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La filière à foie gras du Sud-Ouest s’organise contre la grippe aviaire

Confrontée à la pénurie de canetons, la filière à foie gras redémarre difficilement, mais il y en aura bien en fin d’année. Dans le Sud-Ouest, le vide d’un mois synchronisé dans 68 communes devrait limiter la propagation du virus.

Cette année, la pénurie a fait « non-produire » au moins autant de canards que l’épizootie H5N1 en a tués ou conduits à euthanasier.
Cette année, la pénurie a fait « non-produire » au moins autant de canards que l’épizootie H5N1 en a tués ou conduits à euthanasier.
© C. Chabasse

Pour 79 % des Français, le foie gras reste un mets incontournable des fêtes de fin d’année. Ils en auront bien fin 2022, mais ce sera en quantité restreinte. Car les stocks sont au plus bas et la production redémarre difficilement. La faute à la pénurie nationale de canetons.

Après le Sud-Ouest touché fin 2021, l’influenza aviaire a frappé les Pays de la Loire au printemps 2022, là où se concentre 72 % de la production de canetons à engraisser. « 90 % des reproducteurs y ont été décimés. Le retour à une production normale de canetons n’est pas attendu avant le second semestre 2023, précise Marie-Pierre Pé, directrice générale de l’interprofession du foie gras (Cifog). Les accouveurs du Sud-Ouest approvisionnent leurs clients habituels à 60 % et répartissent le reste pour permettre à tous les éleveurs de continuer à produire un minimum. » Pour sa part, Éric Dumas, éleveur dans les Landes et président du Cifog, estime qu’il « va falloir repenser la répartition géographique de l’accouvage en déployant des fermes de ponte loin des zones à risque. »

15 millions de canards gras en 2022

Face à cette pénurie, les volumes de foie gras disponibles sur le marché seront en baisse de 30 à 35 % par rapport à 2021, faute de stocks tombés quasiment à zéro. En 2022, 15 millions de canards devraient être produits quand il en aurait fallu 22 millions pour satisfaire la demande. C’est aussi 43 % de moins que les 29,9 millions abattus en 2020, année considérée comme une référence. « Et encore, la production des canes va limiter cette baisse. Mais leur foie est plus veinuré, donc plutôt utilisé dans des préparations », complète Marie-Pierre Pé.

 

 
Cette année, la pénurie aura fait « non-produire » au moins autant de canards que l’épizootie H5N1 en a tués ou conduits à euthanasier.
Cette année, la pénurie aura fait « non-produire » au moins autant de canards que l’épizootie H5N1 en a tués ou conduits à euthanasier. © C. Chabasse

 

En outre, la filière fait face à une augmentation des coûts de production (+ 28,2 % au premier semestre 2022 par rapport à celui de 2020), le prix du caneton étant passé de 1,50 euro à 2,50 euros selon le Cifog.

Dans le Sud-Ouest, les vides sanitaires ont été allongés et les éleveurs anticipent une éventuelle mise à l’abri. Une baisse de densité a été instaurée dès la mi-août grâce à un accord étendu de l’interprofession. Thomas et Julien Marty, à Salespisse (64), élèvent 4 200 prêts à gaver au lieu de 6 300. « Nous avons réduit pour pouvoir les mettre à l’abri à tout moment dans notre bâtiment de 840 m2. »

Un vide sanitaire synchronisé en palmipèdes

La filière foie gras du Sud-Ouest regarde vers l’avenir et renforce encore les mesures de biosécurité. Ainsi, après la concertation entre tous les acteurs des filières volailles et palmipèdes, un vide sanitaire synchronisé des bâtiments d’élevage palmipèdes est programmé du 15 décembre au 15 janvier prochain dans 68 communes du Sud-Ouest, celles qui concentrent le plus d’élevages. Ce plan Adour constitue un test inédit pour limiter la propagation du virus. Cela représente 500 000 canards gras en moins sur la production annuelle et un manque à gagner de 12 millions d’euros pour la filière. Pour accompagner ce dispositif exceptionnel, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a annoncé à l’interprofession un accompagnement au vide sanitaire de 100 % (indemnité dite I2), au lieu de 50 % dans les autres zones réglementées, mais rien pour l’instant aux entreprises d’abattage et transformation.

