Aller au contenu principal

Une SCEA pour transmettre du foncier viticole aux salariés

Pour pérenniser son vignoble, Jean-Jacques Biteau, vigneron à Sablonceaux, commence à préparer sa transmission. Il a ainsi créé une SCEA associant ses salariés.

Tout en augmentant l'activité de son entreprise, la SCEA constituée par Jean-Jacques Biteau (au centre) pour reprendre 20 hectares de vigne permet à ses salariés d'accéder à du foncier. C'est le cas pour Nathalie (à gauche) et Jean-Luc Rembert (à droite).
Tout en augmentant l'activité de son entreprise, la SCEA constituée par Jean-Jacques Biteau (au centre) pour reprendre 20 hectares de vigne permet à ses salariés d'accéder à du foncier. C'est le cas pour Nathalie (à gauche) et Jean-Luc Rembert (à droite).
© C. Gerbod

Jean-Jacques Biteau, vigneron installé à Sablonceaux en Charente-Maritime, a créé son entreprise Vignoble Biteau autour de deux entités. La SCEA de Maison Neuve chapeaute 29 hectares de vigne, dont 20 hectares en cognac et eau-de-vie, 2 hectares en pineau-des-charentes et 7 hectares en vins IGP charentais. La SARL Biteau rassemble, elle, les activités commerciales : des prestations de travaux agricoles, viticoles et entretien du paysage et la vente de produits de la vigne. Lorsqu’il a eu l’occasion de racheter 20 hectares de vigne pour développer son entreprise, il a décidé de constituer une nouvelle SCEA et d’y associer ses six salariés. « L’idée de cette solution, c’est la facilité de transmission du patrimoine à des gens qui s’investissent dans la structure », explique le vigneron âgé de 54 ans, qui n’a pas d’héritiers directs.

Une initiative qui a surpris les salariés

Il a annoncé le projet lors de la traditionnelle rencontre du personnel organisée fin décembre 2020. L’investissement de 1,2 million d’euros incluait le foncier et le parc machines. « Ils ont été très surpris de la démarche. Certains n’ont pas compris comment ils pouvaient être porteurs de parts d’une société qui va gérer tant de capital foncier sans rien mettre sur la table. Chacun a reposé des questions par la suite », raconte Jean-Jacques Biteau.

Le dossier de reprise a été présenté à la Safer en février 2021. Selon le vigneron, le thème de la transmission et pérennisation de l'activité viticole locale a été déterminant pour l’emporter face aux sept autres dossiers en lice. Côté financement, la Caisse d’Épargne Aquitaine Poitou-Charentes a accompagné le projet, elle aussi motivée par le maintien du patrimoine viticole et l’accès au foncier de jeunes générations. Pour Jean-Jacques Biteau, une structure en SCEA s’imposait pour la souplesse et relative simplicité de ce statut.

Une transmission anticipée sur dix ans

Baptisée SCEA de Montelin, la société a été fondée en juin 2021. Elle compte au total sept associés. Jean-Jacques Biteau, est le gérant. Porteur du projet, il assure « les engagements financiers, remboursements et cautions », précise-t-il. Il a investi à travers la SAS Eternam qu’il a constituée. Elle possède 76 % des parts. Les six autres associés ont chacun 4 %. Deux salariés ont moins de 30 ans et trois autres ont un peu plus de 50 ans. Ils sont employés par la SCEA de Maison Neuve.

« C’est une forme de récompense pour son investissement dans l’entreprise », considère Jean-Jacques Biteau (à droite) à propos de la part de la SCEA qu'il a offerte à son salarié Alain (à gauche), qui est à quelques années de la retraite.

 

Le dernier associé est salarié de la SARL Biteau. Il est à quelques années de la retraite. « C’est une forme de récompense pour son investissement dans l’entreprise », considère Jean-Jacques Biteau. Le capital social n’est que de 5 000 euros.

