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Des vignerons unis pour mutualiser la commercialisation

Il y a bientôt quarante ans, 11 domaines ont constitué Bourgogne de Vigne en Verre, une structure pour assurer la commercialisation de leurs vins. Une union qui fait ses preuves au fil des générations.

Développer la vente en bouteille sans sacrifier le temps passé dans les vignes… C’est pour résoudre cette équation que Bernard Derain, directeur des Vignerons de Mancey, et Bernard Labry, vigneron à Auxey-Duresses, ont eu l’idée de s’associer en 1981 pour optimiser la commercialisation de leurs vins. Ils ont proposé à d’autres vignerons de les rejoindre. Ainsi est née Bourgogne de Vigne en Verre (BVV), une société de commercialisation qui regroupe aujourd’hui 11 domaines. « C’était vraiment inédit à l’époque », souligne Nicolas Dewé, directeur de BVV. Convaincus que le commerce était un autre métier, les créateurs de BVV ont donc embauché des commerciaux pour vendre la production des domaines membres. Il n’y a pas de charte mais un engagement moral. Si un vigneron est contacté par un professionnel, il transmet le contact à BVV. Chaque domaine garde la clientèle de passage et les restaurants locaux.

« S’il y a un numéro de téléphone que je connais par cœur, c’est bien celui de Bourgogne de Vigne en Verre. Nous sommes en contact constant avec les commerciaux », illustre Sophie Labry, vigneronne à Auxey-Duresses et fille de l’un des fondateurs. Passionnée par ses vignes, elle apprécie de pouvoir déléguer entièrement la commercialisation de ses vins.

Une gamme étendue grâce à une variété d’appellations

« BVV offre les services d’un négoce en termes de facilités de commandes, de logistique mais avec des vins de personnalités différentes », détaille Nicolas Dewé. Il gère la petite entreprise depuis 2011 avec Bernard Pieuchot, le directeur administratif et financier. Juridiquement, BVV est une Sica SARL. La société emploie au total 10 personnes.

Pour compléter la gamme d’appellations formée par ses 11 membres, BVV s’est associé à des domaines partageant la même philosophie. Aujourd’hui, le catalogue compte donc au total des vins de 35 domaines allant de Chablis aux crus du Beaujolais.

Équilibrer l’approche collective et les aspirations individuelles

En fin d’année a lieu un bilan individuel avec l’équipe commerciale. Les vignerons l’appellent en plaisantant « le confessionnal ». C’est un échange « dans les deux sens ». Bilan de ce qui s’est vendu bien ou moins bien, répartition des ventes selon les circuits, habillages à retravailler… La stratégie de l’année suivante s’y prépare. C’est aussi là que le vigneron fixe ses prix. « Mais on discute », précise Nicolas Dewé. La réussite de l’aventure BVV tient assurément à un subtil équilibre entre intérêt collectif et aspirations individuelles.

Sur le plan logistique, BVV est basé à Tournus, en Saône-et-Loire. Un stock tampon permet de livrer en France et en Europe. Chaque début de semaine, les commandes sont ramassées chez les vignerons. Côté export, Nicolas Dewé s’efforce d’avoir un portefeuille équilibré entre l’Amérique du Nord, l’Angleterre et l’Irlande, l’Europe continentale et l’Asie, compte tenu des aléas de plus en plus fréquents sur les marchés.

Mieux mettre en avant la personnalité de chaque domaine

Il y a bien sûr des débats entre les associés. Certains ont pris le chemin de la HVE, d’autres du bio mais chacun reste libre de ses choix. « Les échanges font la richesse d’un groupe », estime Nicolas Dewé. En dehors des problématiques commerciales, les réunions communes sont rares mais « refaire des échanges sur la partie technique est une idée qui circule », relate Pierre Cornu, l’un des vignerons de BVV.

S’il y avait un bémol, ce serait sur la communication. « Les vignerons n’ont pas pris conscience du travail de notoriété qu’ils devaient faire », résume Nicolas Dewé. Une mission a été confiée à une agence de communication. Des petits films de 1 à 2 minutes ont été réalisés sur chaque domaine. Ils seront mis en ligne ou encore utilisés sur les réseaux sociaux.

La crise du Coronavirus a eu raison du traditionnel salon bisannuel en marge des Grands jours de Bourgogne. BVV a dû aussi recourir au chômage partiel. Mais l’équipe se tient prête. « Notre temps de réponse est très rapide, se réjouit Nicolas Dewé. Grâce à ces domaines familiaux, nous avons 35 lignes d’habillages qui ont une réactivité très forte ! »

Ce directeur enthousiaste n’a pas encore réussi à concrétiser son idée d’un salon de groupements de vignerons mais il ne désespère pas d’y arriver.

Témoignage : Agnès Dewé, domaine du Meix Foulot à Mercurey, en Saône-et-Loire, 20 ha

« Ça nous apporte une sérénité »

« Pour l’export, c’est particulièrement appréciable car chaque pays y va de son protectionnisme et de sa contre-étiquette spécifique. BVV nous fournit les rouleaux d’étiquettes adaptés à chacun d’eux. On limite les erreurs. Quand eux gèrent plusieurs commandes, nous n’en gérons qu’une seule. Ce business model a 40 ans mais il est de plus en plus pertinent face aux coûts logistiques de plus en plus élevés et à la complexité des marchés export. Pour la première génération, BVV était un choix. Pour la deuxième c’est une nécessité pour réussir à vendre 90 % de la production en bouteille. C’est évident que ça va être difficile sur le plan commercial dans les mois qui viennent. Mais je m’en remets à eux. Ça nous apporte une sérénité. Ma vigne pousse, je me consacre à ça. Le réseau de professionnels auquel BVV nous donne accès, nous évite de faire les salons de caves particulières. C’est une qualité de vie énorme ».

Témoignage : Benoît Stehly, domaine Georges Lignier à Morey-Saint-Denis, en Côte-d’Or, 16 ha

« J’ai une liberté technique »

"À chaque génération on peut se dire que ça ne passera pas, mais quarante ans plus tard, ma génération est encore plus contente. Ces dernières années la Bourgogne a le vent en poupe mais ça nécessite beaucoup de déplacements pour suivre la clientèle. Je fais 70 000 bouteilles par an… il faut les vendre ! Lorsque mon importateur au Japon a disparu, BVV a mis les bouchées doubles pour me trouver un remplaçant. Ça a pris un an, avec moi seul ça aurait duré trois ans. Aujourd’hui j’exporte à 70 %… mais à Tournus ! ça n’a pas de prix d’être déchargé de toutes les démarches.

J’ai une liberté technique pour faire mes vins. J’ai mon mot à dire sur la stratégie de distribution et c’est moi qui fixe mes prix même si BVV a un rôle de conseil. Mais quand je rencontre des clients, moi je ne parle que du vin. En cette période où le commerce est compliqué, je n’ai pas à courir après des impayés. Ça m’enlève de la charge mentale."

Témoignage : Pierre Cornu, domaine Edmond Cornu à Ladoix, en Côte-d’Or, 15,5 ha

« C’est un prolongement de nos domaines »

"BVV ce n’est pas une marque, c’est notre force commerciale, ça nous appartient, c’est un prolongement de nos domaines. Sur nos cartons, il y a le logo de BVV mais il y a aussi notre nom. Les commerciaux ont chacun les 11 casquettes sur la tête. Ils nous représentent sur des grands salons comme Prowein, Vinitaly, Vinexpo Hong Kong ou Wine Paris. L’intérêt de BVV est de mutualiser les frais. Nous avons tous des parts sociales à la même hauteur. On facture à BVV qui a sa marge de fonctionnement qui s’ajoute à notre prix. L’objectif n’est pas que BVV fasse des résultats. L’esprit amical s’est un peu atténué mais la philosophie est restée la même. Chacun fait ses vins. Ça ne se passerait pas comme ça si on était une marque de négoce. BVV me permet de vendre toute ma production en bouteilles depuis vingt ans. Le groupe n’est pas figé. Deux domaines ont disparu, on les a remplacés. Aujourd’hui l’orientation c’est la notoriété des domaines. On s’en occupe en ce moment et on va développer les réseaux sociaux. Le développement des ventes passe par là.

repères

Bourgogne de vigne en verre

Surface 300 hectares

Domaines 11 membres BVV + 24 domaines satellites

Appellations 90 A0C en Bourgogne

Ventes 1 million de bouteilles dans 45 pays

Distribution Ventes 50 % export, 50 % cavistes, 25 % CHR et 25 % grossistes

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