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« Je produis des agneaux de report 100 % à l’herbe »

En bio et axé sur la vente directe, Nicolas Paillier a entièrement revu son système pour pouvoir fournir des agneaux engraissés à l’herbe toute l’année, malgré des sols sableux très séchants.

En vingt ans, Nicolas Paillier, éleveur dans les Deux-Sèvres, a changé de système à plusieurs reprises. « Je me suis installé avec 300 brebis, 10 vaches et 3 poulaillers, explique-t-il. Je vendais les agneaux au marché de Parthenay. En 2009, avec des associés, nous avons ouvert un magasin de producteurs. Je me suis alors spécialisé en ovin et suis monté à 800 brebis. Mais le chargement était trop élevé. Il y a eu des étés très secs où je manquais de fourrage. J’ai décidé de tout remettre à plat pour être plus autonome et pouvoir fournir toute l’année entre cinq et sept agneaux par semaine uniquement engraissés à l’herbe, par souci notamment de transparence pour le consommateur. J’ai travaillé en Nouvelle-Zélande avant de m’installer. Je savais que c’est possible. » L’exploitation compte aujourd’hui 330 brebis, 22 vaches, un poulailler et 122 hectares en sol sablo-limoneux, sain mais très séchant. Pour produire des agneaux d’herbe, Nicolas Paillier a réfléchi à ce qui permet de développer les capacités d’engraissement à l’herbe et de stocker des agneaux sur pied. Il a notamment changé de génétique. « Je suis passé de la Charmoise à la Vendéenne, une bonne race herbagère. Je les croise avec des béliers Charmois, plus tardifs à croissance lente, au potentiel de développement modéré, mais qui permet une bonne conformation et un bon développement du gras à l’herbe. Et je teste la réinjection de sang Southdown pour renforcer le caractère herbager des mères. »

Avoir des brebis et des agneaux en forme

Les agnelages ont lieu surtout du 20 février au 15 mars. La fin de gestation se fait au pâturage, sur deux paddocks aux sols sableux très filtrants permettant le pâturage hivernal. Au premier agnelage, les brebis sont rentrées et reçoivent de l’enrubannage riche en trèfle et chicorée ou du foin multi-espèces de bonne qualité. « Je n’apporte plus aucun concentré, précise l’éleveur. La transition du pré à la bergerie est plus simple. Et dès qu’elles sortent, les brebis reprennent de l’état. » Les agneaux sont castrés à deux jours. « Ils s’engraissent ainsi plus facilement, avec une viande qui n’a pas un goût trop fort et un gras de meilleure qualité en termes de tenue et de couleur. Cela permet aussi de ne faire qu’un lot de mâles et de femelles, car actuellement j’achète le renouvellement et engraisse toutes les femelles. » Brebis et agneaux ressortent à 3-4 semaines d’âge des agneaux. Pendant 15 jours, les animaux sont rentrés le soir pour protéger les agneaux des renards et deux radios de chantier sont utilisées pour faire fuir les prédateurs. La lactation se fait à l’herbe pendant 120 jours pour les multipares, 100 jours pour les antenaises. Le pâturage tournant est pratiqué surtout au printemps, avec des paddocks de 1 ha, un retour tous les 45 jours et 1 à 4 jours par paddock. « Je veux un pâturage régénératif, avec de l’herbe de qualité, mais qui est assez haute pour protéger le sol, explique Nicolas. Comme celui-ci est sableux, le soleil peut brûler la prairie et toute la vie du sol. » 25 % de la superficie agricole utilisée est en prairies permanentes et plus de 50 % en prairies temporaires multi-espèces de plus de six ans, avec des espèces robustes (fétuque élevée, dactyle) du fait du caractère très séchant des terres. Les meilleures prairies sont mobilisées pour l’engraissement des agneaux. Les trèfles (blanc, souterrain, violet) sont la principale source de protéines. La chicorée, appétente, équilibrée en énergie et protéines et riche en tannins qui améliorent l’efficacité protéique de la ration, est aussi très présente et sursemée par broyage des plantes montées. La gestion du parasitisme est essentielle. « Je fais des coprologies chaque mois pour les strongles et la petite douve, précise l’éleveur. Je ne traite pas systématiquement, mais si un agneau est trop maigre, j’utilise un traitement bio alternatif. »

