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L’union fait la force

À Dambach-la-Ville, dans le Bas-Rhin, les domaines Frey et Mersiol se sont rapprochés en mutualisant la vinification et le commerce. Ils gagnent ainsi en efficacité.

Dominique Frey (à droite) et Christophe Mersiol (à gauche) espèrent commercialiser 150 000 bouteilles par an grâce à leur nouvelle organisation.
© X. Delbecque

" Un pour tous, tous pour un ! " L’adage des mousquetaires vaut aussi pour la viticulture. Et ce n’est pas Dominique Frey et Christophe Mersiol qui diront le contraire. Les deux domaines familiaux de Dambach-la-Ville, dans le Bas-Rhin, se sont récemment rapprochés pour mettre leurs atouts en commun, sans pour autant perdre leur identité. L’idée a germé dans la tête de Christophe Mersiol en 2015. À l’époque, il gérait depuis une dizaine d’années un domaine de 11 hectares avec son frère, et n’arrivait plus à développer la partie commerciale. Les diverses tâches administratives rythmaient son quotidien, et rendaient la prospection de nouveaux clients difficile. Une situation frustrante pour lui, d’autant plus qu’il possède une solide formation commerciale. « Je me suis demandé comment gagner en efficience, pour que chacun soit spécialisé dans son domaine », explique-t-il. Rapidement, le rapprochement avec le domaine Frey lui vient à l’esprit. « Nous avions des tailles de structures similaires, nous étions tous les deux en bio dans le même village, et leur nouvelle cave était assez spacieuse pour accueillir nos vins », analyse le vigneron. Après en avoir discuté avec son frère Stéphane, ils partent à la rencontre de leur confrère, qu’ils connaissaient à peine, pour lui proposer une entente entre leurs deux structures. « Nous n’avions rien à perdre, au pire il refusait la proposition ! » relativise Christophe Mersiol.

Un équilibre parfait entre appellation régionale et grand cru

Dès le premier abord, Dominique Frey y a vu un intérêt : le domaine Mersiol possédait davantage de surface en grand cru, ainsi qu’un parcellaire très qualitatif, susceptible de faire monter le niveau qualitatif de toute la cave. « Cela permettait de construire une gamme très cohérente, relève Dominique Frey. Mais ce n’était pas une décision facile à prendre. C’est nous qui devions avoir le plus de contraintes pour la mise en route, et nous sortions tout juste la tête de l’eau suite à la construction de nouveaux bâtiments de production et d’accueil en 2010. » Après réflexion, le domaine Frey s’est lancé dans l’aventure. Il aura fallu presque un an pour monter le projet, et un investissement de 100 000 euros pour redimensionner la cuverie et le matériel de cave. En pratique, cela s’est traduit par la création d’une société de négoce, la SAS Maison Charles Frey. Avec cette dernière famille en actionnaire. « Mais je me considère toujours comme un vigneron, clame Dominique Frey. C’est juste une forme juridique, nous ne sommes pas dans la logique d’un négociant. » Cette nouvelle société achète le raisin des deux EARL Mersiol et Frey, et prend en charge la vinification, ainsi que la commercialisation. Les deux parties se sont entendues en amont sur un prix au kilo, équivalent au cours officiel majoré de 30 %. Certaines cuvées parcellaires sont conservées, mais la plupart des vins sont assemblés et vendus sous des bannières différentes. « Au début il était question de séparer les vins des deux domaines, précise Christophe Mersiol, mais c’était beaucoup trop complexe d’un point de vue administratif. Il aurait fallu créer des séparations physiques dans le chai. Nous avons laissé tomber l’idée, car le but était de simplifier. »

L’étiquette s’adapte au client pour ne pas perdre les marchés historiques

Conserver les noms de Frey et de Mersiol, ainsi que les deux marques supplémentaires précédemment créées par les vignerons (Léon Manbach pour le domaine Mersiol et Marcel Hauss pour le domaine Frey), était une volonté dès le départ, afin de ne pas perdre la clientèle déjà existante. Ainsi, un même vin est étiqueté différemment selon qu’il est destiné à un client du domaine Frey ou Mersiol, l’étiquetage se faisant au fur et à mesure des besoins. Une stratégie sans laquelle l’opération n’aurait pas fonctionné, estime Dominique Frey avec le recul. En revanche, seule la marque Charles Frey a été gardée pour la vente au caveau. « Nos parents, qui ont géré le domaine à leur époque, n’étaient pas très enthousiastes, accorde Christophe Mersiol. Mais il faut savoir évoluer, et passer au-dessus du poids des générations. »

