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Un verger expérimental sur la conduite de l’amandier

Un nouveau verger d’amandier est conduit sur la station d’expérimentation de La Pugère. Il explore deux types de conduite pour permettre aux arboriculteurs de se lancer dans cette culture fruitière en plein reprise.

Un verger expérimental en matière de conduite de l’amandier a été mis en place sur la station de La Pugère l’an dernier. Celui-ci a pour objectif de répondre au nouvel élan observé depuis quelques années sur la filière amande. En effet, l’amandier représente une opportunité que de plus en plus de producteurs du sud de la France souhaitent saisir. Toutefois, avant de s’engager dans un projet, il faut pouvoir partir sur de bonnes bases, notamment avec des connaissances techniques éprouvées sur le terrain, qui s’acquièrent par les échanges avec les conseillers et les amandiculteurs expérimentés.

Deux conduites et deux variétés

Les deux hectares de parcelles se veulent pédagogiques dans le contexte de plan de relance régional. « L’idée n’est pas de montrer la marche à suivre en la matière, mais de servir de support à l’échange autour des questions essentielles liées à l’itinéraire de culture, les variétés, la protection, les modes de conduite, la taille, la gestion de l’enherbement et irrigation », précise Jean-Michel Montagnon, coordinateur technique régional sur l’amande et conseiller à la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône. Le verger a été implanté en mars 2019 sur une parcelle très ventée située près d’une colline, pour limiter les facteurs de risques liés au gel. Il comprend une parcelle de référence conduite en gobelet sur un hectare, qui comporte toutes les caractéristiques des vergers des producteurs de la région. Celle-ci est comparée à une seconde parcelle, d’un hectare également, conduite en haute densité. « Ce verger est financé par le Plan Ecophyto, et son étude a pour objectif premier de baisser les IFT, tout en maintenant les rendements », expliquait-il au cours d’une visite de présentation des parcelles. Sur le premier verger conduit en gobelet (6 m x 6 m), les deux variétés les plus représentatives en Provence, Lauranne et Ferragnès, ont été plantées sur des porte-greffes GF 677. La plantation en quinconce a pour objectif d’augmenter le potentiel de luminosité. La variété Lauranne a été choisie pour son auto-fertilité et sa floraison dite tardive (début mars), qui n’exclut pour autant pas tout risque de gel. Les dates de floraison et de maturité (fin août-mi-septembre selon les années dans la région) des deux variétés sont cependant sensiblement identiques. Sur Ferragnès, le bois semble plus facile à conduire par rapport à Lauranne, beaucoup plus souple et qui nécessite d’être rigidifié pour établir une charpentière (voir encadré). L’autre caractéristique de Ferragnès est son calibre de fruit supérieur à Lauranne. « Le GF 677 est un porte-greffe vigoureux qui se caractérise par une très bonne compatibilité avec toutes les variétés d’amandes, et sa très bonne adaptation à des sols calcaires, voire très calcaires. Il est en revanche très sensible aux accumulations d’eau et au pourridié, ce qui nécessitera d’être attentif quant aux précédents culturaux », mentionne Jean-Michel Montagnon. Il note aussi « une sensibilité au chancre du collet, qui peut être accentuée par des blessures sur jeunes plantations ». Les arbres sont irrigués au goutte-à-goutte, mais « le choix de goutteurs boutons, souhaités au départ pour économiser les apports, ne s’avère pas le plus judicieux par rapport à une gestion mécanique de l’enherbement », souligne Jean-Michel Montagnon. Il préconise de ce fait des tuyaux pré-percés avec des goutteurs autorégulants, placés au sol, qui pourront être facilement surélevés, pour permettre le passage et le travail d’un outil mécanique.

Objectif de 400 kg d’amandons en 3e feuille

Le pilotage de l’irrigation est réalisé grâce à des tensiomètres et des stations connectées. De mars à juin, les irrigations ont été plutôt irrégulières, avant de passer sur des apports plus fréquents avec la hausse des températures (trois irrigations par semaine). Ce changement a permis de mettre également en place une fertirrigation pour dispenser quatre unités d’azote par semaine. L’entrée en production est donc la prochaine étape attendue ici, « avec un objectif de 400 kg d’amandons par hectare en 3e feuille, ce qui serait déjà pas mal », confie Jean-Michel Montagnon. Sur la parcelle – qui bénéficie d’une bonne ventilation naturelle, appréciable contre les maladies fongiques –, la pression sanitaire a été quasi nulle. Le conseiller ne déplore qu’une attaque de pucerons sur une quinzaine d’arbres, que les coccinelles se sont empressées de réguler.

Haute densité pour installer du filet

Sur la seconde parcelle conduite en haie fruitière, le choix de la haute densité a été pensé pour permettre la pose de filet, avec l’objectif de réduire les intrants contre Eurytoma. Les plantations y sont beaucoup plus denses (4 m x 1,25 m). Des porte-greffes nanisant Rootpac 20 ont été utilisés pour planter six rangs de variétés Lauranne, et six rangs de Soleta, variété autofertile parmi les plus plantées en Espagne. Les arbres, équipés d’une bâche tissée, ont été rabattus deux fois, en été et une fois en hiver. A terme, la hauteur des arbres sera maintenue à 2,30 m. L’un des enseignements tirés de cette « année humide » est la sensibilité à la rouille, observée après fleur sur la variété Soleta. Cette sensibilité a d’ailleurs nécessité une intervention chimique (Signum). « Les observations démarrent sur ce jeune verger et ce dispositif de conduite, pour lequel nous avons encore beaucoup à apprendre. Le verger permettra notamment de mesurer si le risque de maladie fongique est plus élevé avec une densité plus forte », conclut Jean-Michel Montagnon.

Emmanuel Delarue

A lire aussi : Du conseil pour l’amande

 

Avis de technicien : « Observer comment le végétal réagit au sécateur »

 

Coordinateur technique régional sur l’amande, Jean-Michel Montagnon, conseiller à la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône, est chargé du suivi de la parcelle expérimentale mise en place à La Pugère. (à droite) © E. Delarue

L’année dernière, année de plantation, la pousse de la végétation a démarré à partir de juin, et cette année un mois plus tôt. Les arbres ont été formés par une taille pratiquée en vert. Rabattus en hauteur dès le départ, ils ont subi ensuite un « topping » en juillet, destiné à ramifier et rigidifier, puis un second en septembre pour gagner encore davantage de rigidité. « Il y a différentes façons de voir le verger », rapporte Jean-Michel Montagnon. Mais les arbres d’un an réagissent plutôt bien. Dans cette phase d’apprentissage de la physiologie de l’arbre, les équilibres sont à trouver. « Il faut observer comment le végétal réagit au sécateur », commente-t-il. L’amandier n’est pas un végétal qui a la capacité de repartir facilement de la base. Il est donc important de ne pas supprimer les branches basses, mais au contraire de les épointer pour permettre la mise à fruits.

L’amande, ça vous gagne

 

 

Marc Berthomieu a planté 10 ha d'amandier et s'est investi dans l'organisation. © O.Bazalge

A Ornaisons dans l’Aude, Marc Berthomieu s’est lancé depuis 2016 dans la culture de l’amande, une reconversion imaginée après avoir vu la récolte mécanique des amandes lors d’une « balade espagnole ». L’ex-directeur commercial découvre aussi que les cours sont particulièrement intéressants pour l’amande qualitative. « J’ai peaufiné au mieux mes prévisions, et décidé de me lancer sur 10 ha », rapporte encore Marc Berthomieu, qui a planté 2 500 arbres Ferragnès, Ferraduel et Lauranne en janvier 2016. Mais il faut cinq ans avant qu’un amandier entre réellement en production. Cinq ans durant lesquels Marc Berthomieu se forme à la taille, aux techniques culturales et sort de la dormance l’Upar (Union des producteurs d’amandes du Roussillon) en l’ouvrant à la région Occitanie pour devenir l’Uparo et se retrouve président. « Depuis 2018, cette remise en activité a permis de relancer une bonne dynamique autour de l’amande. L’amandier dispose de débouchés intéressants pour envisager la diversification d’une exploitation », se plaît-il à expliquer. L’union regroupe aujourd’hui une trentaine de producteurs et près de 150 ha. « Nous sentons une vraie dynamique pour une culture qui procure une bonne rentabilité », ajoute le président qui évalue l’investissement à environ 7 000 €/ha.

 

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