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Séchage en grange et rationnement pour améliorer l’alimentation

Dans les Pyrénées-Atlantiques, les frères Esturonne, agriculteurs-chercheurs, optimisent leur autonomie fourragère en conditions humides.

Au Gaec Gay, à Lys dans les Pyrénées-Atlantiques, Didier Esturonne, 45 ans, et son frère Yves, 59 ans, ont depuis longtemps le souci d’améliorer l’alimentation de leur troupeau et d’optimiser la ressource fourragère. La ferme se situe à 400 m d’altitude, dans une zone humide.

Il y a 12 ans, ils avaient investi dans un système de séchage en grange, 200 000 €, financés pour moitié par des subventions publiques, dans le cadre d’un plan bâtiment, initié par l’AOP Ossau-Iraty. Les 900 m2 de leur bergerie et fenil sont isolés, 40 cm en dessous de la toiture, pour réchauffer l’air qui circule grâce à une pompe électrique. Le fenil est divisé en deux compartiments : l’un pour les foins, l’autre pour les regains, soit 200 tonnes de capacité de stockage.

Préserver la qualité des fourrages

Avec les années, ils ont identifié les seuils au-delà desquels il faut couper : plus de 2 300 heures de rayonnement et un indice 4 d’évapotranspiration, pendant au moins trois jours. « Sinon, on ne coupe pas, l’humidité serait trop importante », explique Didier. Malgré cette contrainte, ils arrivent à faire trois coupes par an : en mai, en juin et en août, là où ils n’en faisaient précédemment que deux. Dès qu’il y a de l’humidité dans l’air, ils ventilent pour éviter les fermentations. Grâce à l’appétence de ce foin, moins tassé et moins brisé, les brebis le refusent moins.

Excepté l’an dernier, où le printemps a été exceptionnellement humide, le Gaec n’achetait plus depuis une décennie de luzerne pour compléter les fourrages de l’exploitation. Une économie non négligeable de 4 000 €, à laquelle s’ajoute l’économie en temps et en mécanisation. « Avec le séchage en grange, cinq passages suffisent : une fauche, deux fenaisons, un andainage et un passage en remorque autochargeuse, là où il faudrait deux fenaisons supplémentaires et un andainage supplémentaire pour des foins en boule. » estime Didier. « Sans compter la souplesse de travail ajoute son frère, car nous sommes moins contraints par la rosée. Nous n’hésitons pas à faire des chantiers de quelques heures sur des petites surfaces, autour de l’exploitation, dans un rayon de 4 km". En 36 heures, ils coupent et rentrent l’herbe dans la grange.

Gérer l’herbe avec le pâturage tournant

Anticipant le cahier des charges de l’AOP Ossau-Iraty, ils avaient abandonné l’ensilage de maïs depuis des années, mais donnaient généreusement du maïs grain. « Souvent, les fermes cultivent du maïs ici, alors les éleveurs en donnent facilement, mais nous nous sommes rendu compte qu’il ne faut pas en abuser, car nos brebis, qui reprennent du poids trop tôt dans la lactation par rapport à l’insémination (voir encadré) », constate Didier.

À la place, les deux frères ont travaillé d’une part, sur l’efficacité alimentaire des rations, après la mise bas et en bergerie. « Nous avons baissé la quantité de maïs grain et demandé à nos brebis dont la note d’état le permettait (3,75) de faire du lait en début de lactation, avec leurs réserves corporelles. La ration a été élaborée pour un GMQ de – 80 g », détaillent-ils. Ils ont donc maîtrisé la reprise de poids tout en maintenant des productions identiques. Les brebis ont consommé plus de fourrages et ce qui s’est traduit par une augmentation de la matière sèche utile.

D’autre part, ils ont adopté une gestion plus rigoureuse du pâturage tournant. En début de saison, durant deux jours, ils implantent 2,5 km de clôtures amovibles, achetées au fur et à mesure des années, pour délimiter 22 paddocks, sur 15 ha. Leurs trois lots de brebis tournent sur 7 ou 8 parcelles, tous les 2 à 3 jours, de midi à 15 heures. « Au moment de la mise à l’herbe, en février et mars, nous restons très vigilants, sinon elles mangent trop d’herbe fraîche et pas assez de secs. Ainsi on évite le lait instable et les diarrhées », prévient Yves.

Cultiver la protéine localement

« Pour des raisons éthiques et agronomiques, nous avons remplacé des surfaces en maïs par du soja depuis 2018, 3 ha la première année, 7 cette année ». Leur fournisseur de compléments, Sanders Euralis, leur a proposé l’opération Sojalim. Leur soja est acheté par l’agrofournisseur, trituré à Vic-en-Bigorre dans les Hautes-Pyrénées et incorporé avec les autres sojas de la zone dans l’aliment que la ferme lui achète. « Bref, nous produisons en partie la protéine consommée par nos brebis », conclut-il. Le soja leur est acheté 25 €/t de plus que sa valeur sur le marché.

Depuis deux ans, les brebis se régalent aussi de 100 g/j de graines de lin, de la préparation de la mise bas à la mise à l’herbe. Ils ont ainsi gagné un point de matière sèche utile et "la pâte du fromage est plus souple", constate Didier, en charge de la transformation fromagère. Yves, lui, trouve que les agneaux sont plus vigoureux, qu’il y a moins de retournements de matrice et une meilleure délivrance.

Rapprocher la reprise d’état de la mise à la reproduction

Depuis trois ans, Didier et Yves participent à un programme de recherche initié par Sanders Euralis avec deux autres élevages, l’un en Manech tête rousse et l’autre, comme eux, en Basco-béarnaises. Les plans d’alimentation sont basés sur la référence de 65 kg par brebis à la mise bas. Or, les brebis de race Manech sont souvent plus légères et les brebis du Gaec Gay pèsent, elles, 10 kg de plus.

« Le poids n’est pas le seul indicateur, même s’il a une influence sur la quantité de matière sèche ingérée, prévient Pierre Dabbadie, responsable technique ruminant. Il faut aussi tenir compte de l’état corporel dès la préparation à la mise bas ». Et donc personnaliser les plans d’alimentation. 40 brebis ont été suivies sur la note d’état corporel et pesées tous les mois pendant deux ans. À l’état corporel de 3,75 à la mise bas, les éleveurs ont stabilisé leur ration à 300 g de maïs et 500 g d’aliment, trois semaines après la mise bas. Les brebis perdent environ 80 g/j, entre décembre et février, sans conséquence sur la qualité et la quantité de lait produit. De février à avril, la ration est calculée pour un GMQ de 0 quelle que soit la production puis à partir de mi-avril une reprise de poids de 30 g/j jusqu’à trois semaines après la mise à la reproduction.

Avec moins de 100 g/j de concentré, les coûts de production sont maîtrisés, comme la persistance de lactation qui chute moins. Reste à savoir si en retardant la reprise d’état, la fertilité des brebis s’en trouve améliorée. Résultat dans deux ans.

Chiffres clé

60 ha de SAU + transhumance estivale
420 brebis basco-béarnaises
1,35 de fertilité
45 % d’insémination artificielle
249 litres par brebis adulte et 185 l en première lactation

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