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Greffage en place des complants : ils l’ont testé

Pour améliorer la reprise des complants, certains viticulteurs installent le porte-greffe seul, puis réalisent un greffage en place. Le point sur les avantages et inconvénients de cette technique.

Au domaine Tempier, les complants sont greffés en écusson par le prestataire Worldwide Vineyards, dès qu'ils sont assez gros.
Au domaine Tempier, les complants sont greffés en écusson par le prestataire Worldwide Vineyards, dès qu'ils sont assez gros.
© D. Ravier

Certains viticulteurs ne jurent que par le greffage en place lors de l’installation d’une parcelle. Mais cette pratique a-t-elle aussi un intérêt dans le cas de la complantation ? Daniel Ravier, directeur du domaine Tempier, au Plan du Castellet, dans le Var, en est convaincu. Cela fait presque vingt ans qu’il procède ainsi sur l’intégralité des parcelles du domaine. « J’en avais marre de dépenser de l’énergie dans des complants et d’avoir, malgré tous nos efforts, des mauvais résultats, pose-t-il. Parfois nous arrosions cinq fois dans l’année pour avoir des petits plants chétifs et rabattus même en quatrième ou cinquième feuille. »

Le directeur ayant observé que les vieilles vignes, greffées en place par la famille vigneronne, semblaient en meilleur état que les autres, il a tenté la technique sur les complants. Et n’est jamais revenu en arrière. « Il semble que le porte-greffe seul fasse son chemin sans être perturbé, même entre deux ceps adultes, remarque Daniel Ravier. Il se débrouille bien. » Depuis, les complants du domaine Tempier connaissent un retour en production à un taux normal en cinq, voire six ans. « Nous avons moins de problèmes qu’avec les plants greffés-soudés à l’époque, estime le directeur, pourtant nous ne faisons qu’un ou deux arrosages. De ce que j’ai pu voir, le système racinaire du porte-greffe seul va plus loin : les quelques fois où nous avons dû arracher des plants de 4-5 ans, l’enracinement était impressionnant. »

Accompagner le greffon tout au long de la pousse

Le directeur opte pour des porte-greffes vigoureux comme le rupestris ou bien des croisements entre rupestris et berlandieri, provenant d’un pépiniériste. Il les plante tôt, dès janvier, les tuteure et les attache au cours de la saison. « L’hiver, on les arase davantage qu’on ne les taille, puisque la tête sera éborgnée », précise-t-il. Lorsque le pied est assez gros pour recevoir une greffe en T-bud, généralement la troisième ou quatrième année, il fait appel à la société Worldwide Vineyards, spécialiste de ce type de greffage. « On ne fait pas de greffe en fente car j’ai personnellement un peu de mal à l’idée de décapiter un cep. Et si ça ne prend pas, c’est foutu », admet le directeur.

Opter pour le greffage en place des complants amène toutefois son lot d’inconvénients. Car, une fois l’opération effectuée par le prestataire, il faut passer régulièrement pour accompagner le greffon et éborgner la tête. Ainsi le domaine Tempier travaille par secteurs, et ne complante que sur un tiers du parcellaire tous les ans. « Nous commençons à avoir un peu de recul, et je suis satisfait des complants que l’on a réalisés il y a déjà une quinzaine d’années, assure Daniel Ravier. C’est en tout cas ce que j’observe sur notre domaine, ça n’est peut-être pas vrai pour tout le monde. Certains de mes voisins ont de bons résultats avec des greffés-soudés. »

Un geste technique dont la réussite dépend de différents facteurs

Il semblerait effectivement qu’il n’y ait pas de règle universelle en ce qui concerne la réussite de cette pratique. Guillaume Guiroux, également viticulteur dans le Var, à Saint-Antonin, l’a tentée dans ses vignes sur environ 1000 complants, et s’est retrouvé avec des plants qui végètent. « Il n’y en a pas un assez gros pour être greffé », déplore-t-il. Il en va de même pour certains domaines pour lesquels il a travaillé. Fabien Garcia, viticulteur dans l’Aude, a également pratiqué le greffage en place des complants pendant un temps, avec des greffes en fente. Pour lui aussi, c’est net, le raciné prend mieux que le greffé-soudé. Même si « certaines années il y avait un peu de perte à la reprise des greffes, concède-t-il. Peut-être un problème de météo. »

« Il faut dire que cette pratique ne s’improvise pas, explique François Chaudière, spécialiste du greffage sur vigne et gérant de l’entreprise Épibiote, dans l’Hérault. Elle nécessite des conditions particulières, notamment de qualité des plants. Et c’est un geste qui demande une certaine maîtrise, qui s’acquiert sur le terrain, pas dans les livres. » Avec ses stagiaires, il obtient des taux de reprise autour de 90 % lors des mises en pratique. Le spécialiste recommande le greffage en place des complants plus particulièrement lorsque les conditions sont difficiles (forte concurrence, aridité). Cette technique ne semble donc pas être une voie royale, mais une piste à explorer pour les viticulteurs ayant des difficultés à faire prendre les complants. Et du temps à y consacrer…

Olivier Yobrégat, ingénieur responsable matériel végétal à l’IFV

Une pousse facilitée mais beaucoup de main-d’œuvre

 

 
Olivier Yobrégat, ingénieur responsable matériel végétal à l’IFV
Olivier Yobrégat, ingénieur responsable matériel végétal à l’IFV © IFV
« L’avantage de greffer en place pour la complantation, c’est que les variétés de porte-greffe sont vigoureuses : elles poussent vite, s’enracinent rapidement et ne craignent pas les maladies cryptogamiques qui pourraient gêner leur développement. De même, le point de greffe peut pénaliser la circulation de la sève les premières années. Donc sur le fond, l’idée est valable. Mais greffer en place est un acte technique, qui demande en outre beaucoup de main-d’œuvre. D’autant plus dans le cas des complants, où il faut arpenter les parcelles pour les trouver.

Le Chip-bud demande un bon greffeur, deux tuteurs pour protéger le plant, un arrosage soigné, d’attacher la pousse qui est rapide et vigoureuse, puis d’enlever le tire-sève… sans compter que la machine à vendanger peut décoller le greffon la première année. La greffe en fente est possible, mais demande quant à elle de butter, débutter, et un diamètre un peu plus gros pour que le pied l’accepte, donc plus de temps. Et planter un raciné ne dispense pas de faire un trou correct, d’arroser, de désherber, comme pour les complants greffés-soudés. Cela mériterait une étude technico-économique sérieuse par rapport à un greffé-soudé bien soigné. »

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