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Comment adapter son chai pour gagner du temps lors des vinifications

Automatiser l’extraction lors de la fermentation ou faciliter le décuvage sont possibles même si votre chai n’a pas été étudié pour. Les sociétés rivalisent d’ingéniosité pour réduire le recours à la main-d’œuvre.

En installant les équipements adéquats, il est possible d'automatiser entièrement la phase de fermentation alcoolique, même sur des cuves existantes.
En installant les équipements adéquats, il est possible d'automatiser entièrement la phase de fermentation alcoolique, même sur des cuves existantes.
© VinPilot

Vous ne trouvez ni saisonnier ni stagiaire pour assurer les longues heures de remontage et les relevés de densité qui s’annoncent lors des prochaines vinifications ? Peut-être alors est-il temps de songer à adapter votre chai. Car il existe de plus en plus de solutions. À commencer par celles développées par Enginéo. « L’histoire de l’entreprise est partie d’un échange en 2018 avec un vigneron qui souhaitait économiser de la main-d’œuvre », retrace Brice Delage, fondateur de la jeune société girondine. L’ingénieur s’est penché en premier lieu sur le remontage. Et a développé la solution Vin’up, un système qui pilote automatiquement les pompes. Très concrètement, il s’agit d’une armoire électrique contenant des contacteurs (et des disjoncteurs pour protéger le matériel), sur laquelle on branche l’alimentation électrique de 4, 6 ou 8 pompes. Ce boîtier reçoit les ordres d’un programmateur, installé sur l’armoire.

« Le vigneron règle ainsi les heures de départ de cycle et les temps de remontages par cuve, expose l’inventeur. Il peut aussi l’utiliser en forçage manuel si besoin. » Côté cuve, la pompe doit donner sur une colonne de remontage. Dans la cheminée, Enginéo installe en sus un cône d’arrosage rotatif, afin de mouiller correctement le chapeau de marc et éviter les canaux préférentiels. « Nous voulons reproduire au mieux ce que l’on fait habituellement à la main, assure Brice Delage. Cet arroseur, développé par une entreprise bordelaise, a été éprouvé dans différents châteaux. » Julien Miailhe, vigneron en Gironde au château Carrosse Martillac, a été le premier à expérimenter le système. Aujourd’hui, ses 14 cuves sont gérées ainsi, et il en est pleinement satisfait. D’une part pour le gain de temps, d’autre part pour l’aspect qualitatif. « Passer tout un dimanche à bouger des tuyaux, ce n’est pas ça qui m’anime, avoue-t-il. Ça me paraît fou de dépenser son temps à ouvrir et fermer des vannes, brancher et débrancher des tuyaux alors qu’il y a tant à faire pendant les vendanges» Grâce à son équipement, il vinifie seul, épaulé ponctuellement par le tractoriste du domaine.

Finies les erreurs de cuve et de temps de remontage

Mais le Vin’up lui permet également d’envisager l’extraction différemment. Puisque tout est automatisé, il peut se permettre de remonter des plus petits volumes plus régulièrement, pour une extraction en douceur. Les belles années, il peut programmer cinq remontages par jour, afin d’avoir un chapeau de marc toujours humide. Sans compter la précision sans faille de l’automate. « Il n’y a pas d’oubli ou d’erreur, ce qui arrive parfois quand on est fatigué », apprécie le vigneron. Ce qui vaut au passage pour un éventuel personnel peu consciencieux et pressé de finir sa journée.

Il n’y a pas non plus de risque de contamination croisée, puisque chaque cuve a son propre système. La seconde opération que Julien Miailhe a automatisée a été le pigeage des barriques en vinifications intégrales, auparavant réalisé à la main. Il est ainsi équipé d’un autre système commercialisé par Enginéo, le Vinéo. Avec cet outil monté sur un châssis à roulettes, il n’a plus qu’à positionner le pigeur au-dessus des barriques, et la machine fait le reste. Un cycle de montées, descentes et rotations qui assure un fractionnement optimal du chapeau de marc. « L’outil est composé d’une tête à six bras, qui s’ouvre comme un parapluie, montée sur un vérin pneumatique, détaille Brice Delage. L’avantage est aussi de pouvoir passer par un orifice de 150 mm, il n’est pas nécessaire d’ôter le fond entier de la barrique et risquer l’oxydation»

Quatre fois moins d’opérateurs en décuvant à la pompe

D’autres firmes se sont penchées sur l’adaptation des matériels de chai en vue d’augmenter l’automatisation. À l’instar de la société autrichienne VinPilot. Elle propose, elle aussi, une solution pour le remontage, basée sur un logiciel qui commande l’allumage et l’arrêt des pompes. Mais également un réfractomètre automatique digital, qui prend la densité par mesure optique toutes les 10 minutes et peut s’adapter à n’importe quelle cuve en passant par une vanne. « En cumulant toutes nos solutions, nous pouvons même automatiser entièrement la phase de vinification », informe Petra Lindemann, directrice des ventes pour VinPilot. Le vigneron peut paramétrer à l’avance ses consignes de remontage, d’aération et de température pendant les différentes phases de la fermentation en fonction du profil de vin souhaité. Et le logiciel allume les pompes, régule le système de refroidissement… le vinificateur n’a ainsi plus qu’à superviser.

« Nous avons déjà une vingtaine de cuves équipées pour une automatisation intégrale chez nos clients, où tous nos outils sont connectés, relate Sebastián Celis, directeur de la branche chilienne. C’est un gain de temps et aussi de qualité puisqu’ils maîtrisent entièrement la fermentation. » Certains peuvent programmer jusqu’à huit ou dix remontages par jour en début de fermentation, chose impensable sans automatisation. L’entreprise hongroise propose aussi une solution baptisée Pulse-Air, qui permet de déstructurer entièrement le chapeau de marc en envoyant du gaz dans la cuve, via un injecteur spécial branché à une vanne. Un système utile aussi bien pour l’extraction que pour le décuvage. « Une fois le chapeau destructuré, il est possible de vider la cuve directement à la pompe à marc, explique Sebastián Celis. Chez un de mes clients, il n’y a plus qu’un seul opérateur pour le décuvage contre quatre à cinq quand ils décuvaient à la main. »

Densité, extraction et inertage automatiques avec un seul outil

Une solution qui se rapproche du concept Air Mixing, développé par la firme italienne Parsec il y a une dizaine d’années. Sur ces dernières campagnes, la filiale française a réalisé de nombreuses installations, surtout dans des caves coopératives. Comme à Laudun, dans le Gard, chez les Vignerons des 4 chemins. « Nous avons équipé tout un atelier de 14 cuves en inox grandes et hautes, peu pratiques, témoigne David Risoul, le directeur. Cela a changé notre organisation et nous a fait gagner de la main-d’œuvre, que l’on a du mal à trouver. » Des injecteurs, reliés à un compresseur, envoient de l’air en différents points de la cuve pour créer des vagues, permettant de brasser le moût et d’émietter le marc. Le directeur se dit satisfait de son investissement, mais réserve ces cuves pour les vins cœur de gamme. « L’extraction est différente, elle peut être plus violente si on ne maîtrise pas bien, estime-t-il. Même si cela est très pratique et nous apporte un certain confort, je ne pense pas que cela soit généralisable dans toutes les situations. » Pour les caves équipées de vannes en 100 ou 125 millimètres, d’un système d’égouttage et d’une pompe de grande capacité, il est également possible de réaliser le décuvage. « Non seulement c’est plus rapide, mais ça évite de rentrer dans la cuve », argumente Mathieu de Basquiat, directeur France de Parsec.

Tout comme VinPilot, la société italienne propose d’aller jusqu’à l’automatisation totale de cuves existantes, même en béton. « Notre procédé Nectar fonctionne en cuve close, où l’on garde une légère surpression constante entre 100 et 300 millibars, détaille Mathieu de Basquiat. Le système ADCF mesure le CO2 produit et assure le suivi de fermentation. La mise en pression permet d’extraire plus facilement la couleur et les tanins. Un logiciel centralise les données et pilote les opérations : la cuve devient autonome. » Une fois les fermentations finies, il est possible de raccorder le système à la cuve d’azote, et l’automate gère l’inertage tout aussi automatiquement.

Automatiser son chai à quel prix ?

Si les solutions d’automatisation permettent d’économiser de la main-d’œuvre, elles représentent toutefois un investissement de départ. Pour un système Vin’up d’Enginéo (qui commercialise ses solutions sous la marque Néowine), il faut compter entre 4000 et 5600 euros HT en fonction du nombre de cuves, pour l’armoire électrique et son programmateur connecté au smartphone. Hors pose. « Nous pouvons équiper tous types de cuves. Même s’il n’y a pas de colonne de remontage, ça s’installe », précise Brice Delage. Le pigeur à barriques Vinéo est quant à lui commercialisé 9000 euros HT. Du côté de VinPilot, l’abonnement au logiciel de pilotage débute à 30 euros par mois, sans compter les outils. À titre indicatif, il faut compter 65 euros par mois pour le pilotage de 60 cuves, 792 euros pour le système de microoxygénation ou encore 1200 euros pour le réfractomètre connecté. Chez Parsec, il faut tabler sur un peu moins de 10 000 euros pour automatiser une cuve. L’option du système d’analyse de la cinétique fermentaire, par exemple, est facturée aux alentours de 4000 euros.

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