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Une levure œnologique de bioprotection contre les Brettanomyces

Lallemand et l’université de Stellenbosch, située en Afrique du Sud, ont sélectionné une levure « Suhomyces pyralidae » qui décime les souches de « Brettanomyces ». Ne supportant pas l’éthanol, elle s’emploie en préfermentaire.

<em class="placeholder">Vigneron ajoutant des levures ensemencees quelques jours plus tot a la recolte de l annee. Ensemencement des levures pour la vignification des vins effervescents de Champagne.</em>
La Level2 Salva de Lallemand est une levure de bioprotection visant à protéger le raisin et/ou moût contre les « Brettanomyces ».
© Réussir

Enfin du nouveau dans la lutte antibretts ! Lallemand vient de lancer une levure de bioprotection contre les Brettanomyces, Level2 Salva, qui sera commercialisée par l’IOC et l’ICV pour les vendanges 2025. Il s’agit d’une souche d’une non-Saccharomyces peu connue : une Suhomyces pyralidae, sélectionnée en partenariat avec l’université de Stellenbosch (South African Grape and Wine Research Institute). « Lorsqu’on l’introduit dans un milieu, elle produit un facteur d’inhibition des Brettanomyces ; il s’agit d’une toxine Cpkt1 (ou Spkt1), détaille Anthony Silvano, responsable produits levures œnologiques chez Lallemand. Cette dernière a une action contre les parois cellulaires des Brettanomyces, elle attaque des sites spécifiques des membranes des cellules, ce qui conduit à la mort de la levure. »

Pas d’impact sur les autres micro-organismes

Lors de ses essais en laboratoire, en microvinification et en cave, Lallemand a vérifié l’innocuité de cette levure vis-à-vis des différentes souches de Saccharomyces et de bactéries employées au chai. « Elle est compatible avec toutes ces souches, ainsi qu’avec d’autres non-Saccharomyces habituellement utilisées en bioprotection, comme des Metschnikowia, assure Anthony Silvano. Les membranes des Brettanomyces sont très particulières, et la toxine doit viser un composé très spécifique de brett. »

Marie-Laurence Porte, œnologue consultante à l’Enosens de Cadillac, en Gironde, confirme la bonne compatibilité de la Level2 Salva avec les LSA et les bactéries lactiques du commerce. « J’ai effectué des essais dans deux chais lors de la vendange 2024, et je n’ai eu aucun problème », témoigne-t-elle. À chaque fois, elle a mis en place trois modalités : une témoin avec sulfitage à 5 g/hl et ensemencement avec une Saccharomyces, une avec ajout de Metschnikowia (25 g/hl) à l’encuvage, 4 jours de macération préfermentaire à 25 °C dans le chai numéro 1 et 1 jour dans le chai numéro 2, puis ensemencement avec la même Saccharomyces que le témoin et une en remplaçant la Metschnikowia par la Level2 Salva (25 g/hl).

Une levure qui diminue les populations d’Hanseniaspora

En post FA, les trois modalités ont été écoulées et inoculées avec une Lactobacillus plantarum. Marie-Laurence Porte n’a constaté aucune différence de vitesse de fermentation ou d’implantation des micro-organismes entre les trois modalités. Et surtout, PCR et analyses de phénols volatils à l’appui, elle confirme l’effet de la Level2 Salva sur les bretts. « J’ai été agréablement surprise, c’est très efficace », se réjouit-elle. Dans les deux chais, le témoin a été contaminé par des bretts alors que la modalité Salva en a été totalement exempte. La modalité Metschnikowia s’est située entre les deux, avec un peu de bretts mais des phénols en dessous des seuils de perception. La Salva a également fait diminuer les taux d’Hanseniaspora de 70 à 80 %, mais moins que la Metschnikowia qui les a pratiquement toutes éradiquées.

Lallemand s’est également penché sur l’impact aromatique de Level2 Salva. « Nous n’avons pas relevé de métabolites aromatiques développés par cette levure », poursuit Anthony Silvano. De son côté, Marie-Laurence Porte a constaté un profil « plus fruité, rond et sucré » sur les modalités Salva. Pour Lallemand, cela s’explique par le fait que les vins traités ont une meilleure expression de la typicité, un fruité plus franc, du fait de l’absence de masquage aromatique par brett. À cela s’ajoutent des niveaux de volatile moindres, du fait de l’absence des levures de contamination. La Level2 Salva ne produit pas non plus de composés indésirables (acidité volatile, défauts soufrés ou autres).

Une utilisation sur tous types de matrices dont le bio et le blanc

La Level2 Salva est très sensible à l’éthanol (moins de 3 % vol.), qui l’inhibe et la désactive, ainsi qu’au SO2 dont elle tolère au maximum 40 mg/l de total. Elle s’emploie sur blancs comme sur rouges ou rosés, en bioprotection en préfermentaire, que ce soit directement sur raisins, au conquêt, dans le fouloir, à l’encuvage, sur moût ou encore avant une macération préfermentaire à froid, à la faible dose de 5 g/hl, « ce qui explique aussi son faible impact aromatique », relève Sandra Escot, chef de marché chez Lallemand.

Level2 Salva peut être utilisée en bio et en biodynamie. Elle se réhydrate à une température plus basse qu’une Saccharomyces classique, à savoir 20 à 30 °C et est ensuite stable durant 9 heures. « Ce qui fait qu’on peut préparer le levain pour toute la journée et aller le pulvériser sur les grappes », souligne Marion Bastien, support technique œnologie chez Lallemand. Marie-Laurence Porte s’interroge sur ses besoins en azote. Dans ses essais, elle a à chaque fois apporté 250 mg/l d’azote assimilable pour assurer le coup. Ce qui n’est pas nécessaire selon Lallemand car « elle consomme très peu d’azote et de sucres », assure Marion Bastien.

La levure arrive à s’implanter à partir de 8 °C, « ce qui est intéressant dans le cas d’une macération à froid », argue Marion Bastien. En revanche, comme elle meurt dès que le taux d’alcool monte un peu, elle ne peut pas être une solution de prévention des brett lors de la malo ou de l’élevage. « Les précautions et bonnes pratiques habituelles s’appliquent », confirme Anthony Silvano. Marie-Laurence Porte note néanmoins une bonne rémanence du produit, qui pourrait être intéressante « car de plus en plus de bretts sont résistantes au chitosan », témoigne-t-elle. Lors des vendanges 2025, elle compte tester la Salva en biosanitation, afin de vérifier si elle peut avoir un effet en nettoyage des contenants.

Si cette levure vient à bout des Brettanomyces cultivables, s’attaque-t-elle aussi aux VNC (viables non cultivables) et aux biofilms ? « C’est en cours d’étude », indique Anthony Silvano. En tout cas, elle éradique aussi bien les souches lambda de bretts que les résistantes au SO2, ce qui est déjà un bon début ! Et du fait notamment de sa faible dose d’emploi, cette levure se situe dans la même gamme de prix que les levures de bioprotection classiques, voire même moins cher.

repères

Level2 Salva, de Lallemand

Type de levure : Suhomyces pyralidae

Mode d’emploi : bioprotection préfermentaire

Dose : à partir de 5 g/hl

Ensemencement : à ajouter le plus tôt possible, de la récolte au remplissage des cuves, après réhydratation dans 10 fois son poids d’eau, à une température comprise entre 20 et 30 °C

Attention : la différence de température entre les raisins ou le moût et la suspension de levures réhydratées ne doit pas excéder 10 °C

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