De bons poids carcasse

Avec ce système, plus de 90 % de taux de mise bas en lutte naturelle de saison, une prolificité de 115-135 %, variable selon le redémarrage de l’herbe à l’automne, 95-115 % de productivité et 15-20 % de mortalité des agneaux, Nicolas Paillier parvient à vendre 300 agneaux par an au magasin Plaisirs Fermiers de Niort, avec 5 à 7 agneaux par semaine la majeure partie de l’année et un pic à Pâques. « Fin juin, les agneaux doivent avoir atteint 50 % du poids vif voulu, explique-t-il. Ensuite, la clé est de laisser le lot se finir peu à peu. Comme je n’ai besoin que de 5-7 agneaux par semaine, je choisis les mieux finis. Je laisse le temps aux traînards de se finir. Et ceux qui sont un peu gras peuvent maigrir un peu pendant l’hiver. »

« Une viande rouge n’est pas un frein pour vendre de l’agneau »

Les agneaux sont vendus entre cinq mois et un an, en moyenne à 8,6 mois, avec 46 % de carcasses de 16-20 kg, 23 % de 20-22 kg et 17 % de 22-24 kg. En 2021, 61 % ont été classés R et 36 % U, en majorité R3 et U3. « La viande est rouge, mais ce n’est pas un frein en agneau » assure Nicolas Paillier. Les agneaux sont valorisés 9-9,50 €/kg. Les brebis les plus grasses sont transformées en merguez, les autres vendues au marché de Parthenay. Le coût d’alimentation étant limité, de 5,20 €/éq. kgc agneaux, l’éleveur s’en sort donc plutôt bien. Et il veut encore améliorer son système. Il souhaite faire pâturer les bovins et les ovins ensemble, pour le parasitisme et une meilleure valorisation des prairies. Il cherche le bon croisement pour pouvoir garder son renouvellement. Il a un projet d’agrivoltaïsme. « Avec un grillage enterré, les agnelages pourraient se faire sous les panneaux et ceux-ci protégeraient le sol du soleil. » Enfin, il s’oriente de plus en plus vers l’association de productions complémentaires et a notamment lancé une production de blé pour un boulanger et des légumineuses pour un traiteur.

« L’agneau de report revisité »

Nicolas Paillier est un des 40 éleveurs enquêtés dans le cadre du projet Casdar Revabio. Lancé en 2020 pour quatre ans, Revabio vise à améliorer le taux de commercialisation d’agneaux sous le label AB en assurant la régularité des ventes sur l’année. « Il y a plusieurs façons d’étaler les ventes d’agneaux bio, constate Vincent Bellet, d’Idele. On peut faire de la contre-saison naturelle avec des races rustiques, avancer la saison, jouer la complémentarité entre éleveurs et bassins de production… Nicolas Paillier produit des agneaux de report de façon très poussée. La production reste calée sur la pousse de l’herbe. Les besoins les plus élevés des brebis correspondent à la pousse de l’herbe au printemps. L’éleveur joue ensuite sur la croissance lente des agneaux et une finition tranquille pour étaler les ventes. Le croisement avec du Charmois, la plus rustique des races herbagères, limite les risques. »

Un label pour promouvoir la viande bio 100 % herbe

 

 
Le réseau Pâtures & Papilles cherche de nouveaux membres à travers la France.
En 2020, Nicolas Paillier et d’autres éleveurs ont créé le label Pâtures & Papilles pour identifier des viandes bio produites uniquement à l’herbe. « L’idée est de créer des filières ovines et bovines 100 % herbe pour revaloriser ce mode d’élevage qui manque de reconnaissance, alors qu’il présente des intérêts pour les éleveurs, les animaux, l’environnement et les consommateurs » précise-t-il. Le réseau regroupe actuellement 15 éleveurs sur toute la France et recherche de nouveaux membres. Ceux-ci s’entraident aussi au niveau technique, la production 100 % herbe n’étant pas si simple.

 

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