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Location de bovins : comment fonctionne le bail à cheptel ?

La location d’animaux peut constituer un outil de transmission progressive du cheptel dans un cadre familial ou entre tiers.

Le contrat ancestral du bail à cheptel, qu’on croyait désuet, s’avère être un outil pertinent dans plusieurs situations au cours de la vie d’une ferme, « pour étaler une transmission, limiter l’endettement, faire face à un incident sanitaire, et même améliorer la génétique de son troupeau », résume Carll Dajino, directeur commercial de Gestel, une entreprise qui loue 15 000 vaches laitières et allaitantes à un millier d’éleveurs français.

Lors d’une installation en élevage, le repreneur doit reprendre le foncier et les bâtiments, en propriété ou en location, et bien sûr, le matériel et le cheptel, le plus souvent en l’achetant.

Un coût lourd à assumer, si en plus des investissements de modernisation sont projetés. Les premières années d’installation, comme en vitesse de croisière, l’éleveur peut être limité dans ses capacités d’emprunt, alors que son seuil de rentabilité exige des volumes importants.

Bail à cheptel simple

Avec un bail à cheptel simple, il s’agit pour le propriétaire d’un troupeau de le louer à un preneur, chargé de le garder, le nourrir et soigner. Le propriétaire peut être un éleveur qui cesse tout ou partie de son activité, une société spécialisée reconnue, une coopérative qui soutient le démarrage d’activité de ses associés coopérateurs.

La durée est libre. Quelques mois pour augmenter son litrage en fin de campagne, quelques mois pour augmenter son chargement, une ou deux années pour poursuivre son activité malgré une épizootie, plusieurs années avant d’avoir les moyens d’acheter son propre troupeau.

Le locataire profite seul du lait et du fumier, ainsi que d’une part des naissances. À défaut de précision dans le contrat, l’éleveur pourra garder « la moitié du croît, à condition qu’il supporte aussi la moitié de la perte », prévoit l’article 1804 du Code civil. En pratique, les contrats en vigueur établissent un loyer proportionnel aux naissances, plus réaliste par rapport à la rentabilité des élevages. Par exemple, Gestel, à Dardilly dans le Rhônes, société qui en a fait sa spécialité, demande 10 % des vêles pleines et 20 €/mois/tête louée, accordant même trois ans de différé de paiement de loyer. Certains contrats prévoient que le bailleur et le preneur se partagent dans des proportions différentes les naissances femelles et mâles. Les animaux correspondant au loyer sont choisis par le bailleur.

Dans le Gers, le Gaec Touyet, qui loue son troupeau à une jeune installée, a préféré percevoir un loyer équivalent à 1/12 des naissances, découpé en caissettes. Françoise Touyet, associée de la structure, reconnaît qu’au début l’idée lui a paru risquée : « Louer du foncier qui se détériore peu s’il est mal entretenu et louer des animaux, qui, à la moindre erreur peuvent dépérir, l’enjeu n’est pas le même », avoue-t-elle.

 
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Pour plus de rigueur et d'impartialité, l'évaluation des animaux a été faite par l'animateur de l'Association pour la sauvegarde de la race bovine béarnaise. © N. Savin

En fait, le Code civil, comme le contrat s’il est bien rédigé, anticipe ce risque. D’abord par un état numératif, descriptif et estimatif des animaux loués. Ainsi, à la fin du bail, s’il manque des animaux ou qu’ils ont perdu de la valeur, le propriétaire retrouve un équivalent du capital loué ; les animaux loués ayant bien sûr grandi. Autrement dit, le locataire rendra des bovins de la même race, du même âge, du même gabarit ou, dans le cadre d’une transmission, il achètera la valeur du troupeau selon l’estimation initiale. En effet, dans le cadre d’une transmission progressive, le locataire peut souhaiter acheter le cheptel à la fin du contrat.

Dans le cas de Françoise Touyet, s’agissant d’un troupeau d’une race particulière – la béarnaise –, pour cet état estimatif, elle a fait appel à un marchand de bestiaux et au responsable de l’association de sauvegarde de la race bovine.