Pour des raisons administratives, les salariés ont fait un chèque de 200 euros qu’il leur a remboursé.  « Ainsi ils deviennent partenaires sans toucher à leur budget personnel », se réjouit-il. Ils sont salariés à titre principal et exploitants agricoles partiels sur la SCEA de Montelin. « On va bloquer la rémunération des parts sur le compte de chaque associé. S’ils veulent continuer, ils pourront réinvestir avec les dividendes touchés », projette le vigneron.

Dans le projet de la SCEA de Montelin, l'accession au foncier de jeunes de moins de 30 ans comme Thibaut (à droite) est une motivation forte pour Jean-Jacques Biteau, désireux de perpétuer l'activité créée par ses grands parents en 1931.

 

Il se donne une dizaine d’années pour vendre toutes ses parts de la SCEA. Il ne prévoit toutefois pas de mouvement important avant cinq ou six ans, le temps que le fonctionnement se mette en place et du fait de son « gros engagement financier ».

La SCEA renforce la croissance de l’entreprise

Les vignes de la SCEA de Montelin comprennent 18 hectares en AOC cognac et 2 hectares en vins IGP charentais. Comme pour la SCEA de Maison Neuve, la production sera vendue via la SARL chargée de la commercialisation. Pour les vignes en AOC cognac, elle travaille avec des courtiers. Les vins IGP charentais rejoindront la production commercialisée en bouteilles et bib sous la marque Vignoble Biteau. La récolte est vinifiée et conditionnée chez un partenaire.

Malgré l’euphorie actuelle sur le marché du cognac, Jean-Jacques Biteau défend les vins IGP charentais. Il trouve que c’est stratégique d’avoir deux types de produits « en cas de crise ». Il apprécie aussi la sociabilité locale et la convivialité que le vin permet et qu’il développe lui-même au travers de multiples occasions : journées portes ouvertes, soirées cabaret… Il livre une cinquantaine de restaurants permanents ou saisonniers, pour la plupart dans la région. Il vient lui-même de reprendre un bar hôtel-restaurant dans le petit village ostréicole de L’Éguille-sur-Seudre, idéalement situé sur le port, à quelques kilomètres de Sablonceaux et de Royan. Ses vins sont bien entendu à la carte. L’entreprise en a produit l’équivalent de 80 000 bouteilles en 2021, contre seulement 3 000 en 2009, lorsqu’il a pris la suite de son père. « Nous les vendons bien », se confie-t-il.

La vie de l’entreprise viticole se réorganise

Via la SCEA de Maison Neuve et la SARL Biteau, les salariés associés assurent la culture des vignes de la SCEA de Montelin. Les interventions sont refacturées. Compte tenu des compétences, tous les travaux mécanisés peuvent être réalisés en interne. Pour la taille et le tirage des bois, la SCEA a dû cette année faire appel à du renfort extérieur. Des investissements ont déjà été faits pour rénover les piquets.

Pour l’instant, l’aspect financier est un peu abstrait pour les salariés car la SCEA n’est devenue propriétaire des vignes qu’en octobre 2021. L’ex-propriétaire a gardé la main sur une partie de la récolte 2021 et les premiers comptes ne seront cloturés qu’à fin juin 2022. « L’étude économique est intéressante », se félicite Jean-Jacques Biteau. Les prévisions ont été établies avec un rendement de 11 hl d’alcool pur par hectare et une rémunération de 1 100 euros par hectare pour les 18 hectares en AOC cognac. Une base déjà dépassée pour ce qui a été récolté en 2021.

Pour gérer ce nouveau dispositif avec un maximum d’efficacité, Jean-Jacques Biteau ressent le besoin d’embaucher un chef de culture qui chapeauterait les deux SCEA et coordonnerait les chantiers. Une perle rare qu’il n’a pas encore trouvée. Cela n’empêche bien sûr pas la SCEA de Montelin d’être lancée sur son premier millésime complet.

