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La HVE, un futur standard environnemental

Pionnière de la HVE, la filière viticole accélère le mouvement. Reste à savoir si la massification de la certification va se conjuguer avec la notoriété de la démarche et la valorisation que les viticulteurs espèrent.

© P.CRONENBERGER

Le nombre d’exploitations viticoles HVE a progressé de 38 % au seul premier semestre 2019 pour approcher les 2 000. Si c’est encore loin des plus de 6 700 exploitations bio, le mouvement s’accélère. « Sur 2019/2020, on a beaucoup plus de demandes en HVE. Ce qui a changé c’est que la grande distribution a décidé de mettre en place des lignes HVE », résume Florian Ceschi, directeur du courtier Ciatti Europe. « On s’oriente vers quelque chose de parlant pour le consommateur. C’est un vrai changement de méthode pour les vignerons coopérateurs dont certains étaient éloignés de cette réflexion », se satisfait Boris Calmette, président des Vignerons coopérateurs. Pierre-Luc Alla, consultant HVE et RSE chez AOC-Conseils, égraine les atouts de la HVE par rapport à d’autres démarches : « la force de la HVE est de dépasser le seul secteur du vin. Elle permet au viticulteur de se prendre par la main car elle intègre le langage qu’il connaît, c’est à son niveau d’action ».

Un préalable pour accéder à des marchés

Mais si les conversions se développent, ce n’est pas aujourd’hui grâce à la valorisation économique des produits certifiés HVE. « Nous avons l’espoir que ça soit valorisable mais dans le pire des cas nous savons que ça sera la voie d’entrée sur le marché. La HVE permet de prouver ce que l’on promet », admet Boris Calmette des Vignerons coopérateurs. « La HVE n’a pas vocation à être payée plus mais à être un standard de qualité pour rentrer sur un marché », estime pour sa part Florian Ceschi chez Ciatti Europe. Il a tout de même observé une légère augmentation sur certains créneaux de vin comme les rosés en IGP d’oc mais de l’ordre de 2 ou 3 %, donc rien de comparable avec la valorisation que connaissent les vins bio.

« Que la HVE permette un accès au marché est déjà en soi une valorisation, estime Jean-Jacques Jarjanette, directeur général des Vignerons indépendants. La HVE ajoute une dimension à communiquer aux consommateurs. Ce n’est pas qu’un logo ». Pour Laurent Brault, responsable développement de la HVE aux Vignerons indépendants, « c’est d’abord une signature qui indique un rapport qualité-prix et permet de sortir de la simple allégation ».

Pierre-Luc Alla, chez AOC-Conseils, estime aussi que la HVE « est un prérequis qui permettra de vendre les produits ». Selon lui, « l’effet ne sera pas au niveau du prix. La HVE va recréer du lien entre les viticulteurs et les consommateurs, ça va redonner de la confiance ».

L’essor de la notoriété se joue sur le terrain

Pour l’instant, la démarche HVE est méconnue, ce qui freine une éventuelle valorisation née d’une forte demande. La massification de la présence du logo dans les différents rayons devrait populariser la démarche, mais atteindre la notoriété du label AB fort de ses 30 ans d’ancienneté nécessite forcément du temps. Jean-Jacques Jarjanette évoque le lancement d’une étude de notoriété en début d’année.

Obtenir du ministère de l’Agriculture une grande campagne nationale valorisant la démarche est l’un des objectifs de l’Association pour le développement de la HVE dont il est l’un des fondateurs. Mais pour l’heure, si le ministère a « intégré la demande », cette campagne ne semble pas sur les rails.

C’est donc sur le terrain que se joue la bataille de la notoriété. « Dans nos salons, nous constatons que les valeurs portées par la HVE sont bien accueillies, constate Laurent Brault. Dès la 2e ou 3e année d’affichage dans les allées, on a un visitorat qui a imprimé la HVE. »

Chaque certifié a donc sa petite pierre à apporter à l’édifice ! Même si la HVE se banalise, Pierre-Luc Alla estime que ça n’empêche pas de se différencier. « Il y a un gros travail préalable à faire sur son identité. La HVE vient catalyser tout ça. » Et de citer l’exemple d’un domaine « qui s’est rendu compte qu’il avait autant d’espaces de biodiversité que de vignes entre prairies, jachères, arbres… Les propriétaires se sont dit qu’ils allaient mettre en avant cette forme de compensation ».

