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Conseil national de la FNO
Un dialogue positif pour répondre aux questions sociétales

Face à la déconnexion du monde urbain et des éleveurs, la FNO s’interrogeait sur les meilleures façons de se faire comprendre et aimer par la société.

Lors du conseil national de la Fédération nationale ovine, le 5 décembre dernier à Paris, le sujet des enjeux sociétaux en lien avec l’élevage a été discuté autour d’une table ronde. Bien que relativement épargnée dans la tourmente actuelle des revendications véganes et abolitionnistes, la production ovine veut adopter une position proactive en s’affirmant prête à faire découvrir le métier des éleveurs et à leur fournir des arguments pour contrer les attaques éventuelles. En introduction, Éric Birlouez, ingénieur agronome et sociologue de l’alimentation, rappelait que l’exode rural, qui a conduit aujourd’hui à un taux de 80 % d’urbanisation, a provoqué « l’oubli du monde rural, qui est aujourd’hui idéalisé comme tout ce qui a trait au naturel ». Le rapport du consommateur à l’alimentation est différent. Autrefois, l’alimentation devait apporter les protéines nécessaires pour la réalisation de travaux physiques ; aujourd’hui, la société est davantage « tertiairisée », les travaux manuels sont remplacés par des emplois de bureau et, de fait, les besoins alimentaires changent avec une baisse de la consommation de viande rouge amorcée au début des années quatre-vingt.

Le consommateur cherche toujours une alimentation économique, sûre d’un point de vue sanitaire, de bonne qualité mais ajoute à ces exigences la notion d’équilibre de la ration, de local, d’éthique. On parle aussi « d’intranquillité alimentaire », non pas qu’il y ait de l’insécurité, mais les différentes crises alimentaires laissent croire que le citoyen ne maîtrise plus son alimentation. D’où l’émergence de régimes particuliers qui donnent au moins l’impression de reprendre le contrôle. Les changements qui ont modelé l’agriculture depuis 70 ans ont été très rapides et, de fait, largement incompris par le citoyen lambda. Celui-ci se retrouve confronté à une production de masse, à la concentration des élevages et à un nombre grandissant de polémiques gravitant autour du secteur censé le nourrir. « Nous sommes arrivés à une situation où 80 % des Français pensent, en 2016, que leur alimentation peut nuire à leur santé, alors qu’ils étaient seulement 59 % dans ce cas deux ans auparavant », s’étonne le sociologue. « Autrefois, l’aliment était vu comme un bienfait, un don du ciel, aujourd’hui il est perçu comme un méfait potentiel ».

Montrer les réalités de l’élevage avec sincérité

« Aujourd’hui, le consommateur veut donner du sens à son alimentation. Il n’est plus dans la simple optique du plaisir de manger ; il y a un engagement derrière qui va prendre différents accents : le respect de la nature, l’aspect bien-être et santé du corps, la responsabilité vis-à-vis de l’agriculture française et bien sûr, les questions d’éthique animale ». La sensibilité sur la cause animale n’est pas nouvelle puisque, dès l’Antiquité, des philosophes se penchaient sur la question. Cependant, la rapide montée en puissance et la large diffusion médiatique de cette pensée mobilisent les éleveurs, confrontés à un argumentaire basé principalement sur les émotions, à travers des images chocs dénigrant l’élevage et l’abattage des animaux dans leur ensemble.

Pourtant, l’éleveur est le premier à se soucier de la santé et du confort de ses animaux. Comme le rappelle Michèle Boudoin, présidente de la FNO, « soigner ou panser les brebis sont des mots qui reflètent l’attachement des éleveurs à leurs animaux. Ils se soucient de leur bien-être ». L’éloignement de 80 % de la population française, citadine, du monde rural engendre cette méconnaissance globale de l’élevage et le maintien de l’image d’Épinal de l’élevage dans l’imaginaire collectif. « Une des solutions prometteuses est d’ouvrir les fermes au grand public pour montrer les réalités de l’élevage, conclut Éric Birlouez. En jouant la carte de l’humain et en ayant une attitude de sincérité, on peut faire passer les arguments positifs sur l’élevage. À condition de faire évoluer les pratiques si besoin en fonction des attentes de la société."

Instaurer un dialogue tranquille avec les citoyens

"Comme pour le nucléaire ou l’éducation nationale, tout le monde a un avis sur l’élevage, explique Anne-Charlotte Dockés, chef du département "métiers d’éleveurs et société" à l’Institut de l’Élevage. Tous les avis sont donc légitimes et il faut pouvoir dialoguer avec nos concitoyens et entendre les remises en cause". Cette volonté de faire découvrir l’élevage par les éleveurs eux-mêmes s’est traduite par la mise en place d’un réseau d’éleveurs témoins capable d’instaurer un « dialogue tranquille » avec les citoyens. Filière par filière, un groupe d’éleveurs s’interroge sur les sujets sensibles (bien-être animal, environnement…) et apprend, par du media training, à parler aux médias, aux ONG et au grand public. Marion Chomel, éleveuse de brebis laitières dans le Pays basque, fait partie de ces éleveurs témoins (voir aussi p. 11). Non issue du milieu agricole, elle était déjà « consciente que l’image de l’éleveur qu’a le consommateur est biaisée par l’éloignement et de la nécessité de remettre les idées en place » pour le grand public. "On apprend à parler du métier en utilisant des mots simples, explique la moutonnière de 26 ans. On évite de parler par exemple de brebis mère, on dira simplement brebis ».

Autre éleveur du réseau, Richard Randanne élève des brebis dans le Puy-de-Dôme. « La démarche est intéressante, je n’étais pas très à l’aise pour la prise de parole en public. Aujourd’hui plusieurs reportages se sont déroulés sur mon exploitation ainsi que des articles dans la presse locale et agricole. Je profite aussi de la transhumance pour communiquer avec les gens que je rencontre et dans les villages que je traverse avec le troupeau ». La communication positive est essentielle pour faire ressortir les intérêts du métier d’éleveur. Pour Richard, il s’agit avant tout de « rendre les gens plus proches de nous, de notre réalité et de notre bon sens ».

Préparer des réponses pour garder son calme

Pour Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine et président de la commission Enjeux sociétaux d’Interbev, "c’est une vraie difficulté d’avoir accès au média pour parler positivement de l’élevage. Il faut profiter de chaque occasion et tenter de se faire entendre, par les réseaux sociaux, par les journées Made in Viande que nous organisons avec Interbev ou lors du Salon de l’agriculture. Les éleveurs ont un capital sympathie à utiliser mais tout en ayant conscience de nos failles et de nos facteurs de risques." Mais cet exercice de communication n’est pas aisé et demande de l’accompagnement. "Que faire si ma commune veut instaurer un repas sans viande ?" s’interroge par exemple Marc Humeau du Maine-et-Loire. "Pourquoi pas allez au débat avec la mairie et demander au maire à quoi ressemblerait sa commune sans éleveurs" répond Bruno Dufayet qui n’hésite pas non plus à dire que les éleveurs sont aussi flexitariens et qu’ils ne mangent pas de la viande à tous les repas. "Et pourquoi pas organiser une visite de votre élevage et voir comment proposer de la viande locale dans cette cantine" renchérit Anne-Charlotte Dockés. "Comment garder son calme quand on attaque ma vie d’éleveur ?" s’interroge pour sa part Jérôme Redoules du Tarn. "Le meilleur exercice reste les repas de famille, plaisante Bruno Dufayet en invitant chacun à se préparer aux questions qui fâchent et en regrettant que les lycées agricoles ne préparent pas plus à cette communication grand public. Michèle Boudoin de la FNO va plus loin en imaginant un service civique agricole organisé par l’État pour remettre du lien entre la jeunesse urbaine et le monde agricole.

"On ne peut plus continuer à vivre cachés, affirmait Michèle Boudoin en conclusion de la table ronde. Nous avons des débats à soulever d’abord entre nous, sur les ateliers d’engraissement, sur le bien-être animal face aux prédateurs, sur le changement climatique… Mais si nous voulons attirer des jeunes demain, nous devons réagir aux attaques sociétales et présenter l’élevage positivement et avec sincérité".

Une communication positive face aux attaques sociétales

Les plus

Communiquer, écouter, dialoguer, expliquer
Anticiper les attentes sociales
S’adapter aux attentes ou critiques
Répondre aux évolutions des normes sociales

Les moins

Ne pas reconnaître les autres comme légitimes
Refuser d’entendre les remises en cause
Refuser le dialogue
Source : Accept

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