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« La vigne a rapidement réagi à la méthode Géophile »

À Tresques, dans le Gard, les domaines Bernard Perret se sont lancés dans la méthode Géophile. Une approche globale de la vigne imaginée par l’agronome Jacques Moreau, pour une gestion agroécologique.

Guillaume Casanove, Gilles et Romain Lacroix, François Tissot et Alain Dourthe (de gauche à droite) travaillent de concert pour mettre en application la méthode Géophile au Mas des Boutes. © X. Delbecque
Guillaume Casanove, Gilles et Romain Lacroix, François Tissot et Alain Dourthe (de gauche à droite) travaillent de concert pour mettre en application la méthode Géophile au Mas des Boutes.
© X. Delbecque

C’est une entreprise qui ne fait pas de bruit, et dont les techniciens accompagnent les viticulteurs avec tellement de passion qu’ils en oublieraient presque le reste. Aussi n’en avez-vous sûrement jamais entendu parler, ou bien par bouche-à-oreille. Cette petite société, c’est la SARL Jacques Moreau, du nom de l’ingénieur agronome qui développe depuis une vingtaine d’années une méthode baptisée Géophile. « Cela consiste à proposer aux viticulteurs une approche globale, qui repose sur des pratiques, des produits formulés par nos soins ainsi qu’un accompagnement, explique François Tissot, responsable du conseil et de la distribution pour la méthode Géophile sur la vallée du Rhône et l’arc méditerranéen. Le principe de base est d’avoir un sol vivant ainsi qu’une plante forte et équilibrée pour arriver à une récolte de qualité. »

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Les premiers effets visibles en deux années seulement

Depuis deux ans, cette démarche est mise en œuvre sur un îlot de 26 hectares des domaines Bernard Perret à Tresques dans le Gard. C’est le prestataire Gilles Lacroix, viticulteur et cogérant d’une ETA dans la même commune, qui est chargé de l’application. Ce professionnel chevronné, qui a connu aussi bien la viticulture conventionnelle des années 90 que la viticulture biologique en 2009, a été agréablement surpris par le changement de comportement des vignes qu’il travaille pour Bernard Perret. « La réaction du végétal a été énorme, relate-t-il. Au départ les vignes étaient faibles, lors de la taille les bois étaient ridicules, les plantiers sortaient difficilement 15 hl/ha. En l’espace de deux ans, on se retrouve avec de beaux bois lors de la taille. En 2020, il y a eu une belle charge en raisin sur les plantiers. Alors qu’il n’y a pas eu d’apport d’engrais ! » Le viticulteur l’affirme : les sols ont changé. Ils sont plus libres, plus aériens, la structure est meilleure. « J’ai travaillé beaucoup de vignes, mais je n’ai jamais vu une telle transition », dit-il. Alain Dourthe, conseiller viticole chez EAS, structure dont Bernard Perret est actionnaire, confirme ces observations. « Je suis étonné par la rapidité du changement qui fait suite à la mise en place de la méthode », avoue le conseiller. Il regarde de près les apports de cette méthode qui pourrait peut-être faire partie des solutions proposées un jour à ses viticulteurs.

Lors des premières préconisations Géophile fin 2019, les 26 hectares de vigne du Mas des Boutes à Tresques avaient un historique conventionnel. La première action fut un passage à l’automne d’acides fulviques sur le sol, à hauteur de 10 l/ha. « Ce sont des molécules petites et mobiles qui aident à rendre les minéraux disponibles et absorbent les résidus de désherbant », justifie François Tissot. Puis au printemps, ce fut un apport d’acides humiques. « Ces molécules sont plus persistantes, explique l’expert. Le but de cet apport était d’optimiser les ressources déjà disponibles dans le sol. »

