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Des vins végans, pour une responsabilité sociétale

Pierre Vidal, vigneron et négociant, a lancé une gamme de vins végans l’an dernier. Une manière pour lui de prendre en compte l’évolution de la demande sociétale.

« Toute ma gamme bio est végane », annonce sans ambages Pierre Vidal, vigneron mais surtout négociant à Châteauneuf-du-Pape, dans le Vaucluse. Soit 50 à 70 % des volumes commercialisés par son entreprise de négoce. Pour son vin personnel, il n’a en revanche pas sauté le pas. « J’attends de passer bio pour demander une certification végane, explique-t-il. Or l’exploitation grossit peu à peu. J’attends donc que la superficie soit stable pour me convertir. »

Au négoce, la transition s’est opérée en 2016, à l’initiative de l’une des salariées de la société. « Je pars du principe qu’il faut remettre l’homme au centre des débats, expose-t-il. La réussite de mon entreprise repose sur mes fournisseurs, puis sur mon équipe. Il y a quelques années, l’une de mes collaboratrices m’avait suggéré de mettre en avant nos vins bio dans une gamme. » Une très bonne idée qu’il s’empresse de mettre en place et qui connaît un beau succès sur le marché. « Il y a une vraie demande, se réjouit Pierre Vidal. Je vends tout ce que j’ai en cave et suis à sec sur le bio. » Puis en 2014, à l’issue de trois années d’expérimentation, il lance une gamme de vins sans soufre, là aussi avec succès. Il en écoule à présent environ 70 000 cols par an.

Depuis, une autre de ses collaboratrices, Marion Lizée, qui est végane, l’a orienté vers ce type de produit. « Je me suis dit pourquoi pas, poursuit-il. Je pense qu’en tant qu’entreprise, on a une vraie responsabilité sociétale. Quand on peut aider des gens qui ont des problématiques dans leur quotidien, il faut le faire. » Une réflexion débute alors, même si ce créneau ne concerne encore que 5 à 10 % de la population. Pour répondre au cahier des charges végan, la seule contrainte étant de ne pas avoir de produit d’origine animale dans le vin, l’équipe se met à plancher sur les colles. « Nous avons fait des essais comparatifs avec un même vin collé à la gélatine animale, à la végétale et sans collage », indique Pierre Vidal. Au final, si les meilleurs résultats ont été obtenus avec des gélatines animales, ceux sans collage sont arrivés juste derrière. « Le collage revêt toute son importance sur des vins de vingt ou trente ans, estime-t-il. Cela leur confère une vraie droiture dans le temps. Mais nos bouteilles sont destinées à une rotation beaucoup plus rapide. Nous avons donc décidé de nous affranchir de cette étape sur tous nos vins bio. » Une fois cette décision actée et mise en place, l’équipe a monté un dossier de demande de certification, et l’a adressé à Expertise végane Europe (EVE Vegan). " Nous sommes entrés en contact avec plusieurs organismes certificateurs, rapporte Marion Lizée. Celui qui s’est avéré le plus à l’écoute de notre projet, et qui nous a semblé le plus fiable, le plus rigoureux, et le plus à même de nous accompagner dans notre démarche était EVE Vegan. " Pour un coût d’environ 150 euros par produit, et après un à deux mois, l’organisme délivre une certification, valable vingt-quatre mois.

Une tendance qui va de pair avec une moindre pollution

Si la démarche n’est pas partie d’une demande du marché, Pierre Vidal n’exclut pas que cette mention revête un intérêt commercial à plus ou moins longue échéance. « Je pense que le véganisme est une tendance à long terme, analyse le négociant, liée au fait qu’il faille moins consommer pour moins polluer. On est conscient qu’on ne pourra pas continuer à se nourrir comme on le fait. La tendance du 'je préserve l’environnement et le bien-être animal' est amenée à progresser. » Pour autant, à l’heure actuelle, ses clients ne semblent pas particulièrement demandeurs de ce label. « Mais je commercialise mes vins auprès de la grande distribution, nuance Pierre Vidal. L’aspect négociation est important. Mes interlocuteurs me disent peut-être que ça ne les intéresse pas trop, pour ne pas avoir d’augmentation de prix. Je pense qu’au fond ils sont tout de même demandeurs. » Tant et si bien qu’il appréhende un problème de marché, comme ce fut le cas sur les vins bio en 2010. « Il y avait eu une surmédiatisation, ce qui fait que les GD ont consacré une surface linéaire à ces produits 5 à 10 fois plus importante que leur part de marché réelle, se remémore-t-il. Du coup, elles ont fait marche arrière, ce qui a provoqué un effondrement des prix. Là, il risque de se passer la même chose sur le végan. »

Néanmoins, si la certification végane en venait à être plus restrictive, l’entreprise pourrait la délaisser. « Nous allons rester en veille sur l’aspect réglementation, prévient Pierre Vidal. Peut-être que nous modifierons certaines choses dans notre process pour nous adapter aux nouvelles exigences. Mais si, pour qu’un vin soit végan, il faut être sûr qu’aucun insecte n’est tombé dans la cuve, on arrêtera d’en faire », illustre-t-il.

Le logo ou la mention vin végan pour toute communication

D’un point de vue concret, il appose au choix la mention « vin végan », ou le logo « EVE Vegan » de l’organisme certificateur label Expertise végane Europe, sur l’étiquette ou la contre-étiquette. Mais l’entreprise ne met pas plus que cela en avant la certification.

À l’avenir, Pierre Vidal aimerait aller plus loin dans la démarche de responsabilité sociétale, avec pourquoi pas des étiquettes en braille, comme le fait la maison Chapoutier. « Mais pour l’instant, cela reste trop onéreux pour nous », regrette-t-il. Il s’est donc rabattu sur un packaging plus écologique. Sur toute sa gamme bio, il a opté pour les bouchons Neutrocork d’Amorim, réalisés à partir des chutes de liège agglomérées avec des colles à l’eau. De même, il se dirige vers des étiquettes et des cartons plus écologiques…

Quand on peut aider des gens qui ont des problématiques dans leur quotidien, il faut le faire.

repères

Pierre Vidal

Domaine 4 hectares, à Lirac
Négoce basé à Chateauneuf-du-Pape
Salariés cinq et un agent commercial
Gamme 15 à 20 produits
AOC costières de nîmes, côtes-du-rhône villages (plan de dieu, saint maurice, suze-la-rousse, séguret, signargues), cairanne, rasteau, vacqueyras, chateauneuf-du-pape
Prix 6 euros la bouteille en moyenne
Commercialisation 1 à 1,2 million de cols par an
Chiffre d’affaires environ 4 millions d’euros

" Adapter son mix produit à celui des vins écoresponsables "

"À l’heure actuelle, le marché du vin végan n’est pas significatif. Mais il fait partie de la grande famille des vins écoresponsables, à l’instar des vins bio, biodynamiques, natures, ou non-sulfités. C’est un produit de niche qui s’inscrit dans la logique de consommer différemment, mieux et plus sain. Il ne s’agit donc pas d’une mode, contrairement aux vins aromatisés dont les ventes commencent à s’éroder. Les vins végans ont un devenir sur un créneau spécifique, mais qui restera marginal ; le bio et le biodynamique écrasent le reste de la famille écoresponsable.

D’un point de vue marché, il n’y a pas de circuit de distribution à privilégier, même si on peut dire que le CHR (1) a été précurseur, avec France Boisson, premier opérateur à lancer un vin végan au niveau national. Mais il va y avoir un effet d’entraînement et des espaces vont se créer. À l’export, il n’y a actuellement pas de pays où le marché soit plus mûr. Mais lorsque ce sera le cas, cela viendra en priorité des pays du nord de l’Europe, ou du Canada, qui ont une vraie conscience environnementale.

Pour bien réussir avec un vin végan, je recommanderais au vigneron de créer un mix produit (produit, prix, packaging, positionnement) en rapport avec ceux de la famille écoresponsable, puisque son vin sera exposé au sein de ce segment sur les linéaires et étagères. Il ne faut pas qu’il se dépositionne pour la revente et il doit être accessible au plus grand nombre. Il faut éviter un prix déconnecté du segment, et privilégier un packaging qui parle au plus grand nombre. Ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un produit spécifique que son habillage doit être exclusif. Il doit au contraire convaincre le plus grand monde."

(1) Cafés, hôtels et restaurants.

Pascal Biron, conseiller en stratégie commerciale et marketing chez Génération Commerce

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