Des salariés associés ravis mais encore étonnés

Alain Duret : « J’ai été surpris mais je n’ai pas hésité. C’est intéressant. On participe encore davantage à la vie de l’entreprise. On échange avec les collègues. On va voir comment ça va se dérouler. Pour l’instant, il n’y a pas eu encore d’année complète. »

Jean-Luc Rembert : « On travaille de la même façon sur ces vignes que sur les autres. Que ça soit chez nous ou pas, ça ne change pas. Mais le principe est intéressant. Avec les autres salariés, on forme une équipe. On ne sera peut-être pas d’accord sur tout mais on travaille déjà ensemble, on se voit tous les jours. Il n’y a eu qu’une demi-récolte pour l’instant, on va voir où on en est à fin juin. On a deux filles. Peut-être qu’elles seront intéressées plus tard par ces parts. »

Nathalie Rembert : « C’est une continuité car Jean-Jacques a racheté les vignes de mon père qui est son cousin lorsqu’il a repris le domaine familial. Je suis entrée dans l’entreprise plus tard. D’abord en CDD puis en CDI. La retraite, on ne va pas me la donner tout de suite. Ces parts, ça peut apporter un complément. »

Thibaut Guionneau : « Je ne m’y attendais pas. Les gens autour de moi à qui j’en ai parlé trouvent que c’est un bon projet. Je travaille pareil sur toutes les vignes mais quand je vois les raisins sortir sur ces parcelles, et que je me dis qu’il y en a pas mal, ça me fait plaisir ! »

repères

Vignoble Biteau

Surface 49 hectares de vigne dont 29 hectares sur la SCEA de Maison Neuve et 20 hectares sur la SCEA de Montelin.

Production raisins et moût pour AOC cognac et pineau-des charentes, vins IGP charentais.

Prix de vente Entre 4,50 euros et 5,65 euros prix consommateur pour les vins IGP charentais.

Salariés 6 + 2 arrivés après la constitution de la SCEA.

 

Les plus lus

Le Skiterre se compose de deux grands skis qui assurent le contrôle de la profondeur et de la position de la lame.
« Le Skiterre, un outil intercep simple et productif »
Vignerons en Anjou, Nicolas et Christophe Moron se sont équipés d’un outil de travail du sol intercep Skiterre.
Vigneron plantant une nouvelle parcelle avec des pieds de Pinot noir dans la vallee de la Marne en AOC Champagne.Droit de plantation.
Quand FranceAgriMer exaspère les viticulteurs

FranceAgriMer joue un rôle essentiel dans l’attribution des aides. Face aux dossiers chronophages, aux contrôles…

Pellenc - Un robot à chenilles dans les vignes

Pellenc dévoile un robot à chenilles pour les vignes, le RX-20.

Chargement d'un camion citerne de la coopérative viticole CRVC (Coopérative régionale des vins de Champagne) enlèvement d'une cuvée chez un vigneron adhérent durant les ...
Vin en vrac acheté à prix abusivement bas : que peut changer la condamnation de deux négociants bordelais

En pleine crise viticole, un jugement se basant en partie sur un article issu de la loi Egalim vient de condamner deux…

Taille de la vigne avec le sécateur électrique viticole sans fil Mage Sam 25, fonctionnant avec batterie au Li-ion, à Mâcon, dans les vignes du Vitilab, en octobre 2022
Lutte contre le gel : « Il faut réserver la taille tardive aux parcelles viticoles les plus gélives et pas trop chétives »

Benjamin Bois, chercheur à l’institut universitaire de la vigne et du vin Jules Guyot, en Bourgogne, a travaillé sur la taille…

Eco-Dyn exposait un prototype de restructuration des sols viticoles sur le Sival 2024.
Un outil pour restructurer les sols viticoles compactés
L’entreprise ligérienne spécialisée dans les matériels biodynamiques et l’agriculture de régénération planche sur un outil…
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Vigne
Consultez les revues Réussir Vigne au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters des filières viticole et vinicole