Aller au contenu principal

Moins d’amertume pour des vins équilibrés

Perçue comme un défaut dans le vin, l’amertume lorsqu’elle est maîtrisée, participe pourtant à l’équilibre gustatif. Voici comment la contrôler.

Qu’est-ce que l’amertume ?

L’amertume est l’une des cinq saveurs, avec le sucré, le salé, l’acidité et l’umami. Les papilles gustatives permettent sa perception par notre organisme, par opposition à l’astringence qui est une sensation tactile engendrée par la combinaison entre les tanins et les protéines de la salive.

Sa perception est différente selon les individus et selon certains paramètres qui l’influencent. Chaque dégustateur l’appréhende plus ou moins intensément, en fonction du nombre de récepteurs gustatifs de l’amertume sur la langue et du débit de salive plus ou moins élevé, de son âge et de ses habitudes de consommation. Il faut environ quinze secondes à un dégustateur pour la ressentir à son intensité maximale. Un degré alcoolique élevé accentuera le goût amer dans les vins. Un pH haut, n’influencera pas l’intensité de l’amertume, mais il en prolongera la sensation dans le temps.

L’astringence gêne le dégustateur dans la perception de l’amertume : elles sont souvent confondues, d’où la complexité de la thématique.

D’où provient-elle ?

L’amertume est apportée par plusieurs familles de composés. Les flavan-3-ols et leurs sous-produits de condensation sont les composés qui en prodiguent le plus aux vins. « Les flavan-3-ols appartiennent à la famille des flavonoïdes, et sont situés dans la rafle, la pellicule et le pépin », indique Yves Cadot, ingénieur de recherche à l’Inra, dans sa thèse sur les polyphénols. Il souligne qu’ils sont présents dans le raisin, sous forme de monomères, ou plus ou moins polymérisés, appelés tanins condensés. « Les monomères sont plus amers que les trimères, précise Maria Nikolantonaki, maître de conférences en œnologie, à l’IUVV Jules Guyot. De même, l’amertume diminue et l’astringence augmente avec la croissance de la taille moléculaire. » Aussi, d’après elle, l’épicatéchine est significativement plus amère et astringente que la catéchine. Et plus les composés phénoliques sont petits, plus ils sont amers et moins astringents, tandis que plus ils sont gros, plus ils sont astringents et moins amers.

Par ailleurs, « d’autres composés participent dans une moindre mesure à l’amertume : des phénols, certains ions, des acides aminés, des peptides, des alcaloïdes, des sucres acylés, des glycosides, des composés azotés et des thiocarbamates », a rappelé Maria Nikolantonaki, lors du 17e forum œnologique de Davayé en Saône-et-Loire. De même, dans le cas d’un vin élevé sous bois, les ellagitanins du chêne ont longtemps été considérés comme contribuant à l’amertume. Mais selon de ressentes études, « le (+)-lyonirésinol participerait bien plus à l’amertume », expose Axel Marchal, maître de conférences à l’ISVV de Bordeaux.

Les micro-organismes ont aussi leur part de responsabilités. Maria Nikolantonaki précise que des bactéries indésirables peuvent entraîner la décomposition microbiologique du glycérol. Cela donne l’acroléine, qui n’est pas une molécule amère, mais qui confère de l’amertume au vin en se liant à des composés phénoliques. " A contrario, le glycérol seul, diminue la perception du goût amer ", avance Alain Samson, ingénieur d’études à l’Inra de Pech Rouge dans l'Aude.

Comment la maîtriser ?

« On associe souvent l’amertume d’un vin avec une maturité non-optimale, explique Pierre Dubrion, directeur des sites des domaines Astruc à Malras, dans l’Aude, et elle peut être extraite lors du contact entre le jus et les parties herbacées. La première précaution à prendre pour l’amoindrir est d’optimiser la date de récolte en utilisant les pratiques culturales qui la favorisent : bonne protection sanitaire, maîtrise de la vigueur, effeuillage, tri, égrappage, et l’utilisation de caisses d’égouttage pour limiter le contact entre le jus et les parties herbacées en vendange entière. » Il préconise aussi un pressurage fractionné, qui permet d’extraire les jus sans amertume en premier, puis les jus amers, qui pourront être collés à la PVPP ou protéine de pois, pour éliminer les composés indésirables. Et dans certains cas, l’oxydation sur les dernières fractions peut diminuer l’amertume en réduisant la charge en polyphénols.

Les macérations pour les rouges sont à raisonner pour ne pas extraire trop de composés amers et pourquoi pas envisager une thermovinification en cas de vendange un peu juste en maturité.

Certains produits œnologiques peuvent aider à diminuer l’amertume du vin, comme la levure. On peut opter pour une souche qui produit du gras ou ayant une importante autolyse. De leur côté, les copeaux de bois, ou les staves peuvent apporter plus de volume et de sucrosité, et contre-balancer l’amer. Aussi, ajuster l’acidité peut atténuer la perception de l’amer grâce à un meilleur équilibre. L’idée est de raisonner les méthodes existantes pour atteindre au mieux l’équilibre des vins.

