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Des brebis allaitantes aux laitières pour gagner plus

Francis et Damien sont les deux associés du Gaec Fraysse des Camps dans le Lot. Le père et le fils ont fait le pari, il y a deux ans, de passer des ovins viande aux brebis laitières, afin de dégager davantage de revenus.

Damien Fraysse a rejoint le Gaec de son père en 2011 et pérennise ainsi la ferme ancrée depuis neuf générations dans la famille. À Escamps, au cœur du Lot, la ferme du Gaec Fraysse a vu apparaître le premier atelier ovin dans les années 1980. Il s’agissait alors d’une troupe allaitante, constituée des emblématiques brebis Causse du Lot, reconnaissables à leurs lunettes noires.

À son arrivée sur l’exploitation, Damien Fraysse a augmenté la taille du troupeau, passant de 450 têtes à 700. Le troupeau était alors en sélection, avec une production de 1 100 à 1 200 agneaux, dont une partie partait en boucherie. « Entre 2015 et 2016, nous avons pris conscience qu’il manquait une activité pour tirer du revenu, se rappelle Damien Fraysse. Nous avions un exédent brut d’exploitation compris entre 40 000 et 45 000 euros. Trois options étaient alors envisageables. » La première était de conserver le troupeau allaitant en augmentant encore le nombre de têtes, en passant en bio et en comptant sur les primes. La seconde option, celle retenue, était de passer au lait en livraison. Enfin la troisième option suggérait également un passage au lait avec en plus une activité de transformation fromagère. « Cette piste demandait de très gros investissements, notamment sur la partie fromagerie et d’apprendre un nouveau métier, nous l’avons donc laissé de côté pour l’instant », reprend le jeune homme souriant, âgé de 33 ans.

Une petite troupe allaitante pour les parcelles éloignées

La réflexion autour du projet de reconversion démarre fin 2017 et s’étale sur deux ans. Les deux associés souhaitent garder une partie du troupeau allaitant en complément du futur troupeau lait. Les Causses du Lot sont ainsi maintenues à 200 têtes, pour valoriser les terrains les plus éloignés de la ferme. En effet, sur les 300 hectares de superficie agricole utilisée (SAU) que compte le Gaec Fraysse des Camps, 200 sont des parcours de Causse, tandis qu’une centaine se trouve dans le Quercy blanc « ce sont des bonnes terres qui permettent vraiment de faire du stock », apprécie Damien Fraysse.

Les 500 premières agnelles Lacaune sont commandées pendant période de définition du projet. Elles sont issues de vingt élevages différents, mais sont allaitées ensemble pendant deux mois dans un centre d’allotement, le temps d’uniformiser leurs poids et leurs conformations.

Être parrainé pour les premiers pas

La mise en place de l’atelier a été gênée et retardé par la Covid-19. « Je me souviens que les agnelles sont arrivées en mars 2020, au premier jour du premier confinement, souligne le jeune éleveur. Nous avions instauré un rétroplanning avec comme date de fin la mise en place des agnelles. » La crise qui s’est ensuivie a provoqué des retards dans les livraisons de matériaux et le chantier. Lorsque tout est enfin prêt, la première campagne à lieu, 520 brebis sont à la traite, sur 550 mises en lutte, un bon score dont Damien Fraysse se réjouit. « En revanche, nous passions plus de six heures par jour à la traite au début, car le troupeau n’était formé que de primipares et il y a eu un long moment d’habituation à la salle de traite et de désensibilisation des mamelles. » Francis et Damien Fraysse ont pu compter sur le parrainage d’éleveurs laitiers expérimentés et font également partie d’un groupe technique. « Nos parrains et les membres du groupe nous ont aidés en faisant le suivi des premières traites et pour faire l’apprentissage des agnelles. »

253 euros d’entretien par agnelle

Avec les frais vétérinaires, l’achat d’aliment, la prestation de service pour la tonte, l’insémination…, chaque agnelle représentait alors un coût de 253 euros entre son arrivée sur l’exploitation et sa première goutte de lait produite. « Aujourd’hui on est plutôt autour de 300 euros par agnelle avec l’inflation », fait remarquer Damien Fraysse.

L’éleveur estime à l’heure actuelle à 125 euros le coût alimentaire de chaque brebis. « Nous sommes complètement autonomes en fourrages mais seulement à 30 % en concentrés, reconnaît Damien. Nous avons introduit de la luzerne produite sur l’exploitation dans la ration des brebis pour tenter de faire diminuer le montant des achats de concentrés et on arrête les surfaces en graminées ». La ferme, située à 220 mètres d’altitude, bénéficie d’un emplacement privilégié avec une vingtaine d’hectares de pâturage attenants. Les brebis consomment 250 kg de concentrés chacune par an et 819 kg de matière sèche. « Nous sommes devenus plus exigeants sur la qualité du fourrage avec les brebis laitières qu’avec les brebis allaitantes. »

Des investissements importants aidés par la vente des brebis viande

Le changement d’atelier, les modifications des bâtiments et l’achat de matériel représentent des investissements à hauteur de 414 000 euros pour le Gaec Fraysse des Camps. « La vente des brebis allaitantes nous a bien aidés pour l’achat des agnelles, elles nous ont rapporté 55 000 euros », détaille Damien Fraysse. Les associés ont également bénéficié d’une subvention PCAE (Plan de compétitivité et d’adaptation des entreprises) à hauteur de 74 000 euros. Francis et Damien Fraysse ont tout de même dû emprunter 285 000 euros. « Vu les résultats des deux premières campagnes, nous ne sommes pas trop soucieux pour rembourser nos investissements », apprécie Damien. Des pistes d’amélioration sont étudiées malgré cela, notamment gagner encore en production laitière et améliorer l’autonomie protéique de la ration.

30 % de production laitière en plus en deux ans

Sur la première campagne, soit du 1er mars au 17 octobre 2021, le troupeau laitier comptait 490 brebis en lactation pendant 231 jours, sur 550 brebis à la lutte. Le taux de mises bas était à 90 % avec une prolificité de 1,37 et une mortalité plafonnant à 8 %. La production laitière pour la deuxième campagne, s’élève à 183 400 litres, soit une augmentation de près de 30 % par rapport à 2021. Tout est livré à Sodiaal. « Localement la brebis laitière est une production en plein essor avec un développement des gammes de produits par les transformateurs : lait de consommation, yaourts et pâtes pressées notamment », explique Rodolphe Puig, conseiller ovin à la Chambre d’agriculture du Lot. La création de cet atelier lait va à Sabrina, la jeune sœur de Damien, de rejoindre le Gaec en 2023.

Chiffres clé

200 brebis Causses du Lot

530 brebis Lacaune depuis 2020

149 629 litres de lait produits en 231 jours en 2021

300 litres par brebis

2,04 UMO

179,69 hectares de SAU : 71 ha de parcours, 144 ha de pâturage (dont 19 ha de luzerne, 7,6 ha de ray-grass et 1,4 ha de sainfoin), 27 ha de culture (orge d’hiver et blé tendre)

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