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Méthanisation agricole : des conditions tarifaires qui pourraient booster les projets

La politique de transition énergétique française ouvre de bonnes perspectives pour la production de biométhane. Mais échaudés par des politiques tarifaires changeantes, dans un contexte de hausse du coût des projets, les agriculteurs ont besoin d’arguments solides pour se lancer.

<em class="placeholder">Méthaniseur en injection de la coopérative EMC2 à Landres (54).</em>
Méthaniseur en injection de la coopérative EMC2 à Landres (54).
© EMC2

Produire du biométhane à partir de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) peut être une solution pour diversifier son revenu en grandes cultures. La production de gaz renouvelable, issue principalement des méthaniseurs, a augmenté de près de 30 % en France en 2024. « Au vu des perspectives pour les prochaines années, se lancer dans un projet de méthanisation reste intéressant », estime Cécile Frédéricq, déléguée générale de France gaz renouvelable, qui explique que la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), dont la parution du décret au Journal officiel est attendue prochainement, affiche un objectif de 44 térawattheures (TWh) de biométhane injecté en 2030 dans le réseau de gaz. « Nous n’en sommes qu’à 14 TWh en 2025, il y a donc du potentiel ! »

La revalorisation tarifaire de 2023 a relancé les projets de méthanisation

Les chiffres fournis par l’Observatoire de la filière biométhane indiquent qu’au 15 avril 2025, 753 sites injectent du biométhane dans le réseau de gaz pour une capacité installée de 14 292 gigawattheures (GWh) par an. Parmi eux, 637 sont des sites agricoles pour une capacité installée de 11 451 GWh/an. « La majorité des méthaniseurs sont agricoles et ceci depuis toujours », indique Cécile Frédéricq, qui ajoute que le gisement des biodéchets non agricoles reste très limité. Les méthaniseurs agricoles sont surtout présents dans le Grand Est (117), les Hauts-de-France (91) et la Bretagne (86), mais il s’en installe désormais un peu partout en France. Stéphanie Sommier, de la chambre d’agriculture de Bretagne, explique que la méthanisation a émergé dans les exploitations d’élevage sur de la cogénération, mais qu’aujourd’hui, c’est l’injection qui a le vent en poupe.

En termes d’évolution, le nombre de nouveaux sites agricoles mis en service chaque année a augmenté progressivement, passant de 1 en 2013, à 80 en 2020, avec une forte croissance entre 2021 (143) et 2023, avant de régresser en 2024 (62). « La méthanisation s’est développée avec la mise en place du tarif 2011 qui a permis à plusieurs centaines de projets de voir le jour. Le tarif soutenu par l’État a été révisé en 2020 et 2021, sans prise en compte de l’inflation, avec un curseur placé trop bas pour permettre une bonne rentabilité », explique Cécile Frédéricq. Cette révision tarifaire a provoqué un coup d’arrêt des projets. Sachant qu’il faut compter trois ans entre la signature du contrat d’achat et la mise en service du méthaniseur, l’impact n’en a été visible qu’en 2024. L’État a finalement revalorisé le tarif en juin 2023 (+ 12 %) avec un coefficient d’indexation lié à l’inflation et des contrats d’achat garantis sur 15 ans. Pour une unité alimentée par des Cive, le tarif d’achat se situe ainsi entre 111 et 145 €/MWh. Cette politique a relancé les projets à fin 2023 pour des mises en service en 2026.

 

 
<em class="placeholder">Graphique : Nombre de méthaniseurs agricoles mis en service par année. </em>
 

Les certificats de production de biogaz obligent les fournisseurs à incorporer du biométhane

Si les tarifs d’achat sont aujourd’hui soutenus par le budget public, le décret du 6 juillet 2024 change la donne. Il instaure le dispositif des certificats de production de biogaz (CPB). À partir de 2026, les fournisseurs de gaz seront tenus de restituer des CPB à l’État, proportionnellement au volume de gaz naturel livré à leurs clients. Pour acquérir ces CPB, ils pourront les acheter à un producteur de biométhane (1 mégawattheure (MGWh) = 1 CPB), ou produire eux-mêmes du biométhane. Les fournisseurs qui ne restitueront pas le volume de CPB qui leur incombe seront redevables d’une pénalité envers l’État de 100 euros par CPB manquant. Payer l’amende ne les libérera pas pour autant de l’obligation d’incorporer du biométhane dans le gaz vendu. « Ils auront tout intérêt à respecter cette réglementation », estime Cécile Frédéricq, qui voit là une opportunité de développement pour la filière.

Le décret fixe le niveau annuel de restitution de ces CPB par l’ensemble des fournisseurs à 0,8 TWh en 2026, 3,1 TWh en 2027 et 6,5 TWh en 2028. Une des conséquences est que les futurs agriculteurs méthaniseurs ne signeront plus un contrat avec l’État, mais négocieront directement avec un fournisseur de gaz. Le prix du contrat sera construit à partir du prix du gaz fossile (25 à 30 €/MWh) et du prix du CPB fixé par le fournisseur (maxi 100 €). « On est donc sur des prix d’achat du biométhane de 120 à 130 €/MWh », indique Cécile Frédéricq, qui ajoute que la filière œuvre pour que le dispositif repose sur des contrats de long terme, indispensables pour que les banques suivent les projets. Les contrats d’achat déjà signés ne sont pas concernés par ce nouveau dispositif.

La certification RED II renchérit le coût des projets

Malgré ce vent d’optimisme, la déléguée générale de France gaz renouvelable n’occulte pas la question de l’importance de l’investissement que représente un méthaniseur, même s’il existe des aides de l’Ademe dans certaines régions. Grégory Vrignaud, de l’association Valeurs Agri Métha, donne des seuils à ne pas dépasser en termes d’euros investis pour qu’un projet reste rentable : « 30 000 euros le normo mètre cube (Nm3) installé si le méthaniseur est alimenté par des Cive, 45 000 euros le Nm3 s’il est alimenté pour partie par des effluents d’élevage. »

Les évolutions réglementaires renchérissent aussi le coût des projets. Le biométhane qui sera produit à l’avenir sous contrat CPB devra être certifié RED II, tout comme désormais les unités actuelles de plus de 19,5 GWh. Ce gage de production durable implique un audit et plus de traçabilité. « Face aux coûts et à la charge de travail croissante, monter un projet en collectif peut s’avérer un atout, estime Cécile Frédéricq. Auparavant, les projets étaient surtout individuels (2011-2018), puis à deux ou trois agriculteurs, et aujourd’hui la tendance est aux projets en collectif. »

Entre 5 et 6 millions pour un méthaniseur alimenté par des Cive

Le coût d’une unité de méthanisation à la ferme est très variable en fonction des spécificités du projet. La fourchette se situe entre 2 et 10 millions d’euros d’après Stéphanie Sommier, de la chambre d’agriculture de Bretagne. Un méthaniseur en injection, capable de traiter 20 000 tonnes de Cive par an, se chiffre entre 5 et 6 millions d’euros, pour un débit d’injection d’environ 16 000 MWh/an.

La directive européenne RED II

Pour être certifiés RED II, les méthaniseurs doivent utiliser des matières premières durables (Cive, biodéchets, effluents d’élevage) et démontrer une réduction significative de leurs émissions de GES (- 65 % pour les unités post 2021 par rapport à l’énergie fossile de référence). Le producteur doit prouver l’origine, les quantités des matières premières utilisées et les performances environnementales de son installation. Ces critères conditionnent l’accès aux aides et certificats et garantissent le caractère renouvelable du gaz.

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