De plus, pour rassurer le bailleur, des visites sur l’exploitation sont prévues. Un suivi technique par un organisme tiers peut même être imposé, comme une condition de renouvellement du bail notamment.

En cas de mortalité (maladie ou accident), selon si le preneur est responsable ou pas, c’est le preneur ou le bailleur qui assume la perte. Le contrat prévoit bien sûr que le preneur prouve au bailleur qu’il est bien assuré contre ce risque.

Le risque sanitaire n’est pas négligeable non plus. C’est pourquoi une prophylaxie en amont et une quarantaine sur l’exploitation sont vivement conseillées, ainsi qu’une phase d’adaptation au microbiome de l’exploitation.

Bail mixte associant foncier et cheptel

Les propriétaires du foncier et du cheptel loués peuvent être la même personne, notamment dans le cadre d’une transmission de l’ensemble.

Souvent, le matériel et le troupeau sont vendus au repreneur et les terres plus bâtiments sont loués, mais le cheptel, comme le matériel, pourrait aussi être inclus dans le contrat de bail, liant les biens mobiliers et immobiliers. La durée de ce bail mixte est alors calée sur celle du foncier : 9, 18 ou 25 ans. Le montant du loyer n’est plus dans ce cas proportionnel aux naissances mais fixe et libre. Le matériel se détériorant par l’usage, sa location n’est pas pertinente à long terme. En revanche, les animaux étant substituables, le bail mixte peut étaler le coût de l’installation.

Attention, dans ce type de bail, sauf précision contraire dans le contrat, c’est le fermier qui assume la perte totale du troupeau, même s’il n’est pas fautif.

Côté éco

Du point de vue fiscal, le loyer constitue une charge déductible alors que l’investissement dans une vache constitue un stock ou une immobilisation amortissable.

Annabelle Meyer, à Isturits dans les Pyrénées-Atlantiques :

« Grâce au bail à cheptel, j’allège l’investissement les premières années d’installation »

 

 
<em class="placeholder">Françoise Touyet et Anabelle Meyer avec des vaches louées</em>
Françoise Touyet rend visite à Annabelle Meyer au moins une fois par an pour faire un état des lieux des animaux loués. © N. Savin

« Souhaitant m’installer avec des vaches béarnaises en transhumant, j’ai fait une installation en deux temps. À l’été 2024, j’ai créé mon entreprise puis au bout de deux ans, je demanderai la dotation nouveaux et jeunes agriculteurs (DNJA).

Avant de faire de lourds investissements, en tant que hors cadre, je voulais vérifier mes capacités d’éleveuse et tester mon projet de troupeau mixte allaitant et laitier.

L’Association de sauvegarde de la race bovine béarnaise m’a mise en relation avec le Gaec Touyet qui avait un troupeau très docile à vendre, mais je n’avais les moyens d’en acheter que la moitié. En plus, je me suis installée en mai, après la PAC, donc mes capacités de financement en première année étaient restreintes. Avant d’oser le bail à cheptel, pour qu’une confiance réciproque se mette en place, j’ai donné des coups de main aux associées du Gaec en estive, pour mieux connaître les vaches. Quant aux associées, elles m’ont vue au travail et briefée.

Finalement, n’ayant pas dû acheter les animaux, j’ai pu prendre l’ensemble du troupeau en bail à cheptel, ce qui arrangeait aussi le Gaec propriétaire. En effet, le Gaec souhaitait arrêter cet atelier. Françoise Touyet, qui était responsable de cette production, est venue faire sa première visite et elle a constaté que ses vaches avaient un peu maigri, car je n’ai pas la même conduite d’élevage, mais que les veaux nés étaient vigoureux. Cette première visite l’a rassurée. Si mon projet se confirme, j’envisage d’acheter l’ensemble du troupeau, au prix estimatif. Le contrat est d’une durée d’un an, tacitement reconductible, avec un préavis de huit mois. En tout cas, les veaux nés et à venir vont me permettre de constituer mon propre troupeau, si le Gaec voulait reprendre le sien. Mon contrat comporte un droit de préférence, c’est-à-dire que si le Gaec vend le troupeau à la fin du bail, je serai prioritaire pour l’acheter. Le loyer a été établi à 1/12 des naissances découpé en caissettes. »

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