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Tirer profit de l’hétérogénéité intraparcellaire

De nombreux outils permettent à présent de déceler toute hétérogénéité au sein d’une même parcelle. Certains vignerons s’en servent de la vigne au chai, pour élaborer des cuvées distinctes. Le point en trois exemples.

« Davantage d’extraction sur les zones peu vigoureuses »

« Nous avons décidé d’utiliser les technologies de précision de la vigne au chai. Et ce, sur des parcelles qui donnaient un vin vert, malgré une surmaturité. Nous nous sommes basés sur des analyses de sol (une partie était sableuse et l’autre constituée d’argiles salées) et des cartes de vigueur, afin de distinguer deux zones dans chaque parcelle : celle de faible vigueur, et celle de forte vigueur. Nous conduisons chaque zone différemment. Ainsi, dans la même rangée, on peut ainsi trouver un enherbement à base de légumineuses (zone de faible vigueur) ou de céréales (zone de forte vigueur). Depuis que nous travaillons ainsi, nous avons noté une nette amélioration de la structure de sols.

Par ailleurs, nous avons fait développer des outils spécifiques. Notre épandeur avance plus ou moins vite selon les zones, permettant une fertilisation différenciée. Cela nous a permis de diminuer de 35 % le coût des épandages, mais aussi de limiter les problèmes de botrytis et les déficiences en potassium. Nous avons un meilleur contrôle de l’azote.

De même, lors des traitements, nous employons un pulvérisateur récupérateur capable de traiter simultanément avec deux produits distincts ou à différente concentration. Grâce à cela, nous avons également diminué notre poste de dépenses « phytosanitaires ». L’effeuillage est lui aussi modulé en fonction de la vigueur. Les zones de faible vigueur ne sont pas effeuillées afin d’éviter toute perte d’anthocyanes, tandis que celles de forte vigueur le sont deux fois : l’une lors de la floraison afin de limiter le nombre de grappes, et l’autre de manière plus tardive pour limiter le botrytis. Cette année, nous avons également adapté la taille, tant au niveau du mode de conduite (gobelet ou cordon) que du nombre d’yeux.

À l’issue de la campagne, les deux lots sont récoltés séparément, et vinifiés à part. Les baies provenant de zones de forte vigueur suivent de courtes macérations et des fermentations à basse température. Nous pratiquons de l’extraction et employons soit du vieux bois, soit des copeaux. Cette fraction n’est pas destinée à un long vieillissement. À l’inverse, les baies provenant des zones peu vigoureuses subissent une longue macération et vieillissent plus longtemps sous bois neuf. »

« Remonter le niveau des hauts de gamme »

« Nous travaillons sur l’hétérogénéité intraparcellaire depuis 2013, afin de remonter le niveau de nos haut de gamme. Cette démarche est partie du fait que nous avons des vignes en coteaux où nous constations des pousses de la vigne très différentes, entre le haut et le bas des parcelles. Cette hétérogénéité se voyait déjà à l’œil nu, mais elle était difficile à cartographier précisément. On se rendait compte avant vendanges qu’il y avait de grosses disparités de maturité.

En 2013, nous avons donc fait appel à Telespazio et Earthlab. Ils ont cartographié l’ensemble de nos 1 830 hectares, à l’aide du NDVI. Depuis, un vol est réalisé chaque année, en août. Grâce à ces cartes, nous avons adapté deux opérations au domaine de Gueyze : la fertilisation et la récolte.
En 2014, nous avons commencé par travailler sur les modulations de dose d’amendements, pour homogénéiser les parcelles. Nous avons défini trois zones de vigueur, car au-delà, cela devient vraiment compliqué. Les doses étaient, et sont toujours, de 0 %, 50 % ou 100 %. Pour les épandre, nous avions testé un système de régulation avec New Holland. C’est un outil superbe, qui procure une grande précision d’apport et un confort de conduite, mais il a un coût. Depuis, nous régulons la dose à la conduite : le chauffeur roule plus ou moins vite, le débit étant proportionnel à l’avancement. Pour le moment, nous ne voyons pas encore l’impact de cette fertilisation différenciée. Et ce d’autant plus que pour rééquilibrer les sols, il faudrait que nous puissions jouer sur des apports hydriques, car la capacité des sols à retenir l’eau varie énormément. Or l’irrigation est interdite.

