend la création d’un centre national de référence sur le bien-être animal d'ici la fin de l'année. Le deuxième axe concerne la responsabilisation des acteurs, à tous les niveaux : éleveurs, vétérinaires, intervenants au contact des animaux, organisme de protection des animaux et services de contrôle de l’état. Troisième axe, l’évolution des pratiques vers une production plus respectueuse de l’animal. Cet axe comprend notamment l’accompagnement dans la modernisation des structures et outils. Il vise également à donner aux éleveurs les outils techniques pour mieux prévenir et maîtriser la douleur. Sur ce point, l’écornage bovin est cité comme une pratique pour laquelle il faut encourager le développement d’alternatives. La prévention et la réactivité face à la maltraitance animale par le renforcement du contrôle de l'État et la vigilance au sein des abattoirs sont les objectifs du quatrième axe. Dernier axe, l'information sur les avancées et les résultats du plan d'action auprès des consommateurs.

Le saviez-vous ?

La France compte 263 abattoirs bovins, ovins, caprins, porcins et équins, selon le ministère. Leur production annuelle totale est de 3,45 millions de tonnes. Cette production recouvre une grande disparité de volume entre abattoirs, de 10 à plus de 200 000 tonnes annuelles. 2 155 agents des DDPP, représentant 1 200 ETP, sont mobilisés sur les missions de sécurité sanitaire des viandes produites et la protection des animaux abattus.

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