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« L’activité de négoce aide mon développement »

Christophe Semaska, vigneron en côte-rôtie, a créé sa propre société de négoce afin d’étoffer sa gamme et de financer ses investissements. Un pari réussi.

En arrivant au caveau de Christophe Semaska, à Ampuis dans le Rhône, difficile de s’imaginer que le vigneron était au forfait il y a encore quelques années. Mais le développement de son domaine, c’est en partie à son activité de négoce qu’il le doit. L’histoire commence en 1987, lorsque ce passionné de vin acquiert 1,38 hectare de côte-rôtie en fermage au château de Montlys. Durant des années, il exerce la double activité de comptable et vigneron, avec l’obsession d’agrandir son domaine et d’élaborer un produit d’exception. Dès 1996, il s’installe à temps plein, et distribue ses premières bouteilles, via des connaissances et quelques restaurants. Le reste, qui représente les trois quarts de sa production, est alors vendu en vrac au négoce. Un tournant s’opère en 2004, lorsqu’une place d’exposant se libère au très prisé Marché aux vins d’Ampuis. « J’ai ainsi pu présenter mes vins pour la première fois, raconte Christophe Semaska. Dès lors est née une activité de vente aux particuliers. » Le domaine, qui comprend désormais plus de 3,5 hectares, devient de plus en plus visible. Dans le même temps, les volumes augmentent, et la petite cave du château de Montlys atteint ses limites. Le vigneron décide en 2010 de profiter des aides à l’investissement, et met en place un dossier OCM pour la construction de sa propre cave et d’un lieu de vente.

Créer une activité de négoce pour agrandir sa gamme

« Un investissement de 1,5 million d’euros, détaille-t-il. Mais les aides ne font pas tout. Je me suis alors posé la question de savoir comment financer une telle somme, et espérer réinvestir dans le vignoble à l’avenir. » Car le côte-rôtie seul ne suffit pas. Avec un besoin de main-d’œuvre important, la production coûte cher, et la marge dégagée est faible. Impossible de compter non plus sur une progression des volumes, vu la forte pression foncière. Il choisit donc de compléter sa gamme en créant une nouvelle activité : celle de négoce. « Le contact que j’avais avec les clients et l’engouement grandissant pour les vins de la vallée du Rhône me faisaient dire que le risque était limité », avoue le vigneron. Il contracte un prêt de 200 000 euros, pour assurer sa trésorerie en vue des achats de vin et de raisin, et crée en février 2012 la SARL Semaska. Il part alors à la rencontre des producteurs, fait marcher le bouche-à-oreille et son réseau de courtiers pour instaurer des relations avec des vignerons de confiance. « Il était hors de question de casser la réputation du domaine bâtie en côte-rôtie, je me suis donc positionné sur des vins haut de gamme », explique le vigneron. En juillet 2012, le caveau ouvre ses portes et la nouvelle cave est fonctionnelle. Cette dernière est dimensionnée pour vinifier 500 hectolitres. « Ce n’est pas énorme mais cela me suffit, puisque je suis plutôt sur des petits volumes qualitatifs », remarque Christophe Semaska, qui achète de la vendange en saint-joseph et du vin dans les côtes-du-rhône méridionales. Aujourd’hui, il dispose d’une gamme de 14 produits, et commercialise 70 000 bouteilles par an, contre 15 000 au début des années 2000. « Cela me permet de toucher un panel de consommateurs beaucoup plus large. Tout le monde n’achète pas du côte-rôtie, il faut aussi des vins plus simples », constate l’exploitant. Le résultat, c’est un développement commercial qui a quadruplé en quatre ans. Le chiffre d’affaires est passé de 250 000 euros en 2010 à presque un million d’euros en 2015.

Une réussite aussi basée sur l’investissement humain

À l’heure actuelle, le négoce finance l’EARL, et lui permet d’assurer les nouvelles plantations. « Sans la SARL nous pourrions tout juste équilibrer les comptes, indique le vigneron, alors qu’il me reste un potentiel de trois hectares de côte-rôtie à défricher et à planter. »

Par contre, Christophe Semaska prévient, cela ne se fait pas sans mal. « Depuis 2012 je travaille 72 heures par semaine, et l’activité négoce rajoute des tâches administratives. Il a fallu que ma femme me rejoigne pour m’épauler », assure-t-il. Car c’est surtout ainsi que le vigneron tire sa marge honorable : « Pour fixer mes prix, je me suis aligné sur la concurrence. Or, grâce à mes petits volumes, j’ai beaucoup moins de frais de charge que d’autres, et je prends sur mon temps personnel. » Avec le recul, il estime avoir pris la bonne décision : « J’aurais très bien pu décider d’acheter des vignes plus au Sud. Mais cela voulait dire investir encore et mettre l’entreprise en danger. Et aussi gérer à distance du personnel et des urgences, déplacer du matériel, etc. Je préfère rester concentré sur le côte-rôtie. » Difficile de ne pas acquiescer, quand on sait que le producteur vendait encore au négoce en 2009 !

Les résultats de la société de négoce financent les investissements de l’EARL

avis d’expert

Un bon modèle, mais qui demande de l’attention et de la trésorerie

Il n’y a pas de notion de taille d’entreprise pour se lancer dans le négoce. La clé du succès, c’est la valorisation du produit : l’activité ne peut être rentable que si l’on a un positionnement premium, à moins de manipuler les volumes de Castel ou Jeanjean ! Bien sûr, il vaut mieux avoir au préalable une bonne visibilité, et faire preuve de cohérence sur l’ensemble de la gamme : c’est la réputation du vigneron qui est en jeu. Être garant de la qualité implique un cahier des charges exigeant, et d’organiser son sourcing avec des producteurs partenaires. C’est un vrai métier qui demande de l’attention. D’autre part, il ne faut pas sous-estimer le besoin en trésorerie et en fonds de roulement. En cela il est impératif de réaliser un business plan en amont. Si le vigneron n’est pas à l’aise avec cela, il peut faire appel à un conseiller. Il faut également bien faire attention à rester dans la légalité, notamment sur l’utilisation du mot « domaine », qui est réservée aux vins vinifiés à la propriété. L’idéal étant de créer une marque éponyme. »

repères

Le domaine Christophe Semaska

2 sociétés 1 EARL pour la production et 1 SARL pour le négoce

Superficie du vignoble 7 hectares en côte-rôtie, 2 hectares en IGP coteaux de vienne, 0,4 hectare en saint-joseph et 0,6 hectare en condrieu

Production 70 000 bouteilles par an

Gamme 14 produits, dont 4 côte-rôtie, 2 saint-joseph, 2 condrieu, 2 rasteau, 2 côtes-du-rhône, 1 IGP oc et 1 IGP coteaux de vienne

Tarifs de 8 à 175 euros/bouteille

Chiffre d’affaires près d’un million d’euros en 2015

Masse salariale 5 ETP (équivalents temps plein)

Circuits de commercialisation 20 % des ventes à l’export

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