L’abattage de proximité breton en pleine réorganisation
Alors que les volumes de production se stabilisent, la fermeture de l’abattoir de Quintin a secoué le secteur des circuits courts.
Alors que les volumes de production se stabilisent, la fermeture de l’abattoir de Quintin a secoué le secteur des circuits courts.

La bonne conjoncture que connaissent les éleveurs de porcs depuis maintenant trois ans commence à se matérialiser au niveau des volumes de production. Après deux années de net recul des abattages, ceux-ci rebondissent légèrement en 2024. D’après les statistiques du ministère de l’Agriculture, les abattages bretons de porcs remontent de 2 % en 2024 par rapport à 2023 tout en restant 3,3 % inférieurs à ceux de 2021. Cette embellie démontre que le déclin de la production porcine n’est pas une fatalité. Elle met aussi un terme, au moins provisoirement, à la phase de restructuration qu’a connu la filière en 2023 et 2024. C’est néanmoins pendant cette période de stabilisation qu’est intervenue la seule fermeture d’abattoir à déplorer en 2024 en Bretagne : celle de Quintin Viandes. L’occasion de mettre un coup de projecteur sur ce secteur des circuits de proximité.
Le choc de la fermeture de Quintin
Si les circuits longs représentent l’essentiel des volumes produits en Bretagne et concernent la très grande majorité des éleveurs, les circuits courts font aussi partie du paysage porcin. Certains éleveurs conventionnels décident ainsi de vendre une partie, voire la totalité, de leur production pas ce biais. La vente directe est particulièrement développée chez les éleveurs bio. Parmi la centaine d’exploitations que compte la Bretagne, on estime que la moitié d’entre elles commercialise leurs animaux en circuit court. Les abattoirs classiques n’étant pas adaptés pour répondre aux besoins de ces modes de commercialisation, ce sont principalement les abattoirs de petites tailles, tous multiespèces, qui assurent ce rôle. En Bretagne, ils sont actuellement au nombre de sept. Ils appartiennent majoritairement à des collectivités locales, bien que certains soient de statut privé. L’abattoir de Quintin dans les Côtes d’Armor avait traité 2 680 tonnes en 2022 toutes espèces confondues. Il abattait en moyenne 350 porcs et 180 porcelets par semaine, ce qui en faisait le premier abatteur de porcs en Bretagne pour les circuits de proximité. Sa fermeture subite en juin 2024 a causé des difficultés pour les éleveurs qui travaillaient avec cet outil, car les autres abattoirs capables de prendre le relais sont peu nombreux et ont peu de capacités supplémentaires. Les abattoirs du Trégor et de Rostrenen en Côtes d’Armor, et du Faou dans le Finistère, ont malgré tout pu absorber une partie de ces volumes. Cette fermeture de l’abattoir de Quintin intervient alors que d’importants investissements avaient été réalisés ces dernières années et que les tonnages abattus étaient en croissance. Les propriétaires mettent en avant plusieurs raisons pour cette décision, dont la concurrence déloyale des abattoirs de statut public. Une partie des frais de fonctionnement de ces derniers sont en effet souvent pris en charge par les collectivités locales, ce qui les rend plus compétitif que les abattoirs privés.
Sous capacité des abattages de proximité
Avec cet arrêt, le secteur est passé d’un contexte de concurrence et de surcapacité des abattoirs à une situation où certains éleveurs rencontrent désormais des difficultés à faire abattre leurs animaux et doivent parcourir de nombreux kilomètres. Le nouvel abattoir du Faou, qui remplacera l’ancien à partir de 2026, devrait partiellement lever cette difficulté. Des projets de reprise de l’abattoir de Vannes (Morbihan) sont aussi dans les cartons. La filière des circuits courts, qui évolue parallèlement à celle des filières longues et dispose de sa dynamique propre, a donc été particulièrement secouée en 2024. En ce qui concerne les abattoirs classiques, ces derniers mois ont été ceux de la stabilisation.
Arnaud Haye, arnaud.haye@bretagne.chambagri.fr
Les grands abattoirs consolident leur production
Après la crise de 2022-2023, les grands abattoirs du Grand Ouest stabilisent leur production et investissent de manière raisonnée.
Parmi les principaux acteurs du secteur de l’abattage dans le Grand Ouest, Bigard est l’entreprise qui a le plus restructuré ses activités lors du trou d’air de 2022 et 2023. En fermant son site de Celle-sur-Belle (Deux-Sèvres) en 2023, le numéro un de l’abattage de porcs en France a décidé de développer son activité porc sur le site d’Evron (Mayenne). Un important programme d’investissement y est en cours. Une partie des volumes s’est aussi reportée sur les outils finistériens de Quimperlé et de Châteauneuf-du-Faou. Ce qui explique que la part de la Bretagne dans les abattages nationaux s’est encore renforcée. Bigard engage aussi des investissements de modernisation notamment dans son usine d’Abera en Ille-et-Vilaine, rachetée au groupe Avril en 2022.
Des investissements pour le bien-être animal
Par ailleurs, le cycle des investissements bénéficiant du plan de relance initié pendant le Covid s’est terminé en 2024. Les subventions allouées par l’État sont montées jusqu’à deux millions d’euros par projet. La plupart des acteurs bretons en ont bénéficié. Cooperl a investi à hauteur de quinze millions d’euros sur son site de Monfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine) pour diminuer la souffrance animale et améliorer le confort de travail. Le changement de méthode d’étourdissement des porcs avant saignée – de l’électronarcose à l’utilisation de CO2 – lui permet de cibler le marché britannique. C’est aussi ce procédé qu’a mis en place Kermené à son site de Saint-Jacut-du-Mené (Côtes d’Armor), toujours en bénéficiant d’une subvention du plan de relance. Concernant le groupe Jean Floch, son site de Moréac (Morbihan) a bénéficié d’un investissement de 2,6 millions d’euros. De plus, 4,3 millions d’euros ont été engagés dans son abattoir de Loudéac (Côtes d’Armor). Dans un contexte de stabilisation de l’activité mais de marges toujours sous pression, les acteurs bretons de la transformation porcine investissent donc en ce moment avec prudence. Pas de démesure, mais une adaptation aux différents enjeux du moment : bien-être animal, automatisation, confort de travail, économie d’énergie et recyclage.