Désormais, chacun a son rôle, et peut être pleinement efficace dans ses fonctions. Stéphane Mersiol, à sa grande satisfaction, ne s’occupe plus que des vignes de son domaine, et s’est séparé de son matériel de cave vieillissant. Il profite par la même occasion des 20 ans d’expérience de biodynamie de Dominique Frey, pour aller plus loin dans ses pratiques. Christophe, lui, est salarié de la SAS. Il travaille à temps plein sur la partie commerciale, ce qui a permis de décharger Dominique Frey. « D’autant plus que je ne parle pas anglais, avoue ce dernier. Là où je suis le plus efficace c’est dans la technique, donc je me concentre là-dessus. Il vaut toujours mieux quelqu’un qui sait que quelqu’un qui cherche ! » Les vinifications sont assurées par le fils de Dominique Frey, Julien, en concertation avec la famille Mersiol pour l’orientation des cuvées.

Le gain en efficacité dû à la spécification des associés n’est pas le seul avantage de ce système. Cela permet également de conquérir plus facilement de nouveaux marchés. Avec la mutualisation des productions, les volumes proposés sont plus importants, ce qui permet de travailler avec de plus gros clients. Les nouveaux débouchés sont aussi favorisés par une gamme qui s’est élargie.

Le système demande un apport important en trésorerie

Pour le seul cépage riesling, par exemple, les vignerons proposent une cuvée classique, une nature, un lieu-dit, un grand cru et une sélection grains nobles. « Une diversité impossible à avoir avec les volumes d’un seul des deux domaines », remarque Christophe Mersiol. Et les différentes marques permettent de s’adapter en fonction du marché, du pays, de la cible. Seule ombre au tableau, cette configuration avec une structure de négoce demande beaucoup de trésorerie, notamment pour payer les raisins. « On est obligé d’avoir une banque derrière prête à suivre », avertit Dominique Frey. Au total, il a dû emprunter près de 350 000 euros pour équilibrer les comptes. Mais le premier bilan comptable montre que la logique est bonne. « La première année a été un peu compliquée, commente le vigneron. Il a fallu trouver les repères, nous n’avons pas été des plus performants. De plus, nous avions un stock important, avec un méli-mélo de vins des deux exploitations à écouler. » La deuxième année (2017) a été plus aisée, et l’an prochain la structure devrait trouver son équilibre et tourner en routine. L’objectif, pour les gérants, est de dépasser le million d’euros de chiffre d’affaires (soit 150 000 cols) dans les deux prochaines années, afin d’être à l’aise pour continuer à investir et ne pas laisser le matériel de production devenir obsolète. « Nous avons encore deux hectares en potentiel de production, donc l’approvisionnement ne sera pas un souci », rassure Christophe Mersiol. Et d’autres projets pourraient bien voir le jour avec l’arrivée imminente du second fils de Dominique Frey, qui travaille actuellement dans l’œnotourisme dans le nouveau monde…

Désormais, chacun a son rôle et peut être pleinement efficace dans ses fonctions

repères

Les domaines Frey et Mersiol

Statuts juridiques 1 SAS et 2 EARL

Marques Charles Frey, Léon Manbach, Marcel Hauss et Mersiol

Superficie 25 hectares (14 + 11)

Nombre de salariés 7 ETP au total (plus saisonniers)

AOC alsace, alsace grand cru frankstein, crémant d’alsace

Gamme comprenant 24 produits

Production environ 1 250 hectolitres par an

Chiffre d’affaires 750 000 € pour la SAS, environ 200 000 € pour les EARL

Commercialisation 135 000 cols (objectif 150 000)

Circuits de vente export (50 %), CHR/cavistes/GD locale (25 %), particuliers (25 %)

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