Au niveau national, le Cifog salue le plan d’action de l’État et les 798 millions d’euros d’accompagnement mobilisés pour le secteur gras depuis le début de la crise. Mais, il demande également que les éleveurs installés en zone indemne (ZI), qui subissent eux aussi la pénurie de canetons soient indemnisés. L’interprofession envisagerait de rogner sur l’indemnisation I2 pour en reverser une partie aux éleveurs des zones indemnes. Tout comme devraient l’être les entreprises aval des ZI dont l’approvisionnement dépend des zones réglementées et qui n’auront pas de canards.

Le vaccin, un outil en plus

 

 
Le virus Influenza H5 du clade 2.3.3.4.B atteint toutes les espèces d'oiseaux et plus seulement le Sud-Ouest.»
Le virus Influenza H5 du clade 2.3.3.4.B atteint toutes les espèces d'oiseaux et plus seulement le Sud-Ouest.» © Adocom

 

François Landais, vétérinaire avicole, remarque que « le virus de l’influenza aviaire s’est adapté et ne touche plus seulement l’avifaune sauvage. Il atteint toutes les espèces et plus seulement le Sud-Ouest ». La piste vaccinale pour les palmipèdes, en cours d’expérimentation avec deux candidats vaccins, redonne un peu d’espoir aux éleveurs et à toute la filière. L’Anses devrait rendre son avis d’ici le début de l’année prochaine. Mais comme pour tout nouveau vaccin, il faudra du temps et François Landais tempère les attentes. « Le vaccin n’est pas la solution miracle, mais il viendra en plus des autres mesures pour diminuer la contagiosité. Toutes les mesures de biosécurité restent indispensables. »

(1) Indemnisation I3 durant 120 jours en zone réglementée, au titre de la pénurie de canetons.

Biosécurité accrue dans les abattoirs du Sud-ouest

La biosécurité des moyens de transport étant essentielle, des investissements conséquents ont été conduits dans les abattoirs depuis 2014.

 

 
Tous les camions entrant et sortant de l’abattoir de Came (64) traversent le rotoluve contenant une solution virucide.
Tous les camions entrant et sortant de l’abattoir de Came (64) traversent le rotoluve contenant une solution virucide. © C. Chabasse

 

« Depuis deux ans, tous les abattoirs du Sud-Ouest sont montés en compétence par rapport à la biosécurité. Nous avons échangé sur les bonnes pratiques et adopté les méthodes les plus efficaces. Les camions de transport sont soit dédiés aux canards prêts à gaver, soit à la livraison des animaux dans les abattoirs, avec des couleurs de portes différentes », explique Emmanuel Chardat, directeur stratégie et filière produits du terroir chez Labeyrie Fine Foods. « La décontamination des moyens de transport est essentielle et même cruciale. C’est un point déterminant pour la biosécurité en élevage et dans toute la filière », ajoute François Landais.

 

 
Après la livraison des canards à l'abattoir, chaque camion est nettoyé et désinfecté durant 20 minutes sur l’aire de lavage jouxtant le quai.
Après la livraison des canards à l'abattoir, chaque camion est nettoyé et désinfecté durant 20 minutes sur l’aire de lavage jouxtant le quai. © C. Chabasse

 

À Came, principal abattoir de Labeyrie Fine Foods, 16 millions d’euros ont été investis entre 2014 et 2019 pour la biosécurité. Et 400 000 euros sont prévus pour les laveuses en 2023. Ici la biosécurité débute dès l’entrée avec un rotoluve dans lequel passent tous les véhicules entrants ou sortants.

 

 
Avant de recharger les caisses propres, le véhicule nettoyé et désinfecté passe sous une arche pour une seconde désinfection.
Avant de recharger les caisses propres, le véhicule nettoyé et désinfecté passe sous une arche pour une seconde désinfection. © C. Chabasse

 

Dans l’usine de Came, les cages de transport sont prélavées, lavées entre 55 et 58 °C et désinfectées. Les camions de transport passent tous par la station de nettoyage complet après la livraison des canards gras. Avant de charger les caisses propres, ils passent sous une arche de désinfection. En période de crise, les surfaces extérieures sont également désinfectées tous les jours.

 

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