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La filière vitivinicole se mobilise sur le recrutement

Les exploitations viticoles rencontrent de plus en plus de soucis pour recruter des salariés, qu’ils soient saisonniers ou permanents. Une problématique dont les différents bassins sont en train de s’emparer.

La filière fait face à un manque de main-d’œuvre. Il va lui falloir évoluer pour remédier à cette situation.
La filière fait face à un manque de main-d’œuvre. Il va lui falloir évoluer pour remédier à cette situation.
© Réussir SA

« Il devient de plus en plus dur de trouver des vendangeurs, c’est très inquiétant », alertait il y a quelques mois François Dal, conseiller en viticulture à la Sicavac. « Nous avons eu de grosses difficultés à trouver des vendangeurs cette année », renchérit Gaëlle Defour, technicienne viticole des vins de Savoie. Et l’écho est le même dans pratiquement toutes les zones viticoles. En Bourgogne, où Anne-Claire Reynaud, consultante en recrutement au Mercato de l’emploi de Dijon, rapporte des pénuries de vendangeurs et de tractoristes. Ou encore vers Bordeaux, où « on estime qu’environ 5 000 postes sont non pourvus en viticulture en Gironde tous les ans », pointe Marie-Catherine Dufour, directrice technique du CIVB. Elle souligne que du côté du négoce, de nombreux postes sont aussi vacants.

C’est donc un fait. Le problème du recrutement en viticulture est de plus en plus prégnant. Mais à quoi est-il dû ? Certainement à une conjonction de facteurs. D’un côté, « il y a une méconnaissance importante voire totale de nos métiers, analyse l’interprofession bourguignonne. Et le secteur pâtit d’une image chargée de patriarcat, de pénibilité, de fermeture aux non avertis ». De l’autre côté, la filière connaît une hausse des besoins en main-d’œuvre générée par les conversions en bio, biodynamie ou même au passage à la HVE. À tout cela s’ajoute la mutation profonde de la filière, qui est passée d’un modèle de fonctionnement familial à un modèle salarial, comme l'explique le sociologue François Purseigle.

Une pénurie qui engendre des problèmes techniques et/ou juridiques

Ainsi, tractoristes, vendangeurs, cavistes, ébourgeonneurs, tailleurs ou chargés administratifs manquent à l’appel. Ce qui génère des problèmes. « Faute de trouver en direct des salariés, les viticulteurs font de plus en plus appel à des prestataires de services, note François Dal. Or cela entraîne une perte de savoir-faire ». Quand cela n’amène pas des problèmes d’ordre juridique. « Le viticulteur reste l’employeur, même s’il passe par une entreprise de prestation, rappelle Sylvestre Bertucelli, délégué général de la Confédération des vignerons du Val de Loire. Il doit donc vérifier que les papiers du personnel qui travaille chez lui soient en règle. » Conscients de ce problème, les différents organismes de la filière tentent d’aider les vignerons.

Un site d’offres d’emploi et un programme de valorisation des métiers

Ainsi, la Bourgogne a créé Vita Bourgogne, un programme de valorisation des métiers, formations et offres d’emploi de la filière vitivinicole locale. « Ce programme s’appuie sur le site internet vitabourgogne.com, qui réunit tout ce qui est nécessaire à un internaute pour découvrir un métier, se mettre en relation avec un organisme de formation pour obtenir et parfaire ses compétences, et postuler aux offres d’emploi publiées par les professionnels du secteur », détaille Laure-Anne Godek, coordinatrice de Vita Bourgogne.

Pour les professionnels, ce site a une fonction RH leur permettant « d’y publier leurs offres d’emploi, mais également vers une quinzaine d’autres sites d’emploi (dont Pôle emploi), expose Laure-Anne Godek. Ils peuvent y gérer les candidatures, de la réception des CV à l’embauche." Tout cela est doublé de campagnes de communication classiques (affichage périurbain et radio sur la région, présence aux évènements locaux), mais aussi sur les réseaux sociaux.

Une initiative qui semble heureuse, puisqu’un an après son lancement, le site a déjà accueilli plus de 600 offres d’emploi, pour un peu plus de 5 500 candidatures.

Un partenariat avec Cap Métiers pour déclencher des vocations

À Bordeaux, l’interprofession s’est emparée du sujet depuis deux ans, via la mise en place d’un partenariat avec Cap Métiers, une agence régionale spécialisée dans l’orientation, la formation, l’emploi et les métiers. « L’un des volets est de recevoir des jeunes de troisième en stage sur les domaines, décrit Marie-Catherine Dufour. S’ils sont bien accueillis, cela peut leur donner de l’appétence pour le métier. »

L’interprofession va organiser « un tour » d’une semaine au mois de mars, afin de mettre en contact des demandeurs d'emploi ainsi qu'environ 700 jeunes avec des vignerons, et de montrer les différents métiers de la vigne et du vin par le biais de vidéos, de conférences ou encore de démonstrations. « Nous allons aussi essayer de casser les codes, avec par exemple un film mettant en scène une tractoriste, afin d’attirer des femmes », relève Marie-Catherine Dufour. Créer de nouvelles formations diplômantes et des partenariats forts avec les établissements de formation est également au programme.

Se rapprocher des chantiers d’insertion, de la filière maraîchage et explorer la piste de la main-d’œuvre étrangère peuvent aussi s’avérer payants, énumère Anne-Claire Reynaud. « Il faut repenser le lien entre ville et campagne, complète-t-elle. Il y a d’un côté des réfugiés qui peuvent travailler en France, et de l’autre un besoin de main-d’œuvre. Pour cela, il est possible de travailler avec la Croix Rouge ou avec des associations. »

Mais si la filière veut séduire et se renflouer, il va aussi falloir qu’elle évolue. « Les domaines doivent songer à recruter sur le savoir-être et non sur le savoir-faire », suggère Marie-Catherine Dufour. Un conseil repris par Anne-Claire Reynaud, qui prévient qu'« il ne faut pas cacher la réalité du métier mais au contraire, oser dire la vérité. Sinon, on risque de se retrouver avec la mauvaise personne, au mauvais endroit ». Par ailleurs, il faut offrir aux salariés la possibilité de monter en compétence, d’avoir une évolution, une progression au sein de l’entreprise. Il faut être attentif à leurs besoins, à leurs aspirations. Avoir une vision managériale, en somme.

 

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