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Pourquoi l’enquête sur l’agrivoltaïsme de Radio France fait débat ?

La cellule investigation de Radio France a diffusé, le 4 janvier 2025, une enquête dédiée à l’agrivoltaïsme. Certains professionnels du secteur regrettent une « vision partielle » de l’activité, et l’absence d’informations relatives à son cadre juridique. Décryptage.

Parcelle grandes cultures en agrivoltaïsme avce des panneaux solaires
En réponse à une enquête de la cellule investigation de Radio France sur l’agrivoltaïsme diffusée le 4 janvier sur France inter, la FFPA regrette une « vision partisane de l’agrivoltaïsme qui ne favorise pas le pluralisme d’idées, d’opinions et de réalités de terrain ».
© H. Challier

[Mis à jour le 14/01/2025 avec les commentaires de Olivier Dauger, co-président de France Agrivoltaïsme]

« La FFPA souhaite exprimer sa profonde consternation quant à une succession de reportages donnant une vision partielle et tronquée de l’#agrivoltaïsme », dénonce la Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA) le 6 janvier sur LinkedIn. En réponse à une enquête de la cellule investigation de Radio France sur l’agrivoltaïsme diffusée le 4 janvier sur France Inter, la FFPA regrette une « vision partisane de l’agrivoltaïsme qui ne favorise pas le pluralisme d’idées, d’opinions et de réalités de terrain ». Exigeant un « droit de réponse » aux rédactions de Radio France, la FFPA rappelle son souhait de construire un « agrovoltaïsme vertueux » au sein d’un « cadre légal strict ». 

« On sait très bien qu'un projet d'agrivoltaïsme, c'est entre 2 000 et 3 000 euros l'hectare »

Olivier Dauger, coprésident de France Agrivoltaïsme et administrateur de la FNSEA en charge des dossiers énergie, regrette de son côté une enquête « à charge » contre l'agrivoltaïsme, avec des attaques « maladroites » envers des entreprises comme Sun'Agri. 

Contacté par Réussir.fr, Olivier Dauger reconnaît un « effet d'aubaine » autour de l'activité avant l'arrivée de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (APER) du 10 mars 2023 : « Avant la loi, un certain nombre d'entreprises [...] ont fait signer à des agriculteurs des promesses de bail à des prix défiants toute concurrence, entre 5 000 et 10 000 euros l'hectare. Alors qu'on sait très bien qu'un projet d'agrivoltaïsme, c'est entre 2 000 et 3 000 euros l'hectare. » Si la plupart de ces projets « ne verront donc jamais le jour », ceux qui passent échappent à la loi APER non rétroactive et « donnent une mauvaise image » de l'agrivoltaïsme, déplore le coprésident de France Agrivoltaïsme. Ce dernier appelle donc à s'assurer de l'application de la loi en réalisant tôt les contrôles dans les futurs sites, « pour bien montrer qu'il y a des radars ». 

Lire aussi : Agrivoltaïsme : quel intérêt pour les agriculteurs ?

Quels sont les oublis législatifs de l’enquête ? 

Si dans le récent cadre juridique des zones d’ombres demeurent comme les taux de couverture des panneaux sur les installations agrivoltaïques, l’enquête de Secret d’info omet l’existence de gardes-fou législatifs auxquels est soumis l’agrivoltaïsme, selon Benoît Grimonprez. Sur LinkedIn, ce spécialiste en droit rural relève l’absence dans l’enquête de conditions inscrites dans la loi APER, et dans le récent décret fixant le cadre pour le développement de l’agrivoltaïsme du 8 avril 2024.

Selon la loi, pour être considérés comme installation agrivoltaïque, les panneaux solaires doivent apporter directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants :

  • L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomique
  • L’adaptation au changement climatique
  • La protection contre les aléas
  • L’amélioration du bien-être animal

Sur les questions du revenu, le décret précise que le revenu issu de la production agricole doit rester au moins égal à la moyenne de ces revenus avant l’installation des panneaux.

Lire aussi : Agrivoltaïsme : le décret enfin publié, que dit-il ?

1 millions d’hectares en agrivoltaïsme, vraiment ? 

Benoît Grimonprez regrette aussi certaines contradictions, comme lorsque l’enquête avance le chiffre d’un million d’hectares en agrivoltaïsme, qui « laisse entendre d'abord qu'il y aura trop de projets, puis finalement pas tant que ça ». En avril 2024, Agnès Pannier-Runacher, alors ministre déléguée à l’Agriculture, avait pourtant assuré que « l’agrivoltaïque représentera moins de 1% de la surface agricole utile à l’horizon 2030 ».

Pour Olivier Dauger, l'estimation d'un million d'hectares pouvait être réaliste avant l'arrivée de la loi. Aujourd'hui, l'effet d'aubaine est retombé, et le coprésident de France Agrivoltaïsme trouve « dommage » d'utiliser ce chiffre afin de « donner l'impression que c'est un mauvais système ». Surtout qu'à terme, la surface agricole utile attribuée à l'agrivoltaïsme serait plutôt proche selon lui de 100 000 hectares

Et le spécialiste en droit rural Benoît Grimonprez de déplorer un manque de pluralité dans les intervenants, souvent des « opposants aux projets », comme le secrétaire national de la Confédération paysanne Nicolas Fortin ou le président de la région Normandie Hervé Morin

Lire aussi : L’agrivoltaïsme représentera moins de 1% de la SAU en 2030, selon les objectifs du gouvernement

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