Pour lui, la meilleure utilisation du logo « c’est la piste cyclable devant les vignes ou sur les appareils de traitement ». Un conseil à méditer alors que la réglementation sur les ZNT entre en vigueur.

La grande distribution, un rôle d’accélérateur

En recherche de certifications environnementales répondant aux attentes de ses clients, la grande distribution joue la carte de la HVE. Mais au-delà de la vente, le réseau doit contribuer à populariser et valoriser la démarche.

Multifilière et publique à l’image du bio, la HVE a déjà deux atouts forts pour la grande distribution. L’implication d’ONG comme France nature environnement ou Greenpeace dans son élaboration est également une motivation majeure à l’heure où le « bashing » ne touche pas que les agriculteurs. Autre point fort, l’accessibilité des produits certifiés. « Le prix est l’un des freins identifiés au développement du bio. Il est de l’ordre de 30 % supérieur au conventionnel », pointe Pierre Scohy, directeur général filière Vins agromousquetaires (Intermarché). Les 8 références HVE lancées au printemps 2019 par l’enseigne sous sa marque Expert club sont 10 % plus chères que les vins conventionnels équivalents.

Un rôle pédagogique inhabituel à inventer

Chaque enseigne a sa façon d’intégrer la HVE. « C’est une démarche complémentaire du bio. Elle rentre dans la stratégie Act for food de Carrefour », indique Audrey Sonnendrecker directrice marketing catégorie vins, champagnes mousseux de l’enseigne. La HVE fait partie des démarches dites de « transition alimentaire » aux côtés des vins bio, Demeter, Biodyvin, sans sulfite ou Terra Vitis.

Mais la méconnaissance de la certification est identifiée comme un frein. Comme il est difficile d’expliquer quoi que ce soit en rayon, chez Carrefour, la mise en avant se concentre sur les foires aux vins, les prospectus offrant un espace de communication. Une possibilité qui reste limitée. « Il va falloir un peu de temps pour que la HVE rentre dans les mœurs », regrette Audrey Sonnendrecker. Elle mise sur l’effet volume à venir. « Beaucoup de nos fournisseurs seront HVE en 2020 ou 2021, notamment à Bordeaux. Cette offre plus conséquente nous donnera matière à communiquer. » Mais elle suggère une meilleure lisibilité de la démarche sur les bouteilles, à l’image des logos bio. « Il faudrait qu’il y ait un alignement sur la couleur, qui est soit marron, soit noire, et sur les emplacements. »

Chez Intermarché, c’est la bouteille qui communique toute seule. L’enseigne, qui est à ce jour la plus engagée dans la démarche HVE, a mis carrément le logo en gros sur les étiquettes de ses huit premières références HVE. Y sont aussi affirmés les principes de la démarche. L’enjeu de notoriété est d’autant plus important qu’Intermarché ambitionne de commercialiser 100 % de vins HVE sous sa marque Expert club d’ici 2025.

Redonner de la valeur au rayon

L’enseigne avance une progression mensuelle des ventes de 15 % depuis le lancement. « En mars-avril on changera de millésime sans avoir de stock. C’est une énorme satisfaction », s’enthousiasme Pierre Scohy, le directeur de la filière Vins. Il annonce une trentaine de références en 2020" et "un habillage plus conventionnel tout en mettant en avant le logo ».

Reste à avoir les volumes. « Nous sommes là pour accompagner les vignerons vers la conversion, assure Pierre Scohy. Dans chaque région on adapte le modèle économique selon qu’on achète des raisins ou du vin." En Alsace, l’enseigne a développé des contrats pluriannuels « d’au moins cinq ans » et rémunère les raisins 10 % plus chers. À terme, le rayon va se restructurer : « les vins conventionnels resteront pour les premiers prix. Notre marque MDD doit être la référence qualité prix du rayon". Les vins bio seraient au dessus, avec les vins premium. "La HVE est aussi un outil pour redynamiser le rayon en apportant de la valeur ajoutée pour le consommateur sans l’exclure », considère Pierre Scohy. Au consommateur maintenant de percevoir le gain de cette démarche à son niveau.

Pour tout savoir sur la HVE: 

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