« La microoxygénation est-elle indiquée pour mes vins rouges ? »
Plébiscitée dans les années 2000, la microoxygénation semble aujourd’hui délaissée. Cette opération est-elle toujours intéressante ? À quels types de vins convient-elle ? Les réponses des spécialistes.
Plébiscitée dans les années 2000, la microoxygénation semble aujourd’hui délaissée. Cette opération est-elle toujours intéressante ? À quels types de vins convient-elle ? Les réponses des spécialistes.
Philippe Chrétien, ingénieur œnologue à l’IFV
« Un outil particulièrement intéressant pour les vins du val de Loire »
En post-FA, cette opération structure les vins ; elle stabilise les polyphénols et évite leur précipitation. En post-malo, cela joue sur la maturité aromatique, avec une diminution du côté végétal et une augmentation du fruité. La microoxygénation accroît également le gras, la rondeur, le volume en bouche et l’enrobage des tanins. On cherche à faire évoluer le pouvoir réducteur des tanins pour diminuer leur réactivité. En revanche, il faut éviter d’arriver sur des tanins secs.
Pour bien piloter cette pratique, en post-FA, il faut attendre l’apparition d’une pointe d’éthanal (arômes de cacao, pomme mâchée). Ce défaut disparaîtra ensuite car l’éthanal sera utilisé lors des combinaisons anthocyanes-tanins et tanins-tanins. On peut apporter environ 10 à 30 cm3/l de vin par mois, parfois plus, sur une durée assez courte de quelques jours.
En post-FML, le pilotage s’effectue à la dégustation, complétée par le dosage de l’oxygène dissous qui doit rester proche de zéro (moins de 0,4 mg/l). On apportera entre 0,5 et 2 cm3/l/mois, pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, en fonction du vin et du profil aromatique recherché. Il faut éviter d’arrêter la microoxygénation d’un coup ; une réduction progressive des doses laissera le temps au vin de se stabiliser. »
Florent David, œnologue-conseil en vallée du Rhône
« La microoxygénation durant la fermentation favorise la production d’arômes »
Enfin, lorsqu’apparaissent des problèmes de réduction au cours de la fermentation, l’apport d’oxygène sous forme de microbullage est nécessaire pour éliminer les composés formés et prévenir l’évolution négative.
La microoxygénation à l’élevage présente des avantages similaires à ceux observés pendant la fermentation, tels que l’adoucissement des tanins et la réduction de la perception végétale dans les vins. Cette technique est particulièrement intéressante pour les raisins rouges récoltés précocement et encore plus bénéfique pour les raisins dont les arômes végétaux sont très prononcés lorsqu’ils sont en sous-maturité, comme c’est le cas pour le cabernet.
L’utilisation de la microoxygénation doit être maîtrisée afin d’éviter les effets indésirables d’une oxydation excessive. »
Dimitri Basevi, œnologue-conseil chez Enosens, à Grézillac en Gironde
« La microoxygénation affine le vin, lui apporte de la rondeur et l’ouvre à son meilleur potentiel »
Lors de l’élevage, la microoxygénation agit comme un contenant poreux (barrique, amphore), en optimisant le potentiel redox du vin. Cela affine le vin, lui apporte de la rondeur et l’ouvre à son meilleur potentiel. Alliée à des staves et des copeaux lors d’un élevage en cuve, elle permet une meilleure intégration du boisage et mime un élevage en barriques.
Le pilotage de la microoxygénation est très technique, il est indispensable de bien adapter la dose apportée au vin et au stade. Pour cela, il faut étudier la matrice en dégustant, et identifier les types de tanins du vin. S’ils sont réactifs et verts, le vin aura besoin de beaucoup d’oxygène, sans quoi il sera réduit en bouteille. Si les tanins sont fermes, il ne faudra que peu d’oxygène, afin d’éviter de les assécher. En présence de tanins secs, l’apport d’oxygène augmentera leur agressivité. Dans tous les cas, un pilotage fin est indispensable et les doses d’oxygène apportées sont souvent très faibles. »