Bioprotection ou sulfitage : que faire en cas de vendange altérée ?
La bioprotection peut être efficace contre les micro-organismes d’altération mais elle ne fonctionnera pas en cas de populations trop élevées, donc si la vendange est très altérée. Même le SO2 peut alors trouver ses limites.

Apparue depuis une dizaine d’années, la bioprotection préfermentaire des moûts consiste à ajouter des micro-organismes sélectionnés avant FA afin de contrôler les populations microbiennes indésirables par compétition ou par antagonisme direct. Plusieurs levures non-Saccharomyces sont aujourd’hui disponibles sur le marché. Mais sont-elles efficaces, notamment en cas de vendanges en mauvais état sanitaire ?
« La bioprotection ne sauvera pas une vendange altérée », prévient Marie-Charlotte Colosio, ingénieure à l’IFV, qui a coordonné un projet national (Casdar Bioprotect) visant à préciser les conditions d’utilisation de cette nouvelle technique grâce à plus d’une centaine de vinifications dans sept régions viticoles. « La bioprotection reste une technique préventive. Si la parcelle sent déjà l’acétique, ce n’est pas une solution », souligne-t-elle.
La flore protectrice doit dominer la flore d’altération
En vallée du Rhône, dans un essai sur une syrah en mauvais état sanitaire, les expérimentateurs ont comparé trois levures de bioprotection et deux doses de SO2 (voir graphique). Toutes les modalités ont ensuite été levurées avec une Saccharomyces (sauf celle où la Saccharomyces est utilisée en bioprotection). Les populations présentes ont été suivies au long de la FA.

« Quand les populations de levures d’altération étaient supérieures à 105 UFC/ml avant FA, nous avons constaté que les levures de bioprotection se sont implantées mais n’ont pas réduit les populations indésirables », indique Claudine Degueurce, chargée d’études à l’Institut rhodanien. Une cohabitation s’établit, sans effet notable… mais sans non plus gêner les Saccharomyces pour la fermentation.
Plus généralement, pour que la bioprotection fonctionne, les différents essais ont montré que la flore protectrice doit dominer la flore indigène en étant apportée à des populations au moins 10 à 100 fois plus élevées. Par exemple, si les analyses dénombrent 104 Hanseniaspora uvarum, une levure qui produit de l’acétate d’éthyle et de l’acide acétique, il faudra apporter 106 levures de bioprotection comme une Metschnikowia pulcherrima. Or dans une vendange altérée, les populations de H. uvarum peuvent déjà atteindre 106. La dose de levures de bioprotection représenterait 200 g à 1 kg/hl !
Une dose raisonnable de SO2 reste la solution la plus adaptée
Que faire alors ? Dans l’essai sur la syrah altérée, l’ajout de 4 g/hl de SO2 a permis de réduire les populations de H. uvarum par 10 à 100, tandis qu’une dose de 8 g/hl n’a pas eu d’action plus forte vis-à-vis d’H. uvarum. « Une dose raisonnable de SO2 reste la solution la plus adaptée en cas de vendange altérée, en fonction de l’altération rencontrée », résume Claudine Degueurce.
Pour calculer cette dose, il s’agit de raisonner en SO2 actif. L’objectif va être d’atteindre un niveau létal pour les levures, soit de 0,5 à 0,8 mg/l. En effet, dans cet essai, seule la population d’Hanseniaspora a été observée. Mais il peut y avoir d’autres altérations, comme le botrytis, qui peut demander des doses de SO2 plus fortes. Toutefois, « si le pH est trop élevé, il arrive un moment où il n’est plus possible d’avoir suffisamment de SO2 actif et augmenter la dose sera inutile », explique Marie-Charlotte Colosio.
Bien employer la bioprotection sur vendange saine
Malgré ses limites sur vendange altérée, la bioprotection a montré un intérêt sur vendange saine pour diminuer les apports de SO2 ou en complément de celui-ci. Elle peut s’envisager avec des Saccharomyces si l’itinéraire de vinification ne comprend pas de phase de débourbage. À Cognac, le levurage directement dans les bennes à vendanges donne de bons résultats.
En cas de débourbage, il est préférable d’utiliser des levures de bioprotection non fermentaires pour éviter les départs en fermentation pendant le débourbage. Il faut protéger les moûts de l’oxydation par carboglace ou inertage et levurer avec une Saccharomyces pour assurer la fermentation. Penser aussi à ajuster la teneur en azote assimilable si nécessaire, les levures de bioprotection pouvant consommer une partie des ressources.