Apporter des micro-organismes pour activer la vie dans le sol

La méthode Géophile intègre aussi la pratique des thés de compost. Le but étant d’augmenter la quantité et la diversité des micro-organismes dans le sol. La société Jacques Moreau formule notamment une spécialité étudiée pour activer les sols, nommée Humigene PFFB, à base de compost végétaux, lombricomposts ou encore extraits d’algues marines. Ces composants sont brassés et mis à fermenter pendant 24 heures dans une cuve (l’Aeroflot, fourni par la société) avant application sur le sol. « Nous avons fait un passage de thé de compost cet hiver, précise Gilles Lacroix. Ça sent fort mais ce n’est clairement pas bien compliqué ! » « Ici nous avions un sol avec un taux de matière organique confortable : 2,5 %, mais pas forcément efficient, commente François Tissot. Des analyses biologiques réalisées par HortiNova ont montré qu’il avait un nombre correct de vers de terre et de protozoaires. Ils ont eu la paix longtemps car il n’y avait pas de travail du sol. Le taux de bactéries était lui aussi correct. En revanche il y avait très peu de champignons. » Cet apport vise donc à rééquilibrer la présence des quatre principaux types de micro-organismes essentiels pour le sol que sont les champignons, les bactéries, les nématodes et les protozoaires.

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Une plante bien nourrie et stimulée pour résister aux attaques

Tout au long de la campagne, les conseillers de la méthode Géophile accompagnent également les viticulteurs dans la stratégie phytosanitaire. « Nous travaillons principalement avec des exploitations en bio, aussi les préconisations sont souvent basées sur le cuivre et le soufre, mais ce n’est pas exclusif, note François Tissot. Nous intégrons beaucoup le principe de stimulation des plantes, avec des produits à base d’aloe vera, de silice, de laminarine, de fenugrec… » Les produits formulés pour la méthode Géophile par Jacques Moreau viennent en complément du programme pour mettre la vigne dans de meilleures dispositions. On trouve des engrais liquides comme le Silizinc ou le Silicuivre, qui contiennent des éléments de stimulation mais aussi des composés comme le glutamate, destiné à améliorer l’assimilation des éléments ainsi que l’action du cuivre. Ces engrais contiennent aussi bien souvent des oligoéléments essentiels pour le métabolisme de la vigne tels que le bore ou le manganèse. « Les processus de défense de la plante sont très énergivores, ça demande à la vigne de mobiliser beaucoup de ressources aussi bien dans son organisme que dans le sol, notre travail est de mettre ces ressources à disposition, résume François Tissot. C’est comme un marathonien, il a beau être prêt physiquement, s’il ne mange pas avant sa course il n’arrivera pas au bout. »

Une agrégation de savoirs accumulés au fil du temps

Un autre aspect technique de la méthode Géophile est la prise en compte de la bioélectronique, ou potentiel rédox. « Il faut bien voir que cette méthode est une agréation de différents savoirs accumulés au fil du temps par le gérant, pointe au passage Guillaume Casanove, responsable commercial de la SARL Jacques Moreau. Il y a un gros travail de bibliographie scientifique et d’observation des évolutions dans le monde de la recherche. Et tout cela est ensuite corrélé avec ce que l’on remonte des observations du terrain. » Question coût, François Tissot estime qu’un tel programme de protection foliaire revient entre 300 et 350 €/ha/an. « C’est plus cher qu’un programme cuivre/soufre tout simple, mais nous apportons autre chose, notamment sur l’équilibre du végétal. Je pense qu’économiquement ce n’est pas incohérent », estime-t-il.

Avoir une bouillie phytosanitaire au même pH que la feuille

La réflexion sur la bioélectronique, menée depuis trois ans maintenant, se matérialise ici dans l’adéquation au pH foliaire. L’idée, pour avoir une bouillie pleinement efficace, est qu’elle soit à des conditions similaires à la plante, à savoir avec un pH proche de 6. Or les bouillies bio sont souvent très basiques, à cause du soufre notamment. Les conseillers préconisent donc d’utiliser un jus de céréales lactofermenté (le kanné) en adjuvant, pour son pouvoir acidifiant et réducteur. « Pour le coup, je fais pleinement confiance à François dans le choix des produits et les périodes d’application, avoue Gilles Lacroix. Au départ j’étais surpris par la diversité des produits et par les faibles dosages, même en cuivre. Mais je constate que ça fonctionne bien, j’ai vu de bons résultats l’an dernier. Malgré la très forte pression, nous avons fait un nombre de passages honnêtes. Nous étions en dessous des 4 kg de cuivre, et il n’y a pas eu de problème sanitaire. En revanche la réactivité pour les traitements est primordiale. »

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