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L’hydrogène, une option pour motoriser les tracteurs vignerons

L’hydrogène pourrait être, à terme, une solution crédible pour les tracteurs vignerons. Les motoristes plébiscitent davantage sa combustion.

Les moteurs à combustion fonctionnant avec de l'hydrogène, comme celui de Cummins, devraient arriver sur les engins agricoles d'ici quelques années.
Les moteurs à combustion fonctionnant avec de l'hydrogène, comme celui de Cummins, devraient arriver sur les engins agricoles d'ici quelques années.
© Cummins

Faire rouler un tracteur à l’hydrogène, l’idée n’est pas nouvelle. Entre 2009 et 2011, New Holland a planché sur un concept de tracteur alimenté par une pile à combustible, nommé NH2. Le modèle n’est finalement jamais sorti d’usine. « Aujourd’hui la technologie n’est pas assez mature en performance et en prix pour la proposer sur nos matériels, explique Nicolas Morel, en charge des motorisations alternatives chez New Holland. Ce serait 4 à 5 fois plus cher à l’achat, et 3 à 4 fois plus cher en carburant. » Pour autant, l’expert est convaincu que de telles motorisations seront un jour sur le marché.

Il faut dire que, dans la course à la décarbonation, le moteur électrique avec pile à combustible présente quelques avantages par rapport à celui fonctionnant sur des batteries. À commencer par le poids, puisque l’énergie nécessaire à une demi-journée de travail avec un tracteur vigneron est ainsi stockée dans 50 kg (pile et gaz compris), contre plus d’une tonne avec des accumulateurs. De même, le plein s’effectue en quelques minutes, là où il faut plusieurs heures pour recharger les batteries.

Une solution plus ou moins pertinente en fonction du vignoble

Si ces arguments font mouche, les détracteurs de la pile à combustible ne se privent pas de rappeler que dans ce cas de figure, l’électricité est d’abord convertie en hydrogène, via l’électrolyse, qui lui-même est reconverti en électricité ensuite. Ce qui donne un rendement final plutôt moyen, autour de 30 %, contre près de 80 % pour un véhicule à batterie. « C’est une réalité, mais il faut voir les choses d’une façon plus large, estime Lotta van Leeuwen, ingénieure spécialisée dans les énergies vertes. Les moteurs thermiques actuels ne sont pas franchement plus efficaces et ils ont pourtant pris le dessus. »

 

 
Les moteurs électriques, qu'ils fonctionnent grâce à des batteries ou à une pile à hydrogène, sont plus efficaces du puits à la roue que le diesel.
Les moteurs électriques, qu'ils fonctionnent grâce à des batteries ou à une pile à hydrogène, sont plus efficaces du puits à la roue que le diesel. © Infographie Réussir

 

Pour elle, tout dépend de l’usage et des configurations. Si la pile à combustible ne peut pas être une solution à tous les problèmes, elle peut prendre son sens sur des exploitations au parcellaire éclaté, qui demandent davantage d’autonomie. « Mais si le vigneron a ses parcelles autour du domaine et la possibilité de faire une recharge sur la pause de midi, l’électrique à batterie est une bonne opportunité », poursuit-elle. De même, les tracteurs électriques tels que nous les connaissons à l’heure actuelle ne dépassent pas 80 chevaux. La voie de l’hydrogène est donc un levier pour garder les puissances usuelles.

L’autre limite de la pile à combustible, c’est qu’elle n’aime pas la poussière, et que sa durée de vie n’excède pas, quoi qu’il en soit, 5 000 heures. C’est pourquoi certains constructeurs se tournent, en attendant les améliorations technico-économiques, vers le moteur hydrogène à combustion. « L’efficacité de l’hydrogène est moindre, mais c’est plus facile à mettre en place et les performances des matériels restent inchangées », analyse Nicolas Morel. Il y a d’ailleurs aux Pays-Bas une trentaine de tracteurs New Holland hybrides qui fonctionnent déjà avec un mix de deux tiers d’hydrogène pour un tiers de diesel. Une technologie qui entraîne un surcoût plus raisonnable, de 50 à 70 %. Un prestataire spécialisé réalise le rétrofit des moteurs diesel en modifiant l’injection et en ajoutant une bombonne pour le stockage du gaz. « Une opération qui paraît simple mais ne l’est pas tant que ça, précise Nicolas Morel. L’hydrogène est la plus petite molécule du monde, ce qui entraîne de grosses contraintes au niveau des matériaux. Et le dosage doit être extrêmement précis. »

Une transition vers le bas carbone plus facile avec les moteurs à combustion

Par ailleurs, nous devrions voir arriver petit à petit des moteurs à combustion fonctionnant avec 100 % d’hydrogène. Le motoriste américain Cummins, par exemple, travaille outre-Atlantique avec la marque Versatile à la création d’un tracteur agricole intégrant un moteur à hydrogène. Le développement de cette technologie est un véritable axe stratégique pour Cummins. « Nous sommes familiers des moteurs à explosion. Ils sont robustes, peu chers et taillés pour les conditions extrêmes, explique Jim Nebergall, directeur général de la branche hydrogène de l’entreprise. Ces avantages font que les moteurs à hydrogène seront plus faciles à déployer pour décarboner l’agriculture que les piles à combustible. »

Il faut dire que la différence avec un moteur classique est minime. Seuls changent la taille des cylindres et le système d’allumage. « L’efficience est assez bonne, ajoute le directeur. Restera le challenge de stocker 80 kg d’hydrogène sur les engins, ce qui prend plus de place qu’avec du diesel. » Cummins espère une production en grande série pour 2027.

Au Japon, Toyota, Isuzu, Dento, Hino et CJPT ont annoncé cet été avoir lancé des travaux de recherche en commun sur les moteurs à hydrogène dans le domaine des véhicules lourds. Tout comme le sud-coréen Hyundai, qui espère une production industrielle pour 2025.

Plus proche de nous, un spécialiste de la robotique viticole présentera sur le Vinitech un concept d’engin fonctionnant à l’hydrogène. Preuve s’il en est que ça commence à bouger sérieusement dans le domaine…

comprendre

L’hydrogène peut être utilisé de façons différentes pour animer des engins. Dans le cas d’un moteur électrique, les molécules de dihydrogène sont associées à l’oxygène de l’air au sein d’une pile à combustible pour créer l’électricité nécessaire au moteur. Cela ne rejette que de l’eau. Dans le cas d’un moteur à explosion, l’hydrogène est employé pour la combustion à la place des carburants classiques (essence, diesel ou gaz). Cette réaction produit également de l’eau et ne dégage pas de CO2. Seuls des oxydes d’azote (NOx) sont émis, à des concentrations 10 fois moindres qu’aujourd’hui.

Un tracteur John Deere 6210R à hydrogène, grâce au rétrofit

L’entreprise nantaise de BTP Charier présentait en février dernier, lors du forum des Travaux publics de Paris, son tracteur John Deere 6210R à hydrogène vert. Ne cherchez pas dans le catalogue du tractoriste américain, ce spécimen est le fruit d’une conversion électrique, ou rétrofit, réalisée par la société vendéenne e-Néo. Cette dernière s’est spécialisée dans la conversion des engins lourds ou à usage intensif. L’entreprise dépose le moteur thermique et les composants associés, intègre les éléments électriques et homologue si nécessaire. La jeune pousse espère convertir 250 véhicules par an dès 2025. Le groupe Charier s’est également appuyé sur les entreprises Lhyfe pour la production d’hydrogène vert et Europe Technologie pour le stockage. Le coût d’une telle conversion, en revanche, n’a pas été communiqué.

Retrouvez notre dossier complet sur l'hydrogène :

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