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Une réglementation pour les vins nature ?

Les représentants de la filière sont partagés sur le fait de définir et encadrer ce qu’est un vin nature. « Respect du consommateur », pour les uns. « Impossibilité de vérifier la conformité au cahier des charges », pour les autres. Le débat est loin d’être clos.

Faut-il légiférer sur les vins nature ? Telle est la question sur laquelle cogite la filière viticole, à la demande de l’Association des vins naturels (AVN). "En 2012, il y a eu de multiples contrôles de la DGCCRF auprès de cavistes, sur l’utilisation du mot nature ou naturel, accolé au mot vin, situe Sébastien Riffault, co-vice-président de l’AVN. Elle a dressé et envoyé des procès-verbaux aux vignerons. Nous l’avons donc contactée pour voir ce qu’il était possible de faire." Selon la législation européenne, il serait en effet interdit d’inscrire un qualificatif derrière le mot vin, en absence de certification. Exit donc "vin naturel". Mais paradoxalement, « à l’heure actuelle, la DGCCRF aurait bien du mal à interdire la mention " vinification naturelle " sur une étiquette, si le vigneron peut prouver qu’il n’a ajouté aucun intrant », pointe Éric Rosaz, responsable du pôle « vins, cidres et boissons spiritueuses » de l’Inao. Il y a donc bien, de fait, un flou juridique. Ce qui peut poser problème, d’autant plus que le terme nature est « un mot fort, valorisant, à très forte connotation auprès du consommateur », poursuit Éric Rosaz. Des opérateurs opportunistes pourraient se glisser dans la brèche et galvauder le terme. Mais de là à légiférer sur la question, il n’y a rien de sûr.

Un problème plus complexe que le seul sujet du soufre

Si certains acteurs de la filière n’ont pas d’avis sur la question – c’est le cas de la Confédération des coopératives vinicoles de France et des vignerons indépendants de France (VIF) – il n’en va pas de même pour tous leurs adhérents. « À titre personnel, je suis fermement opposé à la mise en place d’un cahier des charges, d’une définition et d’un terme », confirme Michel Issaly, des VIF et vigneron produisant des vins nature à Gaillac. Et pour cause. Il estime qu’avant de figer les choses dans le marbre, il faut d’abord « se parler et se comprendre sur le concept du vin naturel. Car le sujet est plus complexe que le seul problème du soufre ». Autre motif d’opposition : qui dit cahier des charges, dit vérification de conformité. « Or nous n’avons pas les moyens analytiques actuellement de contrôler qu’un vigneron n’a pas ajouté de levures du commerce ou n’a pas employé d’osmose inverse par exemple », illustre Michel Issaly. Il pense également qu’une majorité des vignerons produisant des vins nature tiennent à leur liberté. S’il y avait une législation sur le sujet, peu de temps s’écoulerait avant qu’ils ne créent un nouveau système à côté. Enfin, les vignerons concernés ont peur que de gros groupes se ré-approprient le concept, comme cela a été le cas sur le bio.

De son côté, l’Inao s’interroge sur la cohabitation entre l’AOC et les vins nature. « Le concept d’AOC fait référence au terroir, mais aussi à la main de l’homme, rappelle Éric Rosaz. Or la vinification naturelle implique l’absence d’intervention humaine. » Les deux termes seraient-ils donc antinomiques ? « Pas du tout, indique Richard Doughty, président de France vin bio. Une grappe de raisin sur le cep devient naturellement de l’eau et du CO2. Il faut l’intervention de l’homme pour la transformer en vin, ne serait-ce que par la vendange, le pressurage, le conditionnement. Il n’y a donc pas d’opposition entre un vin nature et l’AOC. » Sans surprise, France vin bio milite donc pour un encadrement de la terminologie. « La notion est tellement usitée qu’il serait bien qu’il existe une vraie définition, afin que le consommateur sache ce qui se cache derrière », explique Richard Doughty, président de France vin bio. Un point de vue partagé par l’AVN, qui souhaite "délivrer un message clair au consommateur, être transparent", plaide Sébastien Riffault. Richard Doughty est favorable à une charte publique, si possible européenne, comme en bio, afin que tous les clients, quelle que soit leur nationalité, sachent à quoi s’en tenir. Mais l’AVN réfléchit plutôt à déposer une marque privée ou une certification (sous le nom "AVN"), et à avoir recours à un organisme extérieur de certification. "Un peu comme Demeter", illustre Sébastien Riffault. Une fois que cette marque serait devenue une référence, l’association demanderait la reconnaissance du terme "vin naturel".