Comme nous n’arrivons donc pas à homogénéiser à 100 % les parcelles, nous réalisons des vendanges différenciées sur deux zones. Nous travaillons avec la machine à vendanger Œnocontrol de New Holland. Elle est implémentée de la carte de vigueur et se repère par GPS. Elle sait donc sur quelle zone elle se trouve. En fonction, elle dirige les baies vers la trémie de gauche ou de droite. Au bout du rang, nous avions deux bennes à vendange, l’une pour la benne contenant les raisins de la zone de faible vigueur, l’autre contentant ceux des zones de forte et moyenne vigueur. Les lots sont vraiment très différents : le premier est plus structuré et gras, tandis que le second est davantage dilué et végétal. Ces deux lots sont ensuite vinifiés séparément, le haut de gamme ayant des macérations plus longues et des extractions plus poussées. Cette année, nous comptons aller plus loin, et commencer à tester des traitements différenciés. »

« Sélection des zones les moins stressées pour le rosé »

« J’avais déjà travaillé, sans outils, sur l’hétérogénéité intraparcellaire avec un stagiaire, il y a une dizaine d’années de cela. Nous réalisions des relevés sur Excel. Pour ce faire, nous notions le développement végétatif, selon l’arrivée aux fils : 1 pour les premiers, 2 pour les suivants et 3 pour les derniers. Avec une formule, cela transformait les zones en couleurs. Cela donnait un support visuel pour discuter. Car nous avons des parcelles de 11 hectares, avec deux porte-greffes distincts, quatre clones, trois types de sols. Nous notions donc une grande hétérogénéité de développement. Notamment entre les bas de coteaux alluvionnaires et les hauts de coteaux, composés de reprises de garrigue caillouteuse.

Pour aller plus loin sur le sujet, depuis quatre ans, nous travaillons avec Fruition Science et l’avion jaune. C’est une prestation plus rapide et moins chère que les relevés visuels. En une heure de vol, on réalise le travail de deux matinées avec quatre stagiaires. Le vol est effectué tous les ans, au mois de juillet et nous donne des cartes de NDVI pour toutes nos parcelles.

Ces cartes me servent de support pour plusieurs travaux, comme l’échantillonnage des prélèvements pétiolaires, pour une fertilisation localisée. Par exemple, j’ai une parcelle de grenache de quatre hectares, composée de deux clones et de deux porte-greffes. Elle est divisée en onze secteurs de NDVI. Je réalise donc une analyse pétiolaire pour chacune de ces onze zones. Et on adapte la fertilisation en fonction : on met des repères visuels sur les piquets pour savoir où amender ou non. Cela nous permet également de suivre l’impact d’essais d’amendement organique. Durant trois ans, sur une parcelle de marselan implantée sur un sol argilo-calcaire avec une pierrosité supérieure à 70 % et une réserve utile de 45, nous avons testé l’apport de compost de déchets verts à 20 tonnes par hectare, de minéral en bouchon et d’organo-minéral à 800 kilos par hectare. En comparant la photo NDVI avant l’essai, et celle après les trois ans, nous voyons que le compost de déchets verts a permis la meilleure homogénéisation et le meilleur développement végétatif. Nous procédons également ainsi pour le pilotage de l’irrigation.

L’effeuillage est aussi adapté en fonction de la vigueur végétative. Et nous réalisons davantage de contrôles visuels (pour les vers et le botrytis) dans les zones les plus végétatives.

Enfin, ces cartes servent à l’échantillonnage des contrôles maturité. Nous prélevons des baies dans chacune des zones, puis faisons un ratio pour voir laquelle est la plus importante en superficie. Nous ne récoltons pas chaque zone séparément, nous nous servons plutôt du NDVI pour choisir la date de vendanges. Avant, nous ne réalisions pas de rosé. Mais les cartes nous permettent de sélectionner les zones les moins stressées, pour réaliser un rosé de saignée. Et d’affecter les parcelles les plus homogènes à la production de nos cuvées haut de gamme. Enfin, les baies issues de zones peu stressées seront davantage macérées et pigées que celles issues des zones stressées hydriquement. »

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