"Gérer l’amertume à chaque situation"

« La façon d’agir contre l’amertume se raisonne selon les vins et les étapes de vinification. Si elle apparaît en vinification sur blancs ou rosés et qu’elle est puissante, j’utilise de la PVPP, entre 10 et 30 g/hl ou de la protéine de pois entre 10 et 40 g/hl. Cela fonctionne très bien sur moût. Sur les rouges en vinification, l’amertume peut déclencher le décuvage si elle est excessive, mais s’il y a un traitement à envisager, il vaut mieux les faire après FML.

En élevage, je préconise des mannoprotéines pour enrober en général entre 10 et 30 g/hl, ou de collage léger à la gélatine entre 5 et 10 g/hl pour les rouges, et entre 2 et 5 g/hl pour les blancs et rosés. Les doses de ces produits sont à déterminer avec des essais. Si cela ne suffit pas il est possible d’essayer des tanins de chêne à 1 ou 2 g/hl pour apporter du volume.

Si c’est sur du moelleux en élevage, et que le vigneron est équipé, je préconise la micro-oxygénation à petite dose de 0,5 ml/l/mois jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Il faut absolument déguster régulièrement le vin sous micro, pour la stopper avant d’atteindre le stade de l’oxydation. Cette technique accélère le processus d’oxydation lente qui provoque la polymérisation des phénols, qui précipitent alors sous forme de polymères et diminuent l’amertume.

Si le cas se produit sur un IGP, on peut laisser du glucose/fructose de l’ordre de 3 à 5 g/l, ou ajouter du MCR. Enfin, si nous n’avons pas de temps, et que la mise en bouteille est rapide, j’essaie des gommes arabiques de type seyal, plus enrobant que le verek, à 1 l pour 15 hl ou 20 hl. »

Cécile Pierre, œnologue conseil au laboratoire UAPL, à Brissac-Quincé, dans le Maine-et-Loire

voir plus loin

Et l’astringence dans tout ça ?

L’astringence est « l’ensemble des sensations de rétrécissement, d’étirement ou de plissement de l’épithélium buccal », d’après l’American Society For Testing and Material. « Cette sensation est due à plusieurs sortes de composés, expliquent Michaël Jourdes et Pierre-Louis Teissedre, maîtres de conférences à l’ISVV de Bordeaux, comme les sels de cations métalliques multivalents, l’éthanol, des acides organiques et minéraux et les tanins. » Ces derniers sont d’ailleurs les principaux responsables de l’astringence. Ils sont présents dans la pellicule et les pépins des raisins et sont extraits en milieu hydro-alcoolique pendant la macération des vins rouges. L’importance de bien maîtriser la durée de celle-ci est primordiale pour atteindre l’équilibre tannique du vin.

Les plus lus

Le Skiterre se compose de deux grands skis qui assurent le contrôle de la profondeur et de la position de la lame.
« Le Skiterre, un outil intercep simple et productif »
Vignerons en Anjou, Nicolas et Christophe Moron se sont équipés d’un outil de travail du sol intercep Skiterre.
Vigneron plantant une nouvelle parcelle avec des pieds de Pinot noir dans la vallee de la Marne en AOC Champagne.Droit de plantation.
Quand FranceAgriMer exaspère les viticulteurs

FranceAgriMer joue un rôle essentiel dans l’attribution des aides. Face aux dossiers chronophages, aux contrôles…

Pellenc - Un robot à chenilles dans les vignes

Pellenc dévoile un robot à chenilles pour les vignes, le RX-20.

Le Dyna-Drive est un outil de travail du sol auto-animé réalisant un mulchage en superficie.
« Le Bomford Dyna-Drive est un outil interrang entre le rolofaca et le rotavator »

Jérôme O’Kelly utilise depuis quatre ans un outil de travail du sol auto-animé.

Chargement d'un camion citerne de la coopérative viticole CRVC (Coopérative régionale des vins de Champagne) enlèvement d'une cuvée chez un vigneron adhérent durant les ...
Vin en vrac acheté à prix abusivement bas : que peut changer la condamnation de deux négociants bordelais

En pleine crise viticole, un jugement se basant en partie sur un article issu de la loi Egalim vient de condamner deux…

Taille de la vigne avec le sécateur électrique viticole sans fil Mage Sam 25, fonctionnant avec batterie au Li-ion, à Mâcon, dans les vignes du Vitilab, en octobre 2022
Lutte contre le gel : « Il faut réserver la taille tardive aux parcelles viticoles les plus gélives et pas trop chétives »

Benjamin Bois, chercheur à l’institut universitaire de la vigne et du vin Jules Guyot, en Bourgogne, a travaillé sur la taille…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Vigne
Consultez les revues Réussir Vigne au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters des filières viticole et vinicole