Cahier des charges, entre restriction et souplesse

Mais cette dénomination ne fait pas l’unanimité. « Je suis convaincu que ni la répression des fraudes, ni le ministère, ni l’Union Européenne n’accepteront le mot « nature ou naturel », avance Michel Issaly. Car à partir du moment où une levure consomme du sucre, il s’agit d’un procédé naturel. » L’exploitant pencherait plutôt pour « vin authentique ». D’autres vignerons nature seraient favorables au terme « vin pur ». Du côté de France vin bio, Richard Doughty est tenté par la notion de « vin sans additif ». Quant à l’Inao, il évoque plutôt la terminologie « vinification naturelle ».

Dernier point d’achoppement : le contenu du cahier des charges. L’AVN est favorable à la mise en place d’une charte bannissant tout intrant œnologique. Michel Issaly estime pour sa part que ce serait trop restrictif, car « certaines années, mieux vaut mettre un peu de soufre que d’avoir des éthyls-phénols », juge-t-il. Quant à Richard Doughty, il n’a pas d’avis sur le sujet, mais il prévient que « la tentation est de mettre en place une réglementation très restrictive. Tellement restrictive qu’il n’y aura plus d’adhérents. Il faut donc faire attention. Les vins nature sont un domaine intéressant, il ne faudrait pas le tuer avec une législation impossible. » En revanche, tous sont d’avis qu’un vin nature ne peut qu’être élaboré à partir de raisins issus de la viticulture biologique ou biodynamique, de préférence avec certification. Un premier point de convergence sur lequel bâtir la position de la filière ?

Ré-ouverture du débat sur les agréments

C’est l’autre pendant du sujet. La plupart des vins nature sont exclus lors des dégustations d’agrément des AOC, ou s’excluent eux-mêmes. « Nous en sommes pour la plupart malheureux, témoigne Michel Issaly. Nous nous sentons éjectés, alors même que le respect et l’expression du terroir sont au cœur de notre travail. Nous ressentons cela comme une injustice. » Comment dès lors faut-il déguster ces vins ? Faut-il les agréer ? C’est un chantier que vient d’ouvrir l’Inao. « Nous avons réactivé un groupe sur les examens organoleptiques il y a quelques mois, confirme Éric Rosaz. Il se penchera également sur cet aspect. » Certaines régions, à l’instar des coteaux d’Ancenis, planchent déjà sur le sujet. Pierre-Yves Huguet, le président de l’ODG, a mis en place début janvier, une formation aux vins nature, pour les dégustateurs de l’agrément. « Le but était de les sensibiliser au fait que ce n’est pas parce que l’on perçoit un caractère (oxydation, réduction, présence de gaz carbonique), que c’est un défaut. » L’objectif : pouvoir agréer des vins nature ou bios.

avis de consommateurs

« Le besoin de cahier des charges est une évidence »

« Je suis plutôt consommateur de vins bios et biodynamiques mais les vins nature, ça me parle. J’associe ça à des vins les plus naturels possible, sans pesticides. La question du soufre est plus délicate. Ces vins sont-ils vraiment sans sulfites ? Je pense qu’il y en a toujours un peu, on peut difficilement faire sans. D’après moi, le besoin de cahier des charges est une évidence. J’espère vraiment que les vignerons vont y arriver. On s’y retrouverait mieux et au moins, on saurait à quoi s’attendre, ce serait plus clair pour nous, les consommateurs. Et en plus de cela, les producteurs seraient tous sur la même démarche. Même si le travail est plus difficile pour eux et qu’ils sont soumis à davantage d’aléas. »

((((Farge))))

« L’occasion pour les grands groupes de s’emparer de l’idée »

« Le terme de vin nature m’évoque quelque chose de positif, mais pas forcément très précis. Je me demande surtout qu’est ce qu’un vin pas naturel ? Pour acheter ce type de produit, il me faut un peu plus d’informations, savoir ce qu’il y a derrière la bouteille. L’accompagnement par le caviste est déterminant et au final, le label n’est pas si important. Ce serait surtout l’occasion pour les grands groupes et les enseignes de grande distribution de s’emparer de l’idée, comme pour le bio. Et si le cahier des charges est trop restrictif, certains vignerons risquent de ne plus s’y retrouver. Il faudrait que les producteurs de vins nature puissent se réunir pour établir un consensus, sans se laisser écraser par les grosses structures. Mais à mon sens, il vaudrait mieux inverser les choses et étiqueter le négatif plutôt que de demander aux gens qui travaillent bien de payer pour faire leurs preuves. »

((((Guigue))))

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