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Mégabassines : la justice annule 15 projets en Charente, dans la Vienne et les Deux-Sèvres

Par deux jugements du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a annulé deux arrêtés préfectoraux autorisant la création et l’exploitation de quinze réserves de substitution, qualifiées de mégabassines par leurs détracteurs qui se réjouissent de cette décision de justice.

Réserve de substitution, qualifiée de mégabassine par ses opposants
La question de la création de mégabassines est toujours un sujet de crispation.
© Nicole Ouvrard

Par deux jugements du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a annulé deux arrêtés préfectoraux autorisant la création et l’exploitation de quinze réserves de substitution encore appelées mégabassines par leurs opposants.

Le premier arrêté autorisait la création de neuf réserves de substitution, plus communément appelées mégabassines, d’un volume total de 1,64 million de m3 sur les sous-bassins de l’Aume et de la Couture, dans le nord du département de la Charente et le sud du département des Deux-Sèvres. Le second arrêté autorisait la création de six « mégabassines » d’un volume total de 1,48 million de m3 sur le sous-bassin de La Pallu, dans la Vienne.

Des projets de mégabassines jugés surdimensionnés

Dans les deux cas, le tribunal administratif de Poitiers a estimé, à titre principal, que les projets étaient surdimensionnés. Le tribunal a constaté que, dans les deux projets, « la logique de substitution n’était pas effectivement respectée. En effet, le calcul du volume des réserves projetées reposait sur des données anciennes, datant du début des années 2000, qui ne reflétaient plus le niveau des prélèvements effectivement réalisés en été depuis une quinzaine d’année ».

Des volumes d'eau prélevés en hiver trop importants à La Pallu

Concernant les six réserves de substitution du sous-bassin de La Pallu, le tribunal a en outre constaté que la réalisation du projet était susceptible de porter les prélèvements hivernaux, tous usages confondus, à 2,2 millions de m3, soit un tiers de plus que le volume prélevable (volume que le milieu peut fournir dans des conditions écologiques satisfaisantes) qui est de l’ordre de 1,66 million de m3 d’après les travaux réalisés dans le cadre de l’élaboration de l’étude « Hydrologie, milieux, usages et climat » (HMUC).

Compte tenu du surdimensionnement du projet et au regard du contexte hydrologique local et des effets prévisibles du changement climatique, le tribunal a estimé que la préfète de la Vienne avait, en autorisant ce projet, « entaché son arrêté d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mise en œuvre du principe de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau défini à l’article L. 211-1 du code de l’environnement ».

Des « irrégularités » dans le dossier charentais

Concernant les neuf réserves de substitution des sous-bassins de l’Aume et de la Couture, le tribunal a relevé que les prélèvements estivaux pour l’irrigation s’élèvent actuellement à environ 2,1 millions de m3. Après réalisation du projet, il était prévu le maintien de prélèvements estivaux de 1,87 million de m3, en plus des prélèvements hivernaux de 1,64 million de m3 qui seront nécessaires pour remplir les réserves.

Ainsi, le projet, qui conduisait à augmenter les prélèvements de 1,41 million de m3 par an, ne respectait pas la logique de substitution prévue par le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et, contrairement à ce qu’impose le SDAGE, n’était pas associé à de réelles mesures d’économie d’eau et ne tenait pas compte des effets prévisibles du changement climatique. En outre, le tribunal a relevé plusieurs irrégularités dans la composition du dossier au regard duquel l’autorisation a été délivrée, notamment s’agissant de l’étude d’impact qui souffrait de plusieurs insuffisances et inexactitudes empêchant d’apprécier correctement les incidences du projet sur l’environnement.

 

La préfecture de la Vienne va faire appel de la décision

La préfecture de la Vienne a annoncé qu’elle ferait appel de cette décision. Bertrand Lamarche, président de la Société coopérative anonyme de gestion de l’eau de La Pallu, a confié à nos confrères de La République que les irrigants qu’il représente feraient « certainement » appel eux aussi de cette décision.

 

La Confédération paysanne et les Soulèvement de la Terre se réjouissent

De leur côté, le collectif Bassines non merci ! et la Confédération paysanne et des Soulèvements de la Terre écrivent dans un communiqué commun que cette décision de justice les «  pousse d'autant plus à faire en sorte que s'arrêtent les chantiers en cours à Priaires, la plastification de Sainte-Soline ou celui annoncé à Épannes. Les mobilisations nécessaires vont être annoncées prochainement et mises en œuvre si ces chantiers se poursuivent. Il est grand temps que le gouvernement reconnaisse la nécessité d'un moratoire immédiat et cesse de réprimer le mouvement de défense de l'eau ».

Pour Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO : « La justice vient de donner un coup d’arrêt à la campagne de désinformation qui tente depuis des années de présenter les méga-bassines comme une solution aux épisodes de sécheresse afin de satisfaire les besoins en irrigation de l’agriculture intensive. Dans le contexte du réchauffement climatique, c’est aux pratiques agricoles de s’adapter à la diminution des ressources en eau, et pas l’inverse ».

Voir le jugement 21021394

Voir le jugement 2102413

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