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Un plan de sortie de crise se dessine pour la filière vin

Face à la crise qui s’est installée dans le secteur du vin, l’heure est à la recherche de solutions conjoncturelles mais aussi structurelles. Un plan prend forme mais qui nécessite encore beaucoup de réglages.

Une enveloppe de 160 millions d'euros répartie par moitié avant et après octobre 2023 est prévue pour distiller des stocks de vin excédentaires. La filière espère 40 millions d'euros supplémentaires.
Une enveloppe de 160 millions d'euros répartie par moitié avant et après octobre 2023 est prévue pour distiller des stocks de vin excédentaires. La filière espère 40 millions d'euros supplémentaires.
© P. Cronenberger

« Permacrisis », c’est ainsi que les analystes qualifient la situation à laquelle fait face l’économie mondiale depuis l’arrivée du Covid-19. Le terme s’applique également à la filière vin. Entre la taxe Trump, les effets de la crise sanitaire, les aléas climatiques et la flambée des coûts, il n’y a guère de répit. L’urgence concerne les stocks accumulés dans les chais et les tensions sur la trésorerie.

Les représentants de la filière plaident depuis plusieurs mois pour une aide au stockage privé, à la distillation, à l’arrachage ou encore pour un étalement des prêts garantis par l’État (PGE). Lors d’une séance de questions au gouvernement, le 25 janvier, au Sénat, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a reconnu la situation comme étant « grave ».

Les représentants de la filière attendaient donc impatiemment la réunion prévue le 6 février dernier au ministère de l’Agriculture. « Il y a une vraie volonté du ministre d’avancer », a estimé Gérard Bancillon, président de VinIGP à l’issue de la rencontre. « Avec satisfaction, nous avons constaté que le ministre s’était engagé sur les solutions que nous proposons », a confirmé Jean-Marie Fabre, président des Vignerons indépendants. Mais il va falloir encore plusieurs semaines ou mois pour une concrétisation. Jérôme Despey, président du conseil spécialisé Vin de FranceAgriMer, évoque « un plan de crise à affiner et à préciser car des mesures vont nécessiter des arbitrages au niveau européen ».

Une « task force » pour faciliter le rééchelonnement des PGE

Jusque-là le ministère de l’Économie et des Finances opposait une fin de non-recevoir aux demandes d’étalement du remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) de six à dix ans, formulées notamment par les Vignerons indépendants. « La porte s’est entrouverte », positive Jean-Marie Fabre. Il constate la prise en compte du besoin d’accompagnement des entreprises viticoles prises en tenaille par la baisse des recettes et la hausse des coûts.

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« On a besoin d’être oxygénés aujourd’hui pour pouvoir continuer à contribuer à l’économie française », alerte-t-il.

« Nous avons rappelé que sur 1,7 milliard d’euros de PGE en agriculture, la filière viticole représente 1,4 milliard d’euros », martèle Jérôme Despey. Mais accorder une prolongation au seul secteur viticole est inconcevable pour Bercy. Il est prévu d’adapter l’accès à la médiation du crédit aux entreprises pour faciliter le rééchelonnement des PGE par la mise en place d’une « task force ministérielle ». Elle serait placée au sein du ministère de l’Agriculture. Il s’agit selon un communiqué du ministère « d’accompagner les agriculteurs et les orienter vers les solutions les plus adaptées à leur situation ». La piste de prêts bonifiés à taux zéro a aussi été évoquée et est en train d’être étudiée.

« Il faut passer à l’opérationnel », presse Jean-Marie Fabre en espérant « des annonces claires » avant le salon de l’Agriculture au plus tard.

Une campagne de distillation envisagée dès le printemps

Parmi les outils abordés avec le ministre, celui de la distillation semble le plus avancé. Il a été budgété. Pour cette mesure, Marc Fesneau propose un financement étalé sur deux exercices du Feaga (chaque exercice débute mi-octobre), à raison de 80 millions d’euros pour chacun, donc pour un total de 160 millions d’euros.

La première salve serait lancée au printemps, et la seconde après le 15 octobre 2023. Le financement proviendrait à parts égales de l’État et de crédits non consommés sur l’OCM vitivinicole, donc sans amputer le montant des appels à projets actuellement lancés. « Juridiquement les choses sont possibles, les financements sont là, il n’y a pas de blocage annoncé au niveau européen », se satisfait Stéphane Héraud, président de l’Association générale de la production viticole (AGPV).

Mais pour quel volume ? Jérôme Despey évoque l’objectif de 2,5 millions d’hectolitres pour un budget qu’il estime devoir être plutôt à 200 millions d’euros. « C’est ce que nous devons obtenir, sur ce point on ne lâchera pas », annonce-t-il. Pour rappel, la précédente campagne de distillation intervenue dans le cadre de la crise sanitaire avait atteint 2,6 millions d’hectolitres pour un budget de 211 millions d’euros.

La filière compte donc sur le ministre pour porter la demande d’une mobilisation du Fonds d’urgence européen à hauteur de 40 millions d’euros. « On est loin du compte », regrette Gérard Bancillon qui plaidait pour un volume de 3 millions d’hectolitres et une enveloppe de 240 millions d’euros. Une somme qui semble hors d’atteinte. Jérôme Despey précise que le Fonds d’urgence européen représente 450 millions d’euros par an à l’échelle de l’Union européenne et que la France peut compter sur 70 millions d’euros mais pour tous ses secteurs agricoles confondus. Il lui semble donc déraisonnable d’espérer obtenir plus de 40 millions d’euros. Quant à la répartition en volume et aux prix selon les catégories (AOP, IGP, vins sans IG), cela reste à ce jour à travailler.

Des solutions à finaliser pour l’arrachage

Le vignoble bordelais planche sur des solutions de financement de l’arrachage depuis déjà plusieurs mois. Ce sont celles qui ont été examinées lors de la réunion au ministère. Le ministre veut que les dispositifs étudiés puissent être mobilisables dans tous vignobles.

Le premier levier serait une mobilisation du Feader (donc au niveau régional) autour de projets de diversification agricole avec un cofinancement de l’État, dans le cadre du deuxième pilier de la PAC. Il implique une perte de l’autorisation de plantation. La région Nouvelle-Aquitaine et la préfète de Gironde se concertent sur le sujet. Une réunion a eu lieu le 9 février. « Une enveloppe et des opérations vont être proposées », rapporte Stéphane Héraud.

Le second levier est celui d’un recours au Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE) dans le cadre d’un programme interprofessionnel de prévention contre le développement de la flavescence dorée. Seraient concernées toutes les parcelles dont l’abandon serait source de risque potentiel de propagation de la flavescence dorée.

« Actuellement, ce fonds fait l’objet d’un financement national. Il faut donc amender ce qui existe et le régionaliser. Il pourrait être cofinancé par la région, l’interprofession, le département », projette Stéphane Héraud. C’est aujourd’hui la FNSEA qui pilote le FMSE. Il faut aussi mettre sur pied le programme lui-même, une fois le cadre de financement établi. Reste que des solutions considérées initialement comme « hors de portée, vont devenir une réalité », encourage Jean-Marie Fabre.

Combien d’hectares seraient concernés dans le vignoble bordelais ? Si une estimation de 15 000 hectares circule, Stéphane Héraud souligne qu’il n’y a pas à ce jour de chiffrage précis des surfaces.

Et après ? Lors des questions au gouvernement au Sénat, le 26 janvier dernier, le ministre avait évoqué un autre chantier, « la capacité de la filière à s’ouvrir des perspectives à l’export ». Un point majeur pour l’avenir de la filière face à l’évolution de la consommation nationale, toujours orientée à la baisse et stigmatisée par les campagnes de Santé publique France. Une réflexion stratégique est lancée sous l’égide du Cniv qui devrait aboutir en juin 2023. Selon Jérôme Despey, elle se penchera aussi sur l’adéquation de l’offre et de la demande et sur la façon de travailler la segmentation entre AOP, IGP et vin de France. Autant de réflexions urgentissimes pour (re) conquérir des consommateurs.

Des pistes en suspens

- Un troisième outil concernant l’arrachage est à l’étude, celui de l’arrachage temporaire. « On pourrait bloquer les autorisations pendant cinq ans puis décider de replanter ou de transférer à un jeune viticulteur », décrit Jérôme Despey. Mais ce n’est réglementairement pas possible aujourd’hui. « Il faudrait un acte délégué », explique-t-il, donc une négociation au niveau européen. Le ministre de l’Agriculture a demandé à la filière de continuer à travailler sur ce point.

- Également avancé comme solution face aux problèmes de vente, le stockage privé est pour l’instant hors jeu. Pour Jérôme Despey, ce qui bloque c’est « qu’il n’existe pas de base réglementaire aujourd’hui ».

L’industrie du vin entre pessimisme et réactivité

Pour le Business report 2022 du salon Prowein, l’université de Geisenheim (Allemagne) a interrogé 2 455 personnes de la filière vin, en novembre 2022, sur leur vision de la crise.

Pour les douze prochains mois, les producteurs allemands et français figurent parmi les plus pessimistes sur l’appréciation de la situation économique de leur entreprise, les Italiens et Espagnols l’étant un peu moins.

La hausse des coûts (énergie, verre, papier…) est citée par 85 % des professionnels interrogés comme la plus grande menace et le plus grand défi pour leur entreprise, devant la rupture de la chaîne d’approvisionnement (66 %) et la récession économique générale (55 %). Cité par 40 %, le changement climatique arrive au quatrième rang devant la guerre du commerce mondial (39 %).

Pour réagir face à la crise, 60 % disent essayer de réduire les coûts, 57 % recherchent des nouveaux marchés export, 46 % adaptent leurs gammes aux tendances du marché tandis que 36 % stoppent ou réduisent leurs investissements et 31 % se concentrent sur les marchés locaux.

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