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Allier
Un éleveur de porcs condamné à 25 000 euros d’amende pour caudectomie systématique

Le tribunal correctionnel de Moulins vient de condamner un élevage de porcs de l’Allier à 50 000 euros d’amende dont 25 000 euros avec sursis pour la pratique systématique de la coupe des queues sur des porcelets de 3 jours.

Elevage de porcs
L'élevage avait été la cible de L214 fin 2020. L'ONG s'est portée partie civile dans le procès.
© L214

Le tribunal correctionnel de Moulins a condamné le 6 avril le Gaec de Roover, élevage comptant 650 truies (commercialisant 200 porcs charcutiers par semaine) à Limoise dans l’Allier dirigé par trois frères, à 50 000 euros d’amende dont 25 000 euros avec sursis pour « mauvais traitements envers un animal » commis du 15 septembre 2020 au 2 mars 2021. Le tribunal a ainsi considéré la pratique de la caudectomie systématique, malgré l’interdiction de cette pratique depuis l’arrêté du 16 janvier 2003, comme un « mauvais traitement ».

C’est une décision très sévère

Cet élevage de 9000 porcs fournissant la marque Herta avait été la cible d’un vidéo de L214 en décembre 2020 puis février 2021. « C’est une décision très sévère. Mes clients sont condamnés pour une infraction délictuelle, on leur dit que la maltraitance est intentionnelle. On criminaliste une pratique d’élevage qui concerne 99% des éleveurs européens » a réagi auprès de l’AFP l’avocat des éleveurs, Me Paul Morrier, rapportent nos confrères d’Agrafil. « C’est une première et c’est un signal inquiétant envoyé à l’élevage en général » poursuit-il.
 

Une première en France, se félicite L214

De son côté L214, qui était partie civile dans l’affaire, s’est félicité que « pour la première fois (en France, ndlr), la justice condamne cette pratique, interdite depuis près de 20 ans ». « Cette condamnation marque un véritable tournant ! Une infraction tolérée depuis 20 ans est enfin condamnée par la justice », se réjouit Brigitte Gothière, cofondatrice de L214, dans un communiqué.

Pour rappel l’arrêté du 16 janvier 2003 précise que « la section partielle de la queue et la réduction des coins ne peuvent être réalisées sur une base de routine, mais uniquement lorsqu’il existe des preuves que des blessures causées aux mamelles des truites ou aux oreilles ou aux queues d’autres porcs ont lieu ». D’autres mesures doivent être prises afin de prévenir la caudophagie et la caudectomie ne peut être exécutée que par un vétérinaire.


Le tribunal sanctionne « une exploitation qui n’a cessé de croître »

Durant le procès, les éleveurs se sont justifiés en indiquant que la caudectomie était « mise en place à titre préventif sur les porcelets âgés de 3 jours pour que l’animal ne souffre pas à l’âge adulte ». « Les cochons sont des animaux joueurs qui se mordent entre eux et continuent lorsqu’ils voient du sang », ont-ils encore expliqué soulignant qu’ « il n’existait pas d’autre alternative à la caudectomie préventive » et que « le vétérinaire leur avait recommandé la caudectomie systématique sur leur élevage ».

Une défense qui n’a pas satisfait le tribunal correctionnel de Moulins qui a déclaré le Gaec coupable de mauvais traitement et décidé « d’une peine d’amende d’un montant significatif ». Dans le délibéré le tribunal écrit que le Gaec de Roover (6 salariés, 3,4 millions d’euros de CA en 2019 et un résultat net de 390 000 euros), « exploitation bien implantée et qui n’a cessé de croître a manifestement privilégié des pratiques d’élevage génératrices de profit au détriment du bien-être des animaux qu’il a sous sa garde ». Est reproché à l’élevage de ne pas avoir chercher à « adapter l’organisation de son élevage pour faire cesser la caudectomie systématique ». Le tribunal reconnaît aussi l’élevage coupable de « placement d’animal domestique dans un habitant pouvant être cause de souffrance », notamment pour non respect des dimensions des caillebotis, défaut de nettoyage et de désinfection, et « privation de nourriture ou d'abreuvement » pour l'absence de dispositif d'abreuvement opérationnel.


Aucune alternative efficace selon la FNP

Contactée par nos soins, la Fédération nationale porcine (FNP) ne souhaite pas commenter cette décision de justice, tout comme l’interprofession (Inaporc), mais rappelle la réglementation : « la caudectomie ne peut être pratiquée par les éleveurs que sur la base d’une dérogation du vétérinaire qui a constaté la caudophagie dans l’élevage alors même que l’éleveur avait tout mis en œuvre pour l’éviter (plus de 80 facteurs de risque à surveiller). » La fédération affirme que « cette pratique reste très répandue en Europe car il s’agit de la seule solution opérationnelle à date pour prévenir la caudophagie et assurer le bien-être des animaux ». « Aucune alternative efficace n’existe à ce jour mais des travaux de recherche coordonnés entre professionnels et administration sont en cours pour faire évoluer la pratique » complète la FNP.

Selon une enquête conduite en 2018 par la Commission européenne, plus de trois porcs sur quatre (77%) subissent une caudectomie en routine en Europe, malgré les restrictions en vigueur.

Selon nos informations les éleveurs auraient fait appel.

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