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Le compost liquide booste la vie du sol

De plus en plus de vignerons se mettent aux thés de composts. Ils procureraient une amélioration de la structure du sol et une homogénéisation des parcelles, via l’apport de nutriments et de micro-organismes.

Au champagne Camille Marcel, le thé de compost est pulvérisé au stade 2-3 feuilles, à l'aide d'une ancienne rampe de désherbage adaptée et munie de buses miroir.
© Champagne Camille Marcel

« Une terre plus souple, qui fixe mieux la matière organique, et a une structure plus agrégée ; une vigne plus vigoureuse et une disparition de chlorose ferrique », « une belle structure grumeleuse et un effet végétatif assez spectaculaire ». Pour Mickaël Sire, vigneron au domaine des Schistes, à Estagel dans les Pyrénées-Orientales, et Jean-Paul Schmitt, exploitant à Scherwiller en Alsace, cela ne fait pas un pli. Le thé de compost, également nommé compost liquide, recèle de nombreuses vertus.

Il permettrait donc d’assouplir les sols, et d’obtenir un végétal plus homogène en couleur, en développement et en vigueur. Selon Michel Fritsch, conseiller viticole en Alsace, certains viticulteurs feraient même état d’un regain de minéralité sur leurs vins, ou d’une meilleure résistance de leurs vignes au mildiou. Et ce, grâce à l’apport de nutriments et de micro-organismes (Trichodermas, mycorhizes, Azotobacters, etc.) au sol.

« L’objectif est que ces derniers occupent le terrain, et entrent ainsi en compétition avec les pathogènes (nématodes, champignons pathogènes), résume Robert Casenove, de l’entreprise éponyme, consultant indépendant de la SARL Jacques Moreau, qui commercialise les matières premières nécessaires à la préparation et forme à la technique. Une dépollution des sols s’opère, les matières carbonées sont mieux valorisées. Sur des sols en difficulté, les résultats sont assez rapides. En revanche, ils sont plus lents et moins visibles sur des parcelles normales. »

Car le compost de thé ne vise pas à supplanter les apports de matière organique ou les traitements phytosanitaires. C’est un complément, « un produit qui fait partie de la boîte à outils pour relancer les sols, au même titre que les engrais verts ou les amendements », assure Mickaël Sire. Robert Casenove constate néanmoins qu’avec des apports de compost liquide, les amendements traditionnels peuvent être divisés par deux ou par trois.

Améliorer la santé des plantes et la fertilité des sols

Cette technique, qui tend à prendre de l’ampleur en France, nous vient des pays anglo-saxons, où elle a été développée par Elaine Ingham. Cette microbiologiste souhaitait améliorer la santé des plantes et leur fertilité et a donc expérimenté l’apport d’organismes aérobies, durant de nombreuses années. Elle a abouti à l’utilisation d’un thé de compost.

 

Ce dernier est obtenu après fermentation d’une « base » solide et liquide, constituée de composts inodores de différentes origines : ligneuse pour les champignons ; marc de raisin ou fumier pour les bactéries et les sucres, algues, émulsions de poissons, etc. Cette base est introduite dans un fermenteur, qui la brasse et l’oxygène.

Adapter la composition en fonction des besoins du sol

Suivant les besoins, on peut créer une dominante de certains micro-organismes utiles par des additifs appropriés, choisis en fonction des observations de terrain effectuées par collaborateurs de la SARL Jacques Moreau et les viticulteurs. « La température augmente, et de la mousse se forme à la surface », témoigne Mickaël Sire, qui réalise ses composts liquides depuis sept ans. La préparation n’est pas nauséabonde, mais « sent la fermentation », note Pascal Bonnet, du champagne Camille Marcel, à Bragelogne-Beauvoir, dans l’Aube. Au bout de 24 heures, et après une filtration, la préparation doit être diluée dans de l’eau pour être prête à l’emploi.

Mais attention, une fois réalisé, le thé de compost ne se conserve pas longtemps, même si la SARL Jacques Moreau travaille sur le sujet. Pour l’épandre, « le temps ne doit être ni trop sec, ni trop venteux, ni gélif, prévient Robert Casenove. Je recommande d’appliquer le compost liquide à l’automne ou au printemps, sur une rosée ou autour d’une pluie. De plus, il vaut mieux utiliser un pulvérisateur muni de grosses buses. » C’est le cas du Champagne Camille Marcel. Depuis deux ans, Pascal Bonnet effectue un passage annuel, à raison de 50 litres de tisane + 50 litres d’eau par hectare, au stade 2-3 feuilles.

Pulvériser par un temps humide et doux

« J’essaie d’épandre le compost avant une pluie, pour que les micro-organismes ne meurent pas », indique le vigneron. Pour ce faire, il utilise son ancienne rampe de désherbage légèrement modifiée et équipée de buses miroir. Il avance à cinq kilomètres à l’heure et traite le sol et le végétal d’un seul coup.

De son côté, le domaine des Schistes a évolué dans ses pratiques. Jusqu’à cette année, Mickaël Sire épandait le composte liquide à l’automne, lorsque le temps était « humide et doux ». Il passait à raison de 50 litres de tisane + de l’eau par hectare avec un pulvérisateur classique. Mais cette année, il a pulvérisé la préparation à deux reprises au printemps, à 25 litres de thé par hectare, en remplacement des deux premiers traitements soufrés. « J’ai fait cet essai sur des cépages peu sensibles, précise-t-il. Ça s’est très bien passé, je n’ai pas eu plus de problèmes d’oïdium que sur le reste de l’exploitation. Je vais réitérer l’essai. Si ça se confirme, je généraliserai ça à tout le domaine. Mais il faut faire attention, ce n’est pas un produit miracle. »

Environ 60 euros/ha/traitement

Tous les utilisateurs veillent à passer le thé sans bouillie phytosanitaire. En revanche, il peut être mélangé aux tisanes de plantes ou d’algues, précise Robert Casenove. Pascal Bonnet va même plus loin : il évite tout traitement cuprique juste après l’apport de compost liquide, afin de ne pas détruire les micro-organismes apportés. Au niveau des précautions d’emploi, les vignerons se munissent des gants lorsqu’ils manipulent la préparation. Au champagne Camille Marcel, les salariés les gardent même lorsqu’ils vont ébourgeonner dans la vigne, après un passage.

Pour ce qui est du coût, il faut compter environ 60 euros par hectare et par traitement. « C’est plus cher qu’un soufre, mais ça reste raisonnable », conclut Mickaël Sire.

 

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Comment s’équiper

La SARL Jacques Moreau commercialise un fermenteur, l’Aeroflot compact 400 l, pour 1 675 euros. Il se compose de deux cuves. La petite reçoit, dans un sac à thé, les supports organiques riches en micro-organismes à multiplier ; la grande brasse et oxygène la tisane. Certains vignerons l’achètent à plusieurs, afin de mutualiser les coûts.

Il est également possible de réaliser soi-même un fermenteur, au moyen d’une ou de deux cuves, d’une pompe d’aération (bulleur d’aquarium par exemple), d’un sachet (sac en nylon ou moustiquaire), d’un tuyau d’évacuation ou d’une pompe et d’un filtre.

Avis d’expert : Lionel Ranjard, directeur de recherches à l'UMR Agroécologie de l'Inrae de Dijon

« Enherbez et diversifiez vos enherbements »

« Je n’ai pas testé les composts liquides. Mais à partir du moment où un sol n’est pas complètement mort, ce qui est extrêmement rare, mieux vaut stimuler la diversité du sol qu’ajouter de nouveaux micro-organismes. Par ailleurs, le sol fonctionne comme notre tube digestif. Si on y ajoute des micro-organismes exogènes, ceux déjà présents vont faire barrière et empêcher leur implantation. Néanmoins, l’épandage d’éléments organiques sous forme liquide et donc facilement assimilable peut être intéressant. À condition que l’effet soit durable.

De manière générale, pour augmenter la fertilité des sols, je conseille à tous les viticulteurs d’enherber leurs parcelles et de diversifier leurs enherbements. Ils peuvent aussi limiter le labour, favoriser les apports d’engrais organiques, voire même travailler avec des stimulateurs de vie biologique, qui augmentent la capacité de dégradation du sol. »

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