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Quels équilibres sur les marchés mondiaux du lait à horizon 2030 ?

L'Union européenne, deuxième zone productrice de lait et exportatrice, devrait progresser plus lentement en collecte à l'avenir mais miser sur la valeur ajoutée.

Hormis l'Irlande et la Pologne qui ont un vrai potentiel de développement de leur collecte, le reste de l'Union européenne n'a plus la fièvre de l'après-quota. La crise est passée par là, mais pas seulement. " Ce n'est plus le prix du lait qui freine la hausse de la production. Le défi du renouvellement des générations est un vrai sujet de préoccupation. L'envie de produire dépend aussi de la consommation des produits laitiers ", brosse Gérard You, économiste à l'Institut de l'élevage. Les contraintes environnementales peuvent peser.

Et aussi le regard de la société sur l'élevage. Sophie Hélaine, agroéconomiste à la Commission européenne, a démarré ainsi sa présentation aux Journées des marchés mondiaux, organisées par l'Institut de l'élevage, en juin dernier. " Les attaques contre l'élevage et les produits animaux, l'essor du mouvement vegan, sont des menaces, qui aujourd'hui affectent surtout la consommation de viande bovine. Mais qui touchent aussi les produits laitiers, avec l'essor des produits végétaux imitant les produits laitiers. Un phénomène qui pourrait s'accentuer à l'avenir. " L'Union européenne n'est pas la seule touchée. Les États-Unis sont encore plus affectés, avec une vraie déferlante de jus et de produits ultrafrais végétaux. Avec le Brexit et les tensions internationales, c'est un élément de déstabilisation des marchés laitiers.

Davantage de fabrications européennes d'autres produits

Malgré tout, l'Union européenne devrait augmenter encore sa production pour exporter, mais moins que par le passé. " Nous tablons sur une hausse de 0,8 % par an, soit +16 millions de tonnes en douze ans, pour atteindre 182 millions de tonnes en 2030. C'est modeste, comparé à la progression de 10 millions de tonnes sur 2014 et 2015 ", précise Sophie Hélaine.

Cette hausse devrait alimenter davantage de fabrications de produits à valeur ajoutée. Pour les fromages, la Commission prévoit que plus de 300 000 tonnes d'équivalent lait seront fabriquées en plus annuellement dans l'Union européenne (UE) sur la période 2018-2030. " La croissance sera tirée essentiellement par des fromages ingrédients. " D'après les prévisions de la Commission, la catégorie " autres produits laitiers " devrait connaître la plus forte croissance : plus de 450 000 tonnes d'équivalent lait  fabriquées en plus annuellement dans l'UE sur la période 2018-2030. " Cette catégorie rassemble des glaces, des poudres enrichies, du lactose, du lactosérum... Des produits issus du cracking du lait, à haute valeur ajoutée, pour la nutrition : sportive, clinique, infantile ", détaille Sophie Hélaine.

Hausse des exportations européennes de fromages

La demande européenne devrait rester en très légère progression. " Cette hausse n'est pas en lien avec un développement démographique, qui devrait être nul. Mais avec une légère hausse de la consommation de fromages par habitant, essentiellement des fromages ingrédients, et une hausse de la consommation d'autres produits laitiers ", indique Sophie Hélaine.

Le gros de la hausse des fabrications partira à l'export. " L'Union européenne pourrait répondre à près de 35 % de la hausse de la demande internationale. Avec des exportations de fromages, de poudres de lactosérum, de beurre et de poudres de lait écrémé. "

La demande mondiale en fromages se développera et se diversifiera, avec notamment davantage de fromages ingrédients, destinés à l'industrie agroalimentaire et à la restauration hors domicile. " Cette tendance poursuit celle que l'on observe déjà depuis dix ans. " Entre 2007 et 2017, les exportations européennes de fromages ont progressé de 242 000 t (+41 %) : +27 % pour le cheddar, +25 % pour la mozzarella, +20 % pour le gouda... 

Le grana padano et le parmigiano reggiano sont les deux seuls fromages sous signe officiel de qualité qui ressortent dans les statistiques, car ce sont ceux qui représentent les plus gros volumes. Leurs volumes sont en croissance, mais en pourcentage la part qu'ils représentent dans les exportations européennes demeure stable (4 %) entre 2007 et 2017.

Vers un ralentissement de la croissance mondiale à horizon 2030

Les prédictions de la Commission européenne à horizon 2030 ne tiennent pas compte des effets déstabilisateurs du Brexit. Mais une grande tendance devrait demeurer vraie quoi qu'il arrive : les pays dont la consommation augmentera fortement développent leur production. Les prévisions tablent donc sur un net ralentissement de la demande mondiale en importations, par rapport à ces dix dernières années.

L'essor laitier en Inde parvient à satisfaire sa demande intérieure ; ce pays importe très peu. L'Inde exporte davantage que par le passé, mais vers ses voisins et de façon opportuniste. L'Asie (hors Inde) et l'Afrique devraient avoir plus de difficultés à augmenter leur production. Ils devraient continuer d'importer davantage ; la question est de combien. La demande mondiale d'importation continuera donc de croître.

En 2030, la Chine devrait rester le premier pays importateur de produits laitiers, malgré une croissance de la demande moins forte que ces dix dernières années. Le reste de l'Asie et le Moyen-Orient pèseraient toujours environ 40 % des importations. La plus forte hausse des importations devrait venir d'Afrique. C'est surtout le développement démographique qui tirera la demande. La consommation par habitant n'est pas prévue en hausse.

À retenir 

En 2030, la Chine devrait peser 16 % des importations mondiales, comme en 2018

Le continent africain pourrait peser 19 % des importations mondiales à l'horizon 2030, contre 15 % en 2018

L'Union européenne, le continent du fromage

Les prévisions de la Commission européenne tablent sur une hausse des exportations européennes d'environ 330 000 tonnes équivalent lait par an, essentiellement des fromages, de la poudre de lactosérum et de la poudre de lait écrémé.

Elle prévoit un poids renforcé de l'Union européenne dans les exportations de fromages. Pour rappel, l'UE pesait 33 % des exportations mondiales de fromages en 2018. " Actuellement, les principaux concurrents de l'UE sont les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, suivis de la Biélorussie ", précise Gérard You, de l'Institut de l'élevage.

Pour la poudre de lactosérum, coproduit des fromages, l'UE devrait aussi valoriser son savoir-faire et son poids dans les exportations mondiales devrait nettement progresser. " Actuellement, les États-Unis occupent la deuxième place d'exportateur mondial derrière l'Union européenne. Les autres concurrents exportent des volumes bien plus faibles ", ajoute Gérard You.

La Commission estime que l'UE pourrait accroître un peu sa présence avec le beurre. La part de l'UE devrait rester stable ou en baisse pour la poudre grasse et la poudre de lait écrémé.

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