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« Nous avons constitué un groupement foncier viticole avec un groupe de clients pour nous agrandir »

Nathalie et Gérard Opérie, vignerons en Gironde, ont agrandi leur domaine en s’associant avec un groupe de clients au sein d’un groupement foncier viticole. Grâce à ce projet novateur élaboré avec Franck Chanquoy, expert-comptable du cabinet BSF, membre du groupement AgirAgri, ils ont passé un cap.

Les Opérie ont développé la vente directe depuis plus d'une vingtaine d'années. Ils ont repéré dans leur clientèle un groupe de passionnés de vins intéressé par un investissement foncier viticole.
Les Opérie ont développé la vente directe depuis plus d'une vingtaine d'années. Ils ont repéré dans leur clientèle un groupe de passionnés de vins intéressé par un investissement foncier viticole.
© C. Gerbod

L’opportunité d’acheter un domaine mitoyen du sien est rare. Elle s’est présentée en 2016 à Nathalie et Gérard Opérie, propriétaires du Château Haut-Fayan à Puisseguin, en Gironde. Ajouter 8,49 hectares en vignes AOC puisseguin-saint-émilion permettait de doubler leur surface en production. Pour Gérard Opérie, c’était l’occasion de renforcer son offre tout en abaissant le prix de revient. Un réinvestissement en matériel n’était pas nécessaire. De son côté, Nathalie Opérie pouvait réaliser un projet d’œnotourisme en aménageant le bâti du domaine en chambres d’hôtes et gîte. « On adore le contact, l’échange, témoigne-t-elle. On fait des salons depuis vingt-cinq ans. Cela nous tenait à cœur d’avoir un lieu pour accueillir les clients qui viennent dans la région. Nous proposons aussi des repas avec des accords mets et vins. » Mais les Opérie ne pouvaient financer cet achat nécessitant 1,6 million d’euros, s’étant déjà endettés récemment.

Lire aussi : Un groupement foncier agricole ouvert aux salariés 

Bâtir une proposition équilibrée entre le domaine et les investisseurs

Face à ce constat, Franck Chanquoy, leur conseil au sein du cabinet d’expert-comptable BSF, leur a suggéré une solution originale : proposer à des clients d’investir dans un groupement foncier viticole (GFV) qui se porterait acquéreur des vignes. Les Opérie ont développé leur clientèle au fil des années en commercialisant via des salons et des soirées dégustation. Ils ont pensé à un groupe de clients fidèles, tous amis depuis une quinzaine d’années et localisés en Savoie. « Ces clients sont des amateurs de vin avec des jolies caves, ayant entre 55 et 70 ans, explique Gérard Opérie. Nous les voyons chaque année, une fois chez eux et une fois ici dans le Bordelais. Nous leur organisons l’accès à des chais et des dégustations prestigieuses. » L’impression de « demander de l’argent à ses clients » n’a pas été un frein car parmi ces amateurs, tous entrepreneurs ou membres du corps médical, certains avaient déjà émis le souhait d’investir dans la région.

 

 
En devenant propriétaires de vignes exploitées par le domaine, les investisseurs du GFV sont encore plus motivés pour défendre les vins produits par les Opérie.
En devenant propriétaires de vignes exploitées par le domaine, les investisseurs du GFV sont encore plus motivés pour défendre les vins produits par les Opérie. © C. Gerbod

 

Le cabinet BSF s’est donc attelé à bâtir un argumentaire. Pour ces clients relevant tous de l’ISF (remplacé par l’IFI en 2018), le cabinet a pu valoriser les avantages fiscaux : exonérations partielles de la valeur des parts de l’ISF et des droits de succession et donation. « Il fallait pour cela que le GFV n’ait pas d’outil d’exploitation et loue à bail à long terme », précise Franck Chanquoy. Il a aussi souligné l’attractivité du foncier sur l’AOC puisseguin-saint-émilion, laissant espérer des plus-values à venir et porteur d’image. Sur le groupe de dix clients, neuf ont tenté l’aventure en posant des conditions. « Ils nous ont dit ‘on vous suit mais il n’y a que nous dans le GFV et vous investissez avec nous’ », se remémorent les Opérie.

Lire aussi : Une SCIC pour préserver le foncier de la coopérative

Une nouvelle structuration de l’exploitation

La participation minimum a été fixée à 50 000 euros par associé avec une durée minimale de détention de cinq ans. Le cabinet BSF a organisé l’achat des parts sociales du GFV par le groupe de clients finançant l’achat du foncier pour un montant de 1 400 000 euros. De leur côté, les Opérie ont acquis une part sociale. Le GFV n’a acheté que le foncier non bâti pour ne pas posséder d’outil d’exploitation. Les Opérie ont acquis le foncier bâti à l’aide d’un emprunt (209 000 euros) à leur portée. Il couvrait aussi les travaux de reconversion en maison d’hôtes et gîte.

 

 

Le projet mené par les Opérie leur a permis de diversifier leur activité en développant l'œnotourisme. Ils ont aménagé deux chambres d'hôtes dans le bâti de l'exploitation rachetée. Un gîte est aussi prévu.

 

Un bail à ferme de vingt-cinq ans a été signé entre le GFV Château Fayan, propriétaire des vignes et la SCEA Vignobles Poitou-Opérie (dans laquelle les époux Opérie sont associés) qui les exploite et possède les chais. Une partie du bail est payable en nature, sous forme de bouteilles de vins (36 à 48 bouteilles). La signature finale a eu lieu en décembre 2016. Dans le même temps, Franck Chanquoy a conseillé aux Opérie de constituer une SNC regroupant l’œnotourisme ainsi que les autres activités commerciales (vente de vin, soirées dégustation, négoce…). Les déficits liés à l’amortissement du bâti et aux travaux peuvent être imputés sur les BA (bénéfices agricoles) de la SCEA.

Des associés qui deviennent ambassadeurs

L’assemblée générale (AG) du GFV Château Fayan a lieu chaque année à la propriété. « Le temps de l’AG, on est face à des investisseurs. Personne ne se fait de cadeau, reconnaît Gérard Opérie. BSF nous a formés sur ce type d’échange, pour acquérir le bon vocabulaire et parler sur le terrain de l’investissement, de la fiscalité. » Tout est remis à plat et analysé en détail. Les Opérie constatent que le lien s’est encore renforcé. « Ils sont devenus nos ambassadeurs, fiers de faire découvrir les vins qui viennent de leurs terres. » Ces associés peuvent profiter de l’offre œnotouristique. Cette dernière va se compléter prochainement avec l’aménagement du gîte.

Au vu de l’intérêt que suscite ce GFV autour d’eux, les Opérie se disent « fiers » de s’être lancés. « Ça nous a aidés à nous sentir davantage chefs d’entreprise, à savoir montrer les dents pour aller plus loin. Chacun est à l’écoute. Le savoir des uns et des autres nous aide à progresser. » Forts de cette expérience, ils s’estiment aussi désormais mieux armés face aux banques et ont la sensation d’avoir gagné une vision plus moderne de leur métier.

Franck Chanquoy, expert-comptable au cabinet BSF, membre du groupement AgirAgri

« Ce projet a permis de structurer l’exploitation »

Dans cette opération, nous avons réussi à faire cohabiter une exploitation agricole qui a une valeur sur le marché, qui n’a pas de problème à vendre et a besoin de développer son business, avec des passionnés de vin, ayant des capitaux à investir et souhaitant les optimiser.

Les Opérie ont pu gagner en superficie pour répondre à leurs marchés sans devoir porter le foncier, qui est l’élément qui pèse aujourd’hui sur les exploitations viticoles. L’emprunt s’est limité à celui nécessaire pour acquérir le bâti via la SNC constituée pour gérer l’œnotourisme et l’ensemble des activités commerciales. Pour que ça fonctionne, il faut que l’exploitant ait un projet d’entreprise. Les investisseurs connaissaient l’entreprise et ses produits. Ils pouvaient se rendre compte du potentiel de développement.

Nous avons pu structurer l’exploitation pour qu’elle soit plus opérationnelle face aux évolutions du marché. Avec la crise sanitaire, nous avons clairement vu que cette structuration a été bénéfique pour traverser la période.

Lors de l’AG qui est un vrai moment d’échange, les associés donnent leur avis sur les projets d’investissements, mais pas sur le métier du vigneron. Le côté humain fait aussi le succès de l’opération. En 2020, le GFV a décidé un rachat de terres en vente aux enchères. Cette année, les associés ont demandé à se positionner pour des terres supplémentaires. C’est une preuve que tout le monde est satisfait.

repères

Château Haut-Fayan

Surface : 15,42 hectares de vignes

Salariés : un salarié, des saisonniers et de la sous-traitance

Label : HVE

Tarif propriété : à partir de 13 euros la bouteille

Commercialisation : vente directe, négoce, export.

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