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Passer de la brebis viande à la brebis laitière

Plus qu’une passion, la production de lait a permis d’installer Valentine Martin à la SCEA Les merveilles du Mouzon sur le plateau des Vosges.

À son arrivée sur l’exploitation, Valentine Martin a tout chamboulé pour permettre son installation en 2018 sur la ferme familiale bio de Blevaincourt dans les Vosges. Intéressée par la transformation fromagère, la jeune éleveuse a mis en place un troupeau d’une centaine de laitières en replacement d’une partie des ovins viande de son père. « J’ai toujours été intéressée par le monde agricole sans trop avoir de plans précis, explique l’éleveuse de 31 ans. Les stages et les remplacements m’ont permis de découvrir la production laitière et m’ont donné envie de franchir le pas. Après un CS production transformation et commercialisation des produits fermiers effectué en 2015 en alternance dans une chèvrerie en Alsace, j’ai cherché à développer une activité de transformation laitière. J’avais effectué la plupart de mes stages en chèvrerie, mais les moutons restaient la production que je connaissais le mieux. J’ai donc choisi de me lancer dans le lait de brebis ». Le démarrage de l’activité laitière s’est fait en douceur. Une dizaine de laitières ont été achetées en 2017 afin de prendre ses marques, puis le troupeau a augmenté d’années en années pour atteindre les 97 têtes en 2020. Le troupeau est constitué de brebis Lacaunes et Manech à Tête Rousse, mais Valentine Martin envisage de faire prédominer les Manech à Tête Rousse ou d’effectuer un croisement, jugeant les Lacaunes plus sensibles.

« La transformation laitière permet d’apporter de la valeur ajoutée sans augmentation du cheptel »

L’atelier laitier a été pensé pour être compatible avec les périodes de travail imposées par le troupeau de brebis viande. Les Texel partagent la bergerie avec les brebis laitières. Le troupeau ovin viande est donc passé de 300 à 200 têtes afin d’offrir la place nécessaire aux laitières. Les agnelages des Texel ont lieu début mars, et celui des laitières débute fin mars. Dès que possible, les mères allaitent leurs agneaux dans les pâtures attenantes afin de libérer la place en bâtiment. Les premières brebis passent à la traite à la mi-avril. « J’effectue une seule traite le matin et enchaîne avec la transformation fromagère, explique Valentine Martin. Les brebis montent par 12 sur le quai et je passe avec un chariot électrique disposant de quatre griffes. Après la traite, j’amène les agneaux aux brebis pour qu’ils aient à boire. Au début de lactation, je les laisse jusqu’au soir, mais, en été, je les sépare en début d’après-midi pour qu’ils ne boivent pas tout ». Les 97 brebis produisent ainsi 105 litres au pic de lactation. Sur les sept traites hebdomadaires, trois sont livrées à la laiterie Biodéal et quatre sont dédiées à la transformation. Les mois d’hiver sont généralement plus calmes et permettent aux éleveurs de s’occuper de l’entretien des clôtures ou éventuellement de prendre quelques jours de vacances.

L’éleveuse effectue elle-même la tonte de ses brebis, « être formée à la tonte est complémentaire de l’activité laitière, j’écussonne généralement les brebis en fin de lactation pour faciliter la traite. Savoir tondre permet de gagner en flexibilité et assure une meilleure gestion sanitaire du troupeau ». La laine des brebis Texel est récupérée par la société Laine en Rêve qui l’utilise pour la fabrication de sommiers et matelas. Le revenu généré n’est pas très important, mais permet de prendre en charge les frais de tonte. En contrepartie, l’éleveur doit fournir une laine propre et de bonne qualité.

40 000 € d’investissement dans un atelier de transformation

L’éleveuse a investi dans un atelier de transformation en 2019. « La production fromagère m’intéresse, mais les investissements engendrés sont importants. J’ai donc transformé mes premières traites dans ma cuisine afin d’acquérir un peu en expérience pour pouvoir me lancer ». Un conteneur maritime frigorifique a été aménagé en fromagerie. Le conteneur se divise en trois parties : un sas non réfrigéré dédié à la plonge, un atelier de transformation, et une chambre froide. L’ensemble de l’aménagement a été pensé pour assurer la marche en avant des produits. L’achat de matériel d’occasion a permis de limiter les frais. La fromagerie, dont le coût avoisine les 40 000 €, constitue le plus gros investissement lié à la création de l’atelier laitier. Ne disposant pas de réseau d’assainissement collectif à proximité de l’élevage, Valentine Martin a dû investir dans une station d’assainissement individuelle afin de traiter les eaux usées de la fromagerie et de la trayeuse. L’installation du dispositif de phyto-épuration en contrebas de l’exploitation, constitue le second poste de dépenses avec une enveloppe de 20 000 €. La jeune agricultrice a dans un premier temps transporté la marchandise grâce à des glacières isothermes, mais a rapidement opté pour l’achat d’un camion frigorifique, plus pratique d’utilisation. Outre l’achat d’un chariot de traite pour un montant de 1 300 €, l’installation du troupeau laitier n’a pas nécessité de gros investissements sur les bâtiments d’élevage.

Le bio m’a ouvert des portes pour la commercialisation

La ferme bénéficie du label agriculture biologique depuis 2005, Valentine Martin s’est donc attelée à produire du lait de brebis bio. L’exploitation dispose de 69 ha de prairies attenantes à la bergerie ce qui permet d’alimenter la majorité des brebis directement au pâturage tout en étant autosuffisant en fourrage. Seul un mélange d’orge, maïs et luzerne biologique est acheté pour complémenter les agneaux laitiers ainsi que les brebis avant l’agnelage. « Le label agriculture biologique m’a ouvert des portes pour la vente directe. J’écoule une partie de ma production dans les Amap qui se fournissent très majoritairement chez des producteurs bio. Biocoop ainsi que d’autres épiceries Bio sont également de bons clients. Ma sœur m’aide également à faire des marchés qui constituent un débouché non négligeable ». La création du drive fermier « Les Bios du coin » permet à l’éleveuse de rencontrer d’autres agriculteurs locaux afin de s’échanger leurs produits et approvisionner différents endroits. En plus d’effectuer des économies logistiques pour l’approvisionnement des points de vente, bénéficier des produits d’autres producteurs permet d’élargir la gamme et d’attirer plus facilement le client. Valentin Martin travaille également à diversifier sa gamme. En plus de fromages, elle propose des yaourts au lait de brebis ainsi que des tomes. « Je vends beaucoup de yaourts, mais c’est le fromage qui représente le plus gros chiffre d’affaires. Toutes mes préparations ne sont pas encore au point. Actuellement, je travaille sur la création de tomes. Comme elles se conservent plus longtemps, cela pourrait me permettre de mieux appréhender le pic de lactation. Je fabrique également des petits fromages apéritifs pour diversifier ma gamme ».

Si Valentine Martin songe à investir dans une salle de traite, le départ à la retraite de son père d’ici quelques années la fait réfléchir sur le devenir de l’exploitation. « Je n’ai pas trop de visibilité concernant la main-d’œuvre disponible à long terme, déplore la jeune femme. Je ne pourrai pas m’occuper seule de deux troupeaux et de l’activité de transformation, sans parler des travaux de fenaison, peut-être faudra-t-il arrêter un atelier ». Sur le dernier exercice, la production d’ovin viande restait la plus génératrice de chiffre d’affaires, mais la production laitière est encore en rodage, toutes les transformations ne sont pas encore optimales et Valentine Martin espère bientôt atteindre son rythme de croisière avec un troupeau d’une centaine de brebis.

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