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Rugby
D’Aurillac au Mondial

Rencontre avec quatre Stadistes qui disputeront la Coupe du monde avec leur sélection nationale. L’occasion de revenir sur leur expérience et leurs attentes.

“Nous sommes le dernier pays qualifié pour cette Coupe du monde. Nous n’avons pas choisi cette poule avec des Anglais anciens champions du monde, des Argentins dans les meilleures nations mondiales tout comme l’Écosse. Il faut être réaliste : nous pouvons juste rivaliser avec la Géorgie. Nous allons en Nouvelle-Zélande pour vivre une aventure unique au monde. Les joueurs doivent se vider les tripes et la tête pour montrer que le rugby roumain n’est pas mort, que nous faisons bien partie des 20 meilleures nations. En clair, nous voulons gagner le respect du monde du rugby.” À l’aube de ses 38 ans, Roméo Gontinéac a toujours soif de rugby. Alors qu’il a arrêté sa carrière de joueur en 2010 à Aurillac, il a aussitôt enfilé l’habit de coach pour sa sélection de toujours, la Roumanie. Avec ses 75 sélections et ses quatre Coupes du monde en tant que joueur, il veut apporter toute son expérience à cette équipe roumaine qui rêve de retrouver sa gloire des années 80. Roméo Gontinéac, c’est aussi le deuxième joueur, derrière l’Anglais Jason Léonard, à avoir disputé le plus de matches consécutifs en Coupe du monde (14). Depuis plus de 15 ans, il a vu l’univers de l’ovalie se transformer, évoluer. “Le premier changement, c’est le passage au professionnalisme dès 1995. Dès lors, entre toutes les Coupes du monde, le rugby a changé. Pas le fondamental, mais les règles et ses interprétations. Tout cela a favorisé le temps de jeu effectif sur le terrain, donc automatiquement la préparation des joueurs.”

“Plus costauds, plus rapides”

Selon l’entraîneur roumain, “les joueurs sont devenus capables de jouer 40 à 45 minutes effectives. Aujourd’hui, la qualité physique est différente, les blessures aussi. Au final, on se retrouve avec des joueurs plus rapides, plus costauds, plus dynamiques et les gabarits sont impressionnants. Moi, en 95, je voyais des trois-quarts entre 80 et 90 kilos. Aujourd’hui, c’est 100 kg et plus…” Si malgré tout “le rugby est encore le seul sport où tout le monde peut s’affronter, petits, gros, lourds, frêles…”, Roméo Gontinéac se demande jusqu’où l’évolution peut aller. “La question que l’on doit se poser est celle-ci : si le rugby change aussi vite qu’il l’a fait durant ces dix-quinze dernières années, où va-t-on s’arrêter ? Prenez les piliers par exemple. Avant, ils étaient un peu plus lourds, un peu plus lents, un peu plus rigides. Maintenant, ils sont affûtés, ils sont très forts, capables de pousser autant que de faire un cadrage débordement.” Dans cette nouvelle sphère rugbystique, la Roumanie ne peut que courir après les autres, “tout simplement parce que nous n’avons pas les mêmes moyens. Le constat est là, il nous faudra courir encore quelques années. Pourtant, nous avons des profils de joueurs comme en Angleterre ou en France. Le plus gros souci, c’est que nous n’avons pas les moyens d’avoir les structures nécessaires à notre développement”. Depuis deux ans pourtant, le championnat roumain évolue plutôt dans le bon sens. “La majorité de nos joueurs à la Coupe du monde jouent en Roumanie, un tiers en France et un autre en Angleterre. Chez nous, le championnat c’est une bonne ligue de dix équipes avec un bon niveau et qui continue de progresser. Cependant, j’aimerais avoir plus de joueurs dans les gros championnats européens. Mais aujourd’hui le rugby est médiatique, avec beaucoup d’argent en jeu et ce n’est pas forcément profitable aux Roumains.”

 

Le renouveau des Carpates

 

Roméo Gontinéac entend par là que les agents préfèrent se tourner vers des joueurs de l’hémisphère Sud plutôt que des joueurs de l’Est. “Eux sont un peu plus foufous alors que nous sommes plus des travailleurs, capables de comprendre ce qui ne va pas pour progresser.”

Après les Mondiaux de 2003 et 2007, il y a eu un trou d’air au niveau des joueurs avec une base de sélection assez faible. “Avant 1989, nous avions en Roumanie 90 voire 100 clubs. Nous étions tous comme des professionnels avec uniquement le rugby à penser. Mais après la chute du mur, tout s’est effondré économiquement et le rugby avec.” Mais cela c’était avant.

Aujourd’hui, le championnat roumain compte une trentaine de clubs. “Le rugby a été négligé dans les écoles, admet Roméo Gontinéac. Mais, tout doucement, cela commence à revenir. À la tête de la fédération, nous avons la chance d’avoir un jeune président. Il connaît beaucoup de monde et ramène des partenaires. Cela fait vraiment du bien au rugby roumain qui a retrouvé le professionnalisme en 2005. Prochainement, nous avons la volonté de développer des mini-académies dans les régions. Cela va nous amener du nombre. Et du nombre, nous tirerons forcément de la qualité. Il nous faudra cinq à six ans encore pour revenir, j’espère, au niveau que l’on avait avant.” En attendant, la Roumanie ouvrira le bal de la poule B face aux Écossais, le 10 septembre au rugby park stadium d’Invercargill. Un premier test assez significatif pour jauger des capacités des hommes des Carpates.

Levan Datunashvili : “D’abord jouer, parler après”

 

À l’aube de disputer sa deuxième coupe du monde, Levan Datunashvili sait que l’équipe nationale géorgienne a peu de chance de sortir d’une poule B où l’Argentine et l’Angleterre sont favorites. “Le premier objectif, c’est de gagner contre l’Écosse, raconte le capitaine. Ce match sera capital pour la suite. Mais parler, ce n’est pas bien, il faudra d’abord jouer.” Après un stage de préparation en Auvergne, les Caucasiens rejoindront la Nouvelle-Zélande fin août. L’occasion de mettre en pratique ces semaines d’entraînement qui ont permis à Levan de savoir qu’il pourra compter sur “des joueurs soudés. La Géorgie, c’est une équipe très familiale, qui joue serré. C’est sur ces valeurs qu’il faudra miser pour bien figurer dans la compétition”. Même si le pays ne compte qu’à peine 500 000 pratiquants, le joueur d’Aurillac est bien conscient que cette Coupe du monde, “c’est beaucoup pour notre pays. On va le représenter aux yeux du monde et on veut le faire correctement. Nous sommes des Caucasiens, nous jouerons nos matches jusqu’au bout”.

Namibie : sœur pauvre de l’AfSud

C’est un immense pays qui vaut essentiellement par la richesse de son sous-sol (mines d’uranium, de cuivre, de diamant…) et son tourisme (la chasse aux grands fauves notamment). Colonie allemande, placée ensuite sous protectorat de l’Afrique du Sud, la Namibie a gagné son indépendance en 1990. Voilà pour la petite histoire car en réalité, la Namibie reste encore très tributaire de sa riche voisine sud-africaine. Une grande sœur qui a d’autres moyens, notamment celui de se permettre de dépouiller la Namibie de ses meilleurs joueurs de rugby. “Il y a très peu de licenciés en Namibie. Le pays est très grand, les ressources financières pas suffisantes pour pouvoir organiser un championnat où les déplacements sont trop grands. Alors, pour satisfaire notre passion, nous partons souvent jouer en Afrique du Sud.” Troisième ligne des Welwitschias, Jacques Nieuwenhuis évolue en France depuis 2008 au Stade aurillacois. Né pourtant en Afrique du Sud, il a fait le choix de porter les couleurs du pays de ses parents.

Les sunlights sud-africains

“Le rugby est pauvre en Namibie. Il n’y a pas de joueurs professionnels. Une équipe participe cependant à la Vodacom Cup que l’on pourrait comparer à la Pro D2 en France. En fait, les entraîneurs repèrent les joueurs qui évoluent dans les six ou sept clubs namibiens. Ils font une sélection de 30 à 35 joueurs pour participer à cette compétition. Et puis un autre choix est effectué pour intégrer le groupe Coupe du monde.” Car heureusement pour la Namibie, certains talents se sont expatriés en Europe et ont ainsi montré une autre voie : De la Harpe qui évolue en Angleterre (Birmingham), Burger (aux Saracens) ou encore Piet van Zyl à Bourgoin (Pro D2)… À noter d’ailleurs que Pieter-Jan van Lill, troisième ligne, rejoindra les rangs du Stade aurillacois à l’issue du mondial néo-zélandais. Décidément, Aurillac se positionne comme la terre d’accueil des troisièmes lignes namibiens après Burger et Nieuwenhuis ! Dans un pays où le football est roi et l’athlétisme son dauphin, le rugby fait ce qu’il peut. “Pour donner un jugement de valeur, il faut savoir que le budget du football en Namibie est de 10 millions de rands. Celui du rugby n’est que de 300 000 rands. Le rapport de force est donc inégal pour développer quoi que ce soit. Cela reste une décision politique d’investir dans un sport ou dans un autre”, poursuit J. Nieuwenhuis.

 

Première victoire ?

 

Pourtant, la Namibie participera à sa quatrième Coupe du monde de rugby avec la ferme intention de faire valoir ses valeurs. “Aujourd’hui, nous sommes assez performants dans nos lignes d’avants. C’est un peu plus délicat pour les lignes arrières car nous manquons de gabarits. Pour cette compétition, nous sommes réalistes, nous savons que nous ne battrons pas l’Afrique du Sud. Mais nous allons jouer notre rugby, notre meilleur rugby pour faire parler de nous.” Au-delà de la grande sœur sud-africaine, les Namibiens seront opposés au Pays de Galles, aux Fidji et aux Samoa. “Ce sera également compliqué contre les Gallois, et très dur face aux Samoans. Notre objectif est donc de battre des Fidjiens qui sont certainement plus performants à sept qu’à 15. Pour les autres nations, nous ferons de notre mieux en donnant le meilleur de nous-mêmes.” Justement, la Namibie donnera le coup d’envoi de son Mondial face aux Fidji le 10 septembre du côté de Rotorua. Pour Jacques Nieuwenhuis, ce sera la dernière aventure en équipe nationale. “Nous avons passé plusieurs mois ensemble et cela a forgé un groupe. Même si nous prenons 50 pions chaque match, nous ne lâcherons rien. Notre force, c’est d’avoir un gros physique mais aussi un gros mental.” Et il faudra bien tout cela pour accrocher enfin une première victoire en Coupe du monde.

 

La Russie à la découverte de l’ovalie

”Nous allons vivre une grande expérience. Nous allons rencontrer des grandes nations du rugby et donner ainsi la possibilité au monde entier de découvrir ce que nous sommes capables de faire. Autour de valeurs traditionnelles comme un gros physique et un gros mental, nous allons également montrer les progrès que nous avons faits techniquement.” Il ne faut lire aucune prétention dans les propos d’Andreï Ostrikov, futur deuxième ligne de Sale (Angleterre) et pensionnaire de la maison aurillacoise lors du dernier championnat. C’est juste le constat d’un groupe et d’un rugby qui commencent à donner des résultats.

 

Un sport anecdotique

 

“Chez nous, le rugby ne possède qu’une division professionnelle avec dix équipes, dont trois ou quatre sont vraiment au-dessus du lot. Cela fait cinq ans que le VVA Monino, près de Moscou, est champion de Russie. Le rugby est avant tout une affaire d’universitaires et n’a pas forcément le soutien médiatique qu’il devrait avoir.” Véritablement développé à partir des années 60, le rugby reste pourtant un sport anecdotique dans la grande Russie. “Cela reste confidentiel et les plus grosses affluences en championnat se limitent à 5 000 spectateurs, précise le seconde ligne. Pourtant, notre volonté est forte de vouloir progresser et certains d’entre nous n’ont pas hésité à tenter leur chance dans les championnats européens.” Ainsi, Vasily Artemiev, demi de mêlée, va également rejoindre le championnat anglais (Northampton), alors que Kyril Koulemine (Castres) ou encore Konstantin Rachkov (Marseille) évoluent encore en France.

 

“Pas le droit de te cacher”

 

À l’image de ses coéquipiers, A. Ostrikov a une grande soif d’apprendre et de progresser. “Avant, je faisais du volley, mais tous mes potes faisaient du rugby. Alors, à 16 ans, je suis allé avec eux. Cela m’a vraiment plu car je trouve que c’est un vrai sport d’hommes. Le contact, j’aime ça.” Repéré par Agen lors du Championnat du monde des moins de 19 ans en 2006 à Dubaï, Andreï y fait ses classes pendant trois ans, avant de rejoindre Aurillac en 2009. Approché par l’AS Montferrand à l’intersaison, le natif de Moscou poursuivra finalement sa soif d’apprendre et de travailler chez les Anglo-saxons. “Ce sera pour moi une nouvelle expérience afin d’affirmer mon rugby. Ce sport est un vrai plaisir avec une notion de peur qui ne me touche pas. J’ai appris à souffrir en France dans un championnat qui demande d’être à fond tout le temps. De toute façon, dans le rugby, tu ne peux pas tricher, tu n’as pas le droit de te cacher.” Et c’est justement dans cet état d’esprit que les Russes vont aborder cette Coupe du monde. “Aujourd’hui, il faudrait vraiment que d’autres joueurs viennent en France ou en Angleterre pour s’aguerrir. C’est le seul moyen de faire exploser ce sport chez nous où les gens le considèrent comme exotique. Mais l’autre possibilité, c’est bien sûr de faire un coup médiatique en Nouvelle-Zélande.” La Russie a donc l’opportunité de faire étalage de ses capacités dès le 15 septembre face aux Américains. “Pour nous, ce premier match est notre véritable objectif. Une victoire pourrait déclencher beaucoup de choses pour notre sport. Le reste ne serait que du bonus en matière d’expérience car nous avons encore beaucoup